Un événement traumatisant peut-il changer une personne à jamais ? Peut-on se relever après avoir été brisé, et si oui comment et à quel prix ? Voici une analyse du personnage de Thomas Shelby dans Peaky Blinders.
Thomas Shelby, personnage central de la série Peaky Blinders, est l’homme qui incarne ces questions.
Son histoire est marquée par une série d’épreuves qui façonnent et redéfinissent sa personnalité, et l’une des plus profondes est sans doute son expérience de la Première Guerre mondiale.
Thomas Shelby dans Peaky Blinders : l’ambition, notre meilleur atout pour se relever ?
Pour Thomas Shelby, la guerre n’est pas un simple événement de la vie. C’est un bouleversement qui le défigure mentalement et émotionnellement. Avant d’aller au front, il est décrit comme rieur, communiste, doux, charmant, croyant en la justice. Mais la guerre, avec ses horreurs et ses pertes, le transforme en une personne dure, froide, parfois cruelle.
Il revient du conflit marqué à vie par ce qu’il a vécu : les tranchées, les tunnels, la violence, la mort qui l’entoure à chaque instant. La solution que Thomas Shelby propose pour se relever n’est pas de fuir ou d’oublier. Il ne cherche pas à effacer ses souvenirs douloureux, car il sait qu’ils font partie de lui désormais.
Au contraire, il les accepte et choisit de les engloutir dans une activité incessante, une obsession du travail et de la puissance, il cherche sa redemption à travers le pouvoir et la reconnaissance sociale.
J’ai appris quelque chose. Il n’y a pas de repos pour moi en ce monde, peut-être dans le prochain…
Pour se relever, il devient implacable. Avant la guerre, il était un homme qui croyait en un avenir meilleur pour tous, mais en revenant, il n’a plus de place pour la douceur ni pour la naïveté.
– Elle m’a dit que ce doux garçon n’est jamais revenu.
– Personne n’est revenu.
L’ambition, mais à quel prix ?
La guerre lui a enseigné que la vie était dure, et il choisit de devenir aussi dur que la réalité qu’il a connue. Il se lance dans des affaires risquées, dans des jeux de pouvoir et de violence. Il n’a plus le temps pour les regrets, pour les doutes.
Thomas Shelby avance, toujours plus loin, toujours plus vite. Il choisit également de laisser son passé derrière lui, il jettera ses médailles de guerre dans le canal comme pour affirmer que le Thomas d’avant, celui qui croyait en un monde meilleur, est mort avec la guerre.
Le passé ne me concerne plus.
Sa rédemption ne passe pas par le souvenir, mais par l’action et l’ambition. Cette ambition devient le moteur principal de son existence. Plus il avance, plus il grimpe dans l’échelle sociale, et plus il semble se relever de ses souffrances passées.
De simple membre d’une famille de bandits, il devient le chef de la famille, le patron d’un empire criminel. Il prend le contrôle des paris sur les courses de chevaux, s’étend dans les affaires politiques, et ne se contente pas de ce qu’il a : il veut tout.
Il veut tout pour prouver qu’il est plus que l’homme qu’il était avant la guerre. Il veut devenir ministre, président, atteindre les sommets où il ne sera plus jamais vulnérable. Son hybris est sans limite.
Malgré tout, son parcours est loin d’être linéaire. Il passe par des moments de dépression, de cauchemars, de stress post-traumatique. Il consomme de l’opium pour apaiser ses tourments. Il n’est pas invincible, et son ambition, bien qu’un moteur puissant, est aussi une blessure qu’il cherche à masquer.
Pour se relever, il devient implacable. La guerre lui a enseigné que la vie était dure, et il choisit de devenir aussi dur que la réalité qu’il a connue. Thomas ne parle pas de ses sentiments, jamais. Cette ambition devient le moteur principal de son existence.
Mais Thomas Shelby n’est pas invincible, et son ambition, bien qu’un moteur puissant, est aussi une blessure qu’il cherche à masquer. Lorsque Thomas se rapproche de sa fin, il réalise qu’il a presque tout obtenu. Mais à quel prix ? Sa famille est déchirée, il l’a perdue, ainsi que l’amour qu’il a cherché à protéger. Tout ce qu’il a gagné ne suffit pas à réparer les fissures qu’il porte en lui.
La philosophie de Thomas Shelby pour faire face aux traumatismes de la vie
D’un point de vue philosophique, le personnage de Thomas Shelby évoque l’existentialisme.
Sartre affirme que l’homme est condamné à être libre, c’est-à-dire qu’il doit donner un sens à son existence à travers ses choix. Thomas Shelby, brisé par la guerre, se forge une nouvelle identité à travers son ambition et son pouvoir. Il refuse de se laisser définir par son passé et choisit d’agir, malgré la douleur et l’absurdité de la vie.
Camus explore la notion de l’absurde, notamment dans Le Mythe de Sisyphe. Thomas Shelby, en poursuivant sans cesse la réussite et en s’enfonçant dans la violence, ressemble à Sisyphe poussant son rocher sans fin. Il sait que la paix lui est impossible, mais il continue d’avancer, pris dans une logique sans issue.
On pourrait aussi évoquer la volonté de puissance de Nietzsche. Friedrich Nietzsche soutient que l’homme doit s’affirmer et se transcender à travers la volonté de puissance, un élan vital qui pousse à dépasser ses propres limites.
Thomas Shelby est l’exemple parfait de cette volonté de puissance : il refuse d’être une victime et transforme son traumatisme en moteur pour conquérir le monde.
Nietzsche critique aussi les valeurs morales traditionnelles. Thomas, après la guerre, abandonne certaines valeurs comme la compassion ou l’idéalisme pour survivre dans un monde où seule la force compte.
D’un point de vue psychanalytique, le refoulement de ses émotions et de ses souvenirs douloureux le pousse à agir de manière obsessionnelle. La pulsion de mort (thanatos) décrite par Freud peut aussi être mise en parallèle avec son comportement autodestructeur.
Conclusion
Après un événement marquant, comme un traumatisme profond, nous avons deux choix : se laisser écraser par la douleur ou se relever et se reconstruire, même si cela signifie changer radicalement.
Thomas Shelby nous montre que se relever après une épreuve impose toujours des sacrifices. Parfois, la souffrance peut nous conduire à des transformations inattendues. Pour Thomas, l’ambition devient une manière de survivre à ses blessures, un moyen de donner un sens à sa vie brisée.
Mais ce parcours est coûteux. Chaque victoire atteint un prix élevé, et même lorsqu’il semble avoir tout obtenu, il se rend compte que l’âme qu’il a laissée en chemin est une perte irréparable.
Peut-être Thomas Shelby aurait-il dû simplement accepter qu’il ne trouverait plus jamais ni le bonheur ni la paix intérieure du fait des épreuves qu’il a endurées…
Article rédigé par Grégoire Lasnon
Modif. le 30 mars 2025