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Robots androïdes : quels enjeux philosophiques et éthiques ?

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Robots androïdes et philosophie : quels enjeux, quels risques ? Que serait une société dans laquelle les humanoïdes seraient omniprésents ? Analyse philosophique.

Les robots androïdes, anthropomorphes ou humanoïdes sont des robots qui ressemblent à l’être humain, créés pour réaliser certaines tâches et assister les personnes.

Il s’agit d’une technologie encore balbutiante et coûteuse, mais vouée à s’améliorer et à se démocratiser. On pourrait ainsi imaginer un futur où chaque foyer disposerait d’un ou plusieurs robots androïdes, capables d’adaptation et d’amélioration constante grâce à l’intelligence artificielle.

Il y aurait ainsi des robots à même de jardiner, de cuisiner, d’aider aux devoirs, d’assister les personnes malades ou âgées, ou même d’accomplir toutes ces tâches en même temps. Certains robots pourraient même être programmés pour vivre en couple avec des humains.

Ce dernier cas est sans doute le plus troublant, car il questionne l’amour, les sentiments, la recherche du bonheur et de manière plus générale le rapport de l’homme à lui-même et à la machine. Il questionne aussi le statut de ces robots humanoïdes qui, sur le plan éthique, pourraient être considérés comme ayant des droits, par exemple celui d’être respecté.

Les robots pourraient-ils un jour être considérés comme des êtres à part entière, des êtres conscients ou sensibles ? Cela implique en premier lieu de savoir définir ce qu’est un être conscient et sensible…

Ces questions éthiques pourraient se révéler plus complexes que prévu, notamment pour les robots capables de mener une vie semblable à celle de tout être humain.

Voici donc une analyse des enjeux philosophiques autour des robots androïdes.

Lire aussi : La loi du progrès, pour une nouvelle définition

Un robot androïde est un robot à forme humaine, autonome dans son fonctionnement.

Dans le futur, la multiplication des robots androïdes « généralistes », c’est-à-dire capables d’assister les humains dans tous les aspects de leur vie, posera des questions éthiques et philosophiques majeures.

Même si ces innovations sont sensées servir l’humanité, l’impact sur la société et l’économie pourrait être phénoménal : destruction d’emplois, disparition de certains métiers, spécialisation à outrance, développement d’une économie hyper-technologique et ultra-capitalistique, uniformisation des réponses données à certaines questions ou problèmes, dévaluation de certaines activités humaines, développement des inégalités, etc.

D’autre part, l’effort déployé pour rendre les robots et leurs algorithmes toujours plus performants peut inquiéter : devant ces armées d’humains œuvrant au service du robot et de ses progrès, on pourrait se poser la question : qui de l’humain ou du robot est au service de l’autre ?

Au final, on pourrait voir émerger des super-robots, capables de tout faire au quotidien, bien mieux qu’un humain lambda. Dès lors, l’utilité sociale de chacun pourrait être remise en cause. Les liens sociaux se distendraient, les liens d’amitié et d’amour seraient mis à mal puisqu’un super-robot apporterait sans doute plus de satisfaction que tout autre individu, et ceci dans tous les aspects de la vie.

Dans l’excellent film Je suis ton homme de Maria Schrader, un robot androïde prénommé Tom a été mis au point pour conquérir le cœur d’Alma, une célibataire choisie pour tester le comportement du robot durant trois semaines. D’abord réticente, celle-ci finit par se prendre au jeu.

Alma sait qu’elle est face à un robot ; si au départ elle le traite comme tel, elle finit par développer des comportements d’empathie, se surprenant à s’excuser auprès de lui, à lui raconter sa vie, voire à éprouver des sentiments, ce qui la plonge dans un trouble profond.

Voici le contenu du rapport final qu’elle rédige à propos de cette expérience :

L’histoire de l’humanité est remplie d’inventions et d’apparentes améliorations dont on mesure les graves conséquences des décennies voire des siècles après que l’homme les a mises en oeuvre. Suite à l’expérience que j’ai pu avoir en vivant avec un robot androïde se prénommant Tom, je peux avancer sans avoir de doute qu’un robot humanoïde destiné à remplacer un mari ou une femme dans l’existence fait partie de ces améliorations pour l’humanité. J’affirme qu’un tel robot constitué à notre image et consacré à nos préférences peut non seulement se substituer à un compagnon mais également constituer le compagnon idéal. Il comble nos désirs, satisfait la moindre de nos envies et élimine le sentiment de solitude. Il nous rend heureux. Quel mal y aurait-il à être heureux ?

