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Un voile épais me couvrait les yeux (planche maçonnique)

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Un voile épais me couvrait les yeux : comment interpréter cette phrase du rituel d’instruction ? Voici une planche maçonnique au 1er degré.

Qu’avez-vous aperçu en entrant en Loge ?
Rien que l’esprit humain puisse comprendre : un voile épais me couvrait les yeux.

Comment expliquez-vous cette réponse ?
Il ne suffit pas d’être mis en présence de la Vérité pour qu’elle nous soit intelligible. La Lumière n’éclaire l’esprit humain que lorsque rien ne s’oppose à son rayonnement. Tant que l’illusion et les préjugés nous aveuglent, l’obscurité règne en nous et nous rend insensibles à la splendeur du Vrai.

Instruction 1er degré R.E.A.A.

Ce passage du rituel d’instruction rappelle les conditions dans lesquelles le néophyte est initié : il accomplit les voyages initiatiques les yeux bandés, incapable d’accéder au sens de ce qu’il vit.

A ce stade, le néophyte est donc inapte à recevoir la Lumière : le bandeau qu’il porte représente les métaux, les attachements, les préjugés, les illusions qui font obstacle à la Vérité.

Le postulant ne peut être initié qu’en étant guidé : il n’a pas les ressources suffisantes pour être le moteur de sa propre initiation. Tout se passe comme s’il avait demandé à sortir des ténèbres mais n’en avait pas les capacités…

Le début de la cérémonie est donc un entre-deux : l’initiation est en cours, mais elle n’est pas reçue, pas comprise. Pourtant, un premier pas essentiel vient d’être franchi, qui consiste à voir ce bandeau que nous ne voyions pas. A ce stade, paradoxalement, toute la Lumière se porte sur le bandeau.

Tentons d’interpréter la phrase : « un voile épais me couvrait les yeux ».

Voir aussi cette liste de planches au grade d’apprenti

Cette phrase peut être lue à différents niveaux. Au sens littéral, « un voile épais me couvrait les yeux » signifie : je portais un bandeau et je ne comprenais pas ce que je vivais.

Dans un sens plus profond, cette phrase peut vouloir dire : je me rends compte aujourd’hui qu’un voile épais me couvrait les yeux dans ma vie antérieure. Je pensais voir juste, être en mesure de discerner, je croyais avoir tout compris, avoir raison, mais en réalité un voile me couvrait les yeux et je demeurais dans une totale illusion.

Voir le bandeau est donc une première étape dans le processus d’initiation, une étape-clé. Il s’agit de reconnaître que nous étions plongés dans l’erreur, et que nous le sommes encore, et que nous le serons toujours.

La méthode maçonnique est ainsi résumée : le but n’est pas de voir la Vérité, ce qui est impossible, mais de voir l’obstacle. Voilà la marche à suivre, voilà le travail à accomplir. Il s’agit de pratiquer l’introspection, de connaître la source de nos pensées et de nos actes, de connaître les influences auxquelles nous sommes soumis, d’identifier tous les biais à la vision claire.

Le franc-maçon n’est donc pas celui qui croit pouvoir retirer son bandeau, mais celui qui sait qu’il a un bandeau sur les yeux. Voir le bandeau, c’est déjà se donner une chance de voir au-delà. Ainsi, le bandeau lui-même offre l’image d’une première vérité : « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien ».

Difficile, pourtant, de nous dire que nous avons vécu jusqu’ici avec un bandeau sur les yeux, et que ce bandeau assombrit encore notre regard. Notre ego n’aime pas ce genre d’idée. Il tentera par tous les moyens de nous convaincre qu’il n’y a pas de bandeau, et que nous pouvons avoir raison contre les autres.

Le retrait du bandeau constitue le point d’orgue de la cérémonie d’initiation. Or ce retrait se fait de manière progressive et encadrée.

Le bandeau est retiré brièvement une première fois, non pas sur demande du néophyte mais sur celle du Premier Surveillant. Le néophyte aperçoit alors les épées tournées vers lui, les visages dissimulés, ainsi qu’un corps à terre. La scène du parjure est une mise en garde : on ne peut retirer le bandeau que si l’on y est prêt.

Un peu plus tard, le néophyte se voit retirer une deuxième fois le bandeau, cette fois sur sa propre demande. Il accède à la Lumière au sein de la chaine d’union, les mains unies à ses frères, ceci pour montrer que l’on ne peut se rattacher à l’Autel de Vérité qu’à travers les autres.

Au préalable, le néophyte s’est engagé à pardonner à ses éventuels ennemis. Immédiatement après, il est confronté à sa propre image dans le miroir, pour lui rappeler que l’ennemi est en lui.

Le message semble clair : le « voile épais » pourra être entrouvert chaque fois que les ennemis intérieurs seront identifiés, et chaque fois que nous nous ouvrirons aux autres.

Le voile épais qui recouvre nos yeux symbolise notre condition, identique à celle des hommes enchainés au fond de la Caverne de Platon. Le pire, pour ces hommes, n’est pas voir des ombres, mais de prendre ces ombres pour la réalité. Il n’y a pas pire ignorant que celui qui croit savoir.

Nous devons, le plus souvent possible, nous rappeler que nous avons un voile sur les yeux. Ce voile, alors, commencera à s’écarter, comme s’écartait une fois par an le voile situé entre le Saint (l’Hekhal) et le Saint des saints (le Débir) du temple de Salomon. Le grand prêtre pénétrait alors dans l’espace le plus sacré du Temple, là où était censée se matérialiser la présence de Dieu, qui est pour nous le symbole de l’ultime Vérité.

Pour aller plus loin :

Les essentiels du premier degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 7 avril 2025

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