Le tableau de loge du 11ème degré : comment l’interpréter ? Quelle est la signification des éléments qui le composent ? Voici une planche au grade de Sublime Chevalier Elu.
Le tableau de loge du onzième degré se présente sous la forme d’une perspective allant du parvis du Temple jusqu’au Saint des saints, en passant par le Saint (Hekhal ou chambre intermédiaire).
Précisément, le tableau comporte :
- les colonnes B et J,
- un fronton en forme de triple delta avec en son centre, les quatres lettres du nom ineffable,
- sur le linteau, à gauche, une croix grecque portant les lettres : C, K, A, E et S,
- sur le linteau, à droite : un blason comportant trois cœurs enflammés,
- trois marches pour accéder au Saint (Hekhal) et sept marches pour accéder au Saint des Saints (Débir),
- dans le Saint :
- le mausolée d’Hiram Abi,
- l’obélisque surmontée de l’urne traversée par l’épée,
- l’autel sur lequel est placé un coffret doré,
- une épée,
- une balance,
- une clé,
- dans le Saint des Saints, l’Arche d’alliance ornée de deux chérubins.
Voici une planche sur le tableau de loge du 11ème degré, grade de Sublime Chevalier Elu.
Voir aussi le rituel du 11ème degré REAA, Sublime Chevalier Elu
Le tableau de loge du 11ème degré : interprétation
Le tableau de loge du onzième degré consiste en une vue du Temple de l’extérieur vers l’intérieur, comme un résumé du chemin accompli… ou à accomplir.
Les portes sont ouvertes, comme une invitation à entrer : la porte du Temple, mais aussi le rideau du Saint des saints. Sur le chemin se trouvent différents symboles dont il faudra tenter de pénétrer le sens.
Notons qu’il y trois marches pour accéder au Saint et sept marches pour le Saint des Saints :
- les trois premières marches évoquent le ternaire qui permet de dépasser la dualité (les deux colonnes) pour s’engager sur la voie du Milieu, celle du Soi et de Dieu,
- les sept marches qui permettent d’accéder au Saint des saints peuvent représenter la perfection, le chemin accompli, la parfaite maîtrise.
Passer du trois au sept, c’est aussi passer de l’apprentissage à la maîtrise.
Le Saint ou Hekhal
Dans la première chambre se trouvent divers objets déjà rencontrés aux degrés précédents, mais cette fois-ci dotés d’une dimension particulière :
- l’épée était déjà présente sur le tableau du 8ème degré. Elle évoque la justice, le poignard de la vengeance, la voie juste, la lutte intérieure ou encore le chemin du devoir. Mais à ce degré, l’épée est officiellement remise par le Trois Fois Puissant au nouveau chevalier : « vous avez dirigé les travaux du Temple, soyez maintenant ses défenseurs contre les infidèles ». A noter que l’épée est aussi le bijou du grade : un poignard d’or à lame d’argent aussi appelé « épée de Justice »,
- la balance, déjà présente sur les tableaux de loge du 7ème et 8ème degré, symbolise là-encore la justice. Le Prévôt et Juge et l’Intendant des Bâtiments la pratiquaient déjà. Avec la mort des mauvais compagnons, la justice est passée. Dès lors, elle est totalement intériorisée ; elle consiste à « peser ses actes et ses projets pour mériter le nom glorieux d’Emerek ». Enfin, dans le rituel d’instruction, la balance « nous rappelle notre obligation d’être juste envers nos frères et notre prochain, car le roi Salomon a placé sa confiance en nous donnant le pouvoir d’exercer la justice et de régler les différends qui surviendraient entre les maçons »,
