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La scène du miroir : planche maçonnique

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La scène du miroir lors de l’initiation maçonnique : comment l’interpréter ? Que symbolise le miroir ? Quelle image renvoie-t-il de nous ?

Ce n’est pas toujours devant soi que l’on rencontre des ennemis. Les plus à craindre se trouvent souvent derrière soi.

Rituel d’initiation au grade d’apprenti

La scène du miroir nous met face à notre réalité sans complaisance et sans artifice ; comment l’apprenti peut-il mettre à profit ce symbole pour progresser dans sa vie profane ?

Par définition, un miroir est une surface suffisamment polie pour qu’une image s’y forme par réflexion. Son principe est la réflexion qui se manifeste dans tout face à face avec lui.

Le miroir était déjà utilisé par les plus anciennes civilisations ; son reflet était considéré comme l’âme de la personne. Il était par exemple utilisé lors de processions religieuses, lors de rituels ou cérémonies. Il était également considéré comme objet de prestige ou de pouvoir.

En latin, miroir se dit speculum, qui a donné le mot spéculation, synonyme de raisonnement. Le miroir est donc le symbole de la « réflexion ». La réflexion est un renvoi de la lumière qui permet un éclairage nouveau et invite au recul sur la pensée, donc au recul sur soi-même.

Recul ou « retournement » : la scène du miroir nous invite en effet à opérer un demi-tour, à nous questionner à nouveau sur nos actes passés, sur nos pensées spontanées. Le temps de l’analyse est venu…

Tentons d’éclairer la signification de la scène du miroir lors de l’initiation maçonnique.

Lire aussi notre article sur le symbolisme du miroir

La franc-maçonnerie adopte le symbole du miroir dès l’initiation. Son symbolisme est troublant et intense. Le principe de recul ou de « résonance » est l’une des clés de la démarche maçonnique, et il faut en comprendre le sens.

Revenons donc sur l’un des moments les plus importants de cette cérémonie. Après avoir subi avec succès les différentes épreuves (Terre, Air, Eau et Feu), c’est le moment de l’intégration dans la chaine d’union : le néophyte s’apprête à recevoir la Lumière. Le Vénérable Maître demande au postulant de tendre la main et d’oublier le passé s’il rencontrait des ennemis parmi les francs-maçons.

Après accord de ce dernier, le Vénérable Maitre prononce ces mots :

Néophyte ! Ce n’est pas toujours devant soi que l’on rencontre des ennemis. Les plus à craindre se trouvent souvent derrière soi.
Veuillez vous retourner.

Le néophyte pense dans un premier temps à un effort de clémence et de pardon à effectuer s’il trouvait un ennemi derrière lui. Mais en se retournant, il se trouve face au miroir, face à lui même. Il est donc son propre ennemi, il nous renvoie à une première et sincère confrontation.

Nous avons tous été marqués par cette scène et nous en avons un souvenir particulier ancré dans notre mémoire, qui perdure malgré les années.

La scène du miroir suggère une première question : l’image que nous avons de nous-même, et qui ressort ici comme le symbole de notre ennemi le plus proche, est-elle conforme à ce que nous sommes ou à ce que nous pensons être ?

Le miroir a un double pouvoir de réflexion, d’abord parce qu’il nous renvoie à notre propre image, nous confrontant aux apparences. Mais au delà de cette image superficielle, il nous invite à une réflexion beaucoup plus profonde, un examen de soi. Il nous invite à pénétrer dans notre intimité, dans ce que les autres ne voient pas, dans ce que nous ne voyons pas nous-même, ou bien ce que nous refusons de voir.

L’intime c’est ce qui est en nous : notre « for intérieur », la partie la plus consciente de notre être, en contact avec la réalité.

L’enfer, c’est les autres ! Les autres sont le miroir déformant de nous-même, et nous avons parfois du mal à l’admettre. Si cette exploration de soi est essentielle, elle se heurte à l’obstacle de sa remise en question. Nous avons tendance à nous accrocher à nos croyances, à notre propre vision des choses et de nous-même, à nos propres « valeurs » et en même temps à nos erreurs de jugement. Tout nous coupe de la réalité de ce que nous sommes.

Vouloir se remettre en question, c’est accepter le fait d’avoir vécu si longtemps dans les ténèbres et l’ignorance. C’est bien ce à quoi la scène du miroir nous invite.

A cet instant, notre vision de nous-même est peut-être sur le point de changer. Ce changement est imperceptible et il s’accroît au fur et à mesure que nous cheminons sur les voies de la Connaissance, connaissance de soi et des autres.

