Le tsimtsoum : définition dans la Kabbale. Comment et pourquoi Dieu crée-t-il le monde ? Quelles sont les conséquences de son retrait ?
Dans la Kabbale, le tsimtsoum (« contraction » en hébreu) est le retrait de Dieu lors de la création du monde. Bien qu’existant déjà dans le Talmud, ce concept du mysticisme juif a été approfondi au XVIe siècle entre autres par Isaac Louria.
Le tsimtsoum est donc une approche de la création du monde. Avant la création, Dieu est Ein Sof (« sans limite ») : il est plein, absolu, infini. Il n’a pas d’attribut, pas d’intention, pas de forme. Il est ineffable, indescriptible. Ein Sof ne laisse aucune place à la création. Pour créer l’espace et le temps, Dieu opère le tsimtsoum, le retrait de lui-même afin de permettre à « quelque chose » d’exister.
En effet, pour que quelque chose existe, il faut que la Lumière divine recule. Un monde qui ne serait que Lumière serait un monde invisible, inexpérimentable, donc sans vie et sans chemin spirituel. C’est bien parce que l’ombre existe que nous pouvons distinguer, comprendre et apprendre.
Le concept de tsimtsoum est donc intimement lié à celui de ténèbres (la matière) et de Lumière (l’Esprit). La matière est ce qui fait obstacle, mais paradoxalement cet obstacle permet de revenir à la Lumière. Autrement dit, en visitant la matière, l’Homme découvre un chemin spirituel de retour à Dieu.
Voici donc une tentative de définition du tsimtsoum dans la Kabbale.
Le tsimtsoum : définition
Définition : Le tsimtsoum est le retrait de la Lumière divine pour laisser place à un monde vivable, perceptible et expérimentable. Mais ce retrait n’est pas total. Dieu reste présent au sein du monde ; sa Lumière, bien que cachée, n’est pas éteinte : à nous d’arriver à la percevoir.
Le retrait du Dieu-Tout crée une sorte de vide. Ce vide, c’est l’espace-temps, la matière marquée par la séparation, la différenciation et, sur le plan de l’Homme, l’individualité ou l’ego. En réalité, tous ces éléments s’inscrivent dans une unité cachée.
Ce retrait n’est donc pas un abandon du monde par Dieu, il ne consiste pas à livrer le monde à un autre dieu ou au « mal ». Il s’agit simplement d’une dissimulation partielle de Dieu afin de laisser émerger un potentiel de vie et de conscience.
Dans l’esprit humain, la dissimulation que nous venons de décrire crée le questionnement. L’ignorance crée la possibilité d’une Connaissance. L’accès à la Vérité nécessite alors une recherche, une quête qui consistera à traverser la matière. La matière devient le support de la quête.
Deux énergies issues du tsimtsoum
Le tsimtsoum crée un monde marqué par deux énergies : l’amour et la séparation, qui rappellent les deux piliers de l’arbre de vie kabbalistique : Miséricorde et Rigueur.
En apparence, dans notre monde, la séparation est la règle : tout est marqué par les différences, la discorde, le conflit. Pourtant, l’amour est l’énergie qui domine en arrière-plan, bien que dissimulée. En effet, Dieu est partout, il maintient tout en ordre et en cohérence, même si nous n’en avons pas conscience.
Le chemin de la spiritualité consiste alors à tenter de percevoir l’invisible, à prendre conscience de ces liens cachés partout présents, et à retourner à notre nature véritable.
Le reflet
L’amour est présent à l’état de reflet dans ce monde où le conflit domine. Ce monde-matière permet à Ein Sof de se connaître, de se voir en reflet ; il permet aussi à l’Homme de se connaître et de trouver le chemin de Dieu.
Il existe par conséquent deux directions de la Lumière :
- la Lumière descendante : c’est celle de la diminution d’Ein Sof, celle de l’abandon, de l’oubli,
- la Lumière montante : c’est celle du reflet, le chemin du retour, celui de la conscience qui s’ouvre, qui retrouve son état primordial.
En réalité, ces deux directions de la Lumière se croisent et s’équilibrent : elles sont indissociables.
A noter que le retrait de la Lumière divine génère quatre mondes successifs, qui correspondent dans l’autre sens à quatre degrés d’ouverture de la conscience :
- le monde de l’émanation : c’est la manifestation de l’Esprit de Dieu,
- le monde de la création : c’est l’idée de l’ensemble de la création,
- le monde de la formation : c’est la formation de la réalité,
- enfin le monde de l’action : c’est la réalité manifestée, le monde physique.
Du tsimtsoum aux dix sphères de l’arbre de vie
Après le tsimtsoum, Dieu laisse encore passer un rayon de Lumière, rayon qui se convertit en 10 puissances créatrices (ou centres énergétiques) représentées par les 10 sphères de l’arbre de vie séphirotique. Ces sphères sont autant de reflets de la Lumière divine dans la création, mais aussi, dans l’autre sens, différents niveaux de perception et d’interprétation de la réalité.
Chaque sphère cache ou limite la Lumière divine (mouvement descendant), mais en même temps la révèle (mouvement ascendant).
Par ailleurs, Adam Kadmon est une image du processus de création du monde (lire notre article dédié) :
Une autre représentation du tsimtsoum est celle des cercles concentriques : Dieu crée le monde en maintenant un rayon de lumière, qui dans son développement va constituer dix cercles. Ces cercles concentriques (igoulim) correspondent aux Sephiroth et comportent deux rayonnements : l’un montant, l’autre descendant.
Le tsimtsoum : analyse et interprétation
Dans le plus pur esprit de la tradition hébraïque, le concept de tsimtsoum se fonde sur l’idée d’un monde créé par Dieu, donc marqué par un début et une fin. Dieu lui-même est au-delà de la création, il est transcendant et éternel, il se situe au-dessus de la matière. Mais en l’occurrence il est aussi immanent, c’est-à-dire présent dans la matière. Cette matière exprime simplement la dissociation entre Dieu et lui-même, dans le but de se percevoir.
Il est en effet impossible de se connaître si l’on reste seul. Pour se connaître, il faut penser, créer, agir, se confronter à quelque chose. Il faut juger, prendre position. Il faut douter, évoluer, changer. Ainsi, en créant l’énergie, la vie et la conscience, en créant l’Homme, Dieu donne à quelque chose d’autre la possibilité de le connaître ; il se donne lui-même la possibilité de se connaître.
Sur le plan humain, le tsimtsoum est une invitation à la connaissance de soi et à la quête Dieu. La Lumière se révèle dans les profondeurs de la matière, Dieu apparaît dans un double-mouvement vers le bas et vers le haut. Il faut donc plonger au coeur de l’obscurité, au coeur de soi-même pour trouver les réponses.
Le tsimtsoum révèle l’importance de la matière et l’utilité de la séparation. L’Homme est un être de matière, de doute, d’ignorance et de souffrance, mais paradoxalement, cette condition lui ouvre le chemin de la spiritualité.
L’Homme ne sera jamais omniscient, omnipotent comme l’est Dieu, mais il peut se tenir auprès de Dieu. C’est alors que notre vie prend tout son sens : les épreuves sont faites pour retrouver le paradis perdu ; nos limites nous ouvrent le chemin de l’illimité ; notre insignifiance nous permet de toucher du doigt l’absolu. En ce sens, le tsimtsoum est la voie du sens et de la résolution des paradoxes.
Pour aller plus loin :

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?
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Modif. le 7 avril 2025