- la clé d’or était déjà présente sur le tableau de loge du 7ème degré : c’était l’attribut du Prévôt et Juge qui permettait d’ouvrir le coffret d’ébène contenant les plans de l’édifice, symbolisant le secret et le sacré. Ce coffret est désormais doré, signe que les secrets communiqués à ce degré ont une valeur supérieure. Par ailleurs, le coffret est placé sur l’autel, lieu du serment, comme pour renforcer le caractère inviolable des secrets transmis. En actionnant la clé, le Sublime Chevalier Elu se reconnecte à son serment et à son engagement : il recrée l’espace sacré en lui,
- le coffret doré est aussi listé comme l’un des cinq objets précieux présents dans le Chapitre des Sublimes Chevaliers Élus : « dans ce coffret étaient déposés les cœurs des victimes dont le sacrifice avait plu à Dieu. Nous pourrons aussi y déposer nos cœurs si nos actes lui sont agréables ». Ce coffret symbolise donc le don de soi, le fait d’offrir son coeur aux autres et à Dieu, summum de l’engagement chevaleresque,
- l’autel est orné des trois lettres IHS, initiales de Jéovah (ancien mot sacré des maîtres), d’Hiram et de Stolkin, premier maître à avoir découvert le corps d’Hiram. Ces lettres étaient déjà présentes sur le tableau de loge du 7ème degré ainsi que sur le cercueil d’Hiram au 10ème degré. Elles associent l’inconnaissable (Jéovah), la sagesse humaine (Hiram) ainsi que la quête qui mène aux secrets spirituels (Stolkin),
- le mausolée d’Hiram était déjà présent sur les tableaux de loge des 5ème et 6ème degrés. Il symbolise la douleur de la perte, la séparation intérieure, ou encore la mort initiatique annonçant une renaissance. Désormais, le mausolée apparaît en deux parties : la partie basse cubique (le corps) est dissociée de la partie haute pyramidale (l’intelligence du coeur), comme pour montrer une séparation nette entre la matière et l’esprit. D’autre part, les lettres C et X, qui étaient déjà présentes sur le tableau de loge du 7ème degré, réapparaissent près du mausolée. Elle sont les initiales de Xincheu (« siège de l’âme » ou « paix de l’âme ») et de Civi, qui signifie « s’agenouiller ». La vengeance accomplie, le Sublime Chevalier Elu est parvenu à la paix de l’âme. Il continue cependant de s’incliner devant l’exemple d’Hiram, exemple qui continue de le nourrir.
Le Saint des saints ou Débir
Les rideaux du Saint des saints laissent apparaître l’Arche d’alliance, coffre qui, selon la Bible, contient les deux tables de pierre sur lesquelles Dieu a gravé les Dix commandements avant de les confier à Moïse (livre de l’Exode 34, 28). L’Arche contient aussi la manne, pain tombé du ciel pour nourrir les Hébreux, ainsi que le bâton d’Aaron, l’un des attributs de la royauté accordés par Dieu.
Lors de la traversée du désert, l’Arche était portée par les lévites et abritée sous la tente-tabernacle, sorte de sanctuaire mobile ; elle constituait le centre physique et spirituel du peuple élu.
Dans la Bible, l’Arche d’alliance est un coffre fait en bois d’acacia, ce qui renvoie directement au symbolisme maçonnique de la Connaissance. L’Arche est entièrement dorée et comporte quatre anneaux d’or pur pour pouvoir passer les barres qui permettent de la porter.
Dans le récit biblique comme sur le tableau de loge, deux chérubins recouvrent de leur ailes le « propitiatoire », c’est-à-dire la plaque d’or placée sur l’Arche d’alliance. C’est entre ces deux chérubins que se manifeste la présence divine :
C’est là que je me rencontrerai avec toi ; du haut du propitiatoire, entre les deux chérubins placés sur l’arche du témoignage.
Exode 25, 21-22
J’apparaîtrai dans la nuée sur le propitiatoire.
Lévitique 16, 2
Le propitiatoire peut donc être considéré comme le trône de Dieu, l’endroit de sa résidence terrestre, le lieu précis de sa manifestation.
Au final, la présence de l’Arche d’alliance sur le tableau de loge permet d’approcher au plus près le mystère divin. Le rideau ouvert permet d’entrevoir la vérité.