Le symbolisme du miroir nous invite à un voyage intérieur dans un premier temps, retour sur le cabinet de réflexion avec la formule V.I.T.R.I.O.L. (on notera que l’on trouve déjà un miroir dans le cabinet de réflexion) puis un voyage extérieur à la recherche de la Vérité, de la Connaissance afin de nous rapprocher de la perfection. Il nous rappelle l’importance de l’introspection, de la prudence et de la droiture morale, valeurs fondamentales de notre Ordre.

Un dicton japonais dit que nous avons tous trois visages : le premier que nous présentons au monde extérieur, le deuxième que nous montrons à nos proches et enfin le troisième que nous ne montrons jamais et qui représente ce qu’il y a de plus vrai en nous.

Cette introspection fait écho au fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate… La phrase complète étant « Connais-toi toi-même et tu connaîtras l’univers et les dieux ». Cela suggère que la connaissance de soi est le point de départ pour comprendre le monde qui nous entoure et même les forces supérieures ou divines qui pourraient l’influencer.

Dans cette quête de soi, la vanité, l’amour-propre et l’égoïsme prennent une place importante et complexe. Ils sont un obstacle sur le chemin de notre propre réalisation. Ils nous empêchent de combattre nos passions, nos préjugés, nos valeurs et nos habitudes.

Une remise en question permanente sur nos certitudes et nos opinions permettra de nous libérer de ces dogmes et de s’ouvrir aux autres, avec de nouvelles possibilités d’une vie plus riche, plus authentique.

Un miroir est une surface polie, faite pour réfléchir, mais parfois bien impolie quand elle vous fait réfléchir.
Gérard de Rohan Chabot

Le voyage maçonnique nous invite à porter un regard critique sur nous-mêmes sans jamais nous mentir, et quel meilleur outil que le miroir pour cela ? Et alors peut-être que, comme mentionné dans le rituel, « appelés désormais à une vie nouvelle, … vos idées évolueront forcément, au fur et à mesure que vous réaliserez le perfectionnement de vous­-même et que vous avancerez dans la Connaissance »…

Se protéger de soi-même est un défi permanent, c’est un long voyage, une traversée qui dure toute une vie et qui exige une grande vigilance.

Le plus grand voyage est celui que l’on fait à l’intérieur de soi.
Gandhi

Faire table rase de notre passé, de ce que nous étions, est un exercice exigeant et difficile, mais cela demeure un processus enrichissant où l’on peut espérer trouver une paix intérieure, un espace de liberté et d’épanouissement.

Travailler sur soi-même devient donc une absolue nécessité. C’est remettre de l’ordre dans ses idées, rechercher et connaître l’origine de nos pensées, se questionner sur notre nature, notre matière, notre énergie vitale, et tout ce qui nous influence.

La scène du miroir nous met face à notre réalité sans complaisance et sans artifice. Mais comment les éternels apprentis que nous sommes peuvent-ils mettre à profit ce symbole pour progresser dans leur vie profane ?

Il s’agit peut-être de commencer par ne plus se mentir à soi-même : être honnête avec soi-même, chercher à identifier les causes de ce que nous sommes, reconnaître lorsque nous parlons avec nos a priori, identifier les passions à l’oeuvre, cerner nos défauts pour mieux les corriger…

C’est aussi faire preuve d’humilité, reconnaître nos limites en faisant preuve de modestie, cette qualité indispensable qui corrige l’orgueil.

Être conscient de la difficulté permet de l’éviter.
Lao Tseu

Nous parlons ici de raison, d’objectivité, de lucidité : le miroir est un symbole de lumière, elle-même image de la conscience qui s’ouvre.

Savoir écouter pour mieux comprendre les autres est une qualité essentielle, qui demande beaucoup d’attention et de bienveillance. Qualité première que l’on apprend en loge, fondée sur le silence.

Il nous faudra également du courage et de la volonté pour faire face aux épreuves qui nous attendent sur le chemin : les préjugés peuvent refaire surface sans que nous en soyons conscients…

Voilà donc le début d’un travail permanent. La franc-maçonnerie nous offre un cadre pour travailler sur nous­-même et devenir meilleur. Non pas meilleur que les autres, mais meilleur que celui que l’on était avant. En progressant sur notre chemin, nous développons force intérieure, sagesse et discernement. Cela nous permet de mieux nous protéger de nos ennemis intérieurs, que le miroir nous rappelle constamment.

L’eau calme d’un lac sert de miroir à Narcisse, pointant les dangers de l’amour propre, excessif et égocentrique. La franc-maçonnerie, au travers du symbolisme du miroir, nous invite à une réflexion profonde sur la nature de l’amour de soi, sur la connaissance de soi et sur la quête de notre véritable identité. C’est une invitation à une prise de conscience qui doit nous amener à nous voir tels que nous sommes, si tant est que cela soit possible…

Pour aller plus loin :

Les essentiels du premier degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 7 septembre 2024

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