Le fronton et les quatre lettres du nom ineffable
Le fronton orné du nom ineffable signifie qu’il s’agit bien du temple de Dieu, ce qui n’est pas incompatible avec la notion de temple intérieur.
Le nom ineffable de Dieu, imprononçable, est composé des quatre lettres Yod, Hé, Vav, Hé, déjà apparues sur le tableau de loge du 5ème degré.
Le tétragramme divin YHWH pourrait être dérivé de la racine sémitique hwy ou hyh signifiant « être » ou « se révéler », ce qui peut faire penser au souffle de la création :
- Yod est la main créatrice, l’étincelle de vie, la première traduction de la volonté de Dieu dans la réalité,
- Hé, lettre présente deux fois dans le tétragramme, est liée au souffle et à la respiration,
- Vav évoque un élément qui unit, qui met en correspondance deux éléments opposés (par exemple ce qui rentre et ce qui sort de Hé) ou deux mondes, celui d’en haut et celui d’en bas.
A l’évidence, le nom ineffable évoque la présence de l’esprit divin, descendu pour rencontrer le coeur de l’homme, désormais grand ouvert.
Le nom de l’Éternel réside entre les chérubins.
Premier livre des Chroniques 13, 6
La croix sur le linteau
La croix ornée des cinq lettres est un symbole particulièrement important à ce degré.
Notons que l’on retrouve aussi la croix grecque sur le tablier du grade :
La croix comporte les lettres suivantes :
- C et K pour Civi et Ky : au septième degré, Civi et Ky représentaient le double mouvement du Prévôt et Juge, qui passait du recueillement à l’action et de l’action au recueillement, harmonisant pensée et action en lui. A noter que l’initiation au grade de Sublime Chevalier Elu se fait en s’agenouillant devant chacune des quatre portes du Temple. A ce degré, on s’agenouille d’abord en signe de respect devant le Grand Architecte de l’Univers et devant le caractère sacré du Temple qui lui est dédié. On se relève ensuite pour « recevoir la récompense du zèle et du travail »,
- A pour Adonaï signifie « le Seigneur ». En position centrale dans la croix, Adonaï est le mot sacré à ce degré. Ce mot est utilisé en substitution du nom ineffable de Dieu,
- E pour Emeth ou Emerek signifie fidèle, intègre, juste ou vrai : ce sont les caractéristiques du Sublime Chevalier Elu,
- S est l’initiale de Salomon.
Ainsi, ces cinq lettres réunies au sein de la croix représentent le respect dû au Grand Architecte de l’Univers et à son représentant sur Terre Salomon, respect qui repose sur la vertu d’Emerek, homme vrai, chevalier du coeur. A ce titre, la croix est l’équivalent du coeur enflammé, comme le laisse entendre le rituel :
Au lieu d’un cœur enflammé qui, au temps de la loi écrite était la marque distinctive des illustres Chevaliers Élus, aujourd’hui nous portons une croix.
Le blason sur le linteau
Sur le linteau à droite, un blason apparaît. Il comporte trois cœurs enflammés que l’on retrouve aussi sur le cordon.
Q. – Qu’indiquent les trois cœurs enflammés ?
R. – Que notre cœur doit être charitable envers nos Frères et notre prochain.
Le chevalier est en effet celui qui donne sa vie pour son prochain : il brave la mort, se dépasse et se sacrifie pour les autres et pour la cause. Précisément, le blason est le signe de la chevalerie et de la noblesse.
On remarquera enfin que la croix est placée en tête de la colonne Boaz (l’intention) alors que le blason surmonte la colonne Jakin (l’action). Il s’agit d’abord de témoigner respect à Dieu, avant d’agir pour les autres en pratiquant le don de soi.
Voir aussi notre liste de planches du 5ème au 12ème degré
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (72 pages) comporte 19 planches essentielles pour approfondir le symbolisme des degrés de vengeance ou d’Elu au R.E.A.A.
Décryptez la légende, les personnages, les décors et les notions-clés à ces degrés.
Modif. le 1 juin 2024