Mais l’homme est-il vraiment fait pour la satisfaction de ses besoins, disponible sur commande ? Est-ce que précisément, les désirs insatisfaits, l’imagination et la quête éternelle du bonheur ne sont pas à l’origine de notre humanité ? Si nous acceptons de prendre des androïdes pour conjoints, nous allons créer une société de dépendants, usés et blasés de voir constamment leurs envies comblées, et assurés de la valorisation de leur propre personne. Qu’adviendrait-il alors de notre volonté de nous confronter aux individus normaux ? à nous remettre en question ? à endurer des conflits ? à nous réinventer ? Je crains que si un individu partage sa vie avec un androïde, il ne soit plus en mesure de maintenir un contact humain normal.

Aussi, pour ce qui est d’autoriser les androïdes à devenir des conjoints, je ne peux que vivement le déconseiller.

Ce film introduit des questionnements profonds, notamment celui de la dépendance vis-à-vis des robots.

Les androïdes pourraient générer une addiction au plaisir et à la facilité, nous éloignant du bonheur véritable. Car le bonheur véritable diffère de l’hédonisme ; il touche à notre capacité à réfléchir, à se réinventer, à se connaître, à se confronter aux autres, à s’adapter et à dépasser les épreuves.

Développer un modèle de robot androïde « généraliste » nécessite des millions d’heures de travail et des centaines de milliards d’euros d’investissement, raison pour laquelle seules quelques sociétés technologiques en ont la capacité.

Ce type d’oligopole peut constituer un risque pour la diversité d’opinion et pour la démocratie en général, puisque les foyers utilisant ces robots seraient soumis aux mêmes algorithmes, aux mêmes réponses, à la même information, et donc aux mêmes erreurs et failles dans cette information.

Les individus se trouveraient largement influencés dans leur mode de pensée, leurs choix de vie et de consommation. Leur autonomie s’en trouverait réduite, sans compter les risques de dérive, de manipulation ou de détournement massif des algorithmes à des fins économiques ou politiques.

Toujours sur le plan éthique, un autre problème concerne la notion de responsabilité, notamment en cas d’accident causé par un robot ou en cas de choix autonome pouvant causer du tort à un humain, par exemple sur le plan psychologique.

Le développement des robots androïdes pose la question de l’intelligence et de la conscience.

Qu’est-ce qui, fondamentalement, différencie un humain d’un robot doté d’une intelligence artificielle ? L’être humain n’est-il pas lui-aussi un algorithme, une machine qui, pour faire des choix, applique des critères bien spécifiques ? Parmi ces critères, il a l’éducation, nos expériences passées, les règles intériorisées, les traumatismes ou encore notre héritage génétique…

Certes, l’être humain, contrairement au robot, est capable de se penser lui-même. Mais l’intelligence artificielle étant à même de s’adapter, de s’améliorer et de réinterroger constamment ses choix, cela n’annonce-t-il pas l’émergence d’une conscience électronique ?

Quoi qu’il en soit, l’être humain confronté à un robot doué d’une intelligence avancée pourrait s’en trouver déstabilisé, notamment si le robot laisse apparaître un certain niveau de conscience, maniant humour, traits d’esprit, références et analyses pertinentes, montrant des signes d’empathie voire de souffrance, feinte ou réelle.

Tous ces éléments conduisent à des dilemmes sans doute insolubles : plus le robot s’approchera d’une conscience réflexive aboutie, plus il devra être protégé par des lois éthiques, alors même que son pouvoir n’aura jamais été aussi grand. Les robots pourraient même se révolter et revendiquer eux-mêmes un statut protecteur…

En développant des robots androïdes ultra-performants basés sur l’intelligence artificielle, l’humanité pourrait bien se perdre, oubliant les notions de solidarité, de partage, de découverte et de transmission. Elle se retrouverait au service de robots dirigés par de super-algorithmes, pour le seul profit des dirigeants des sociétés qui les produisent.

Avec l’avènement de la société moderne, l’être humain a déjà beaucoup perdu en autonomie : il s’est coupé de la terre, il ne sait plus travailler de ses mains, il ne connaît pas le fonctionnement des objets technologiques qu’il utilise, il doit produire un effort constant pour tenter de comprendre dans sa globalité un monde qui ne cesse de changer et de s’accélérer.

A l’évidence, le bonheur promis par les robots androïdes et l’intelligence artificielle est illusoire. Car le bonheur ne consiste pas à être assisté par des robots, mais à vivre en contact avec d’autres humains : l’enjeu est de faire société, chacun devant trouver sa place dans cette société, en se réalisant, en s’élevant et en aidant les autres. C’est pourquoi la transmission doit se faire entre êtres humains, et non des humains vers les machines, ou des machines vers les humains.

Au final, notre société technologique nous entraine vers un monde toujours plus utilitariste, au service de la performance, de la domination des multinationales et de l’argent, un monde dans lequel l’être humain est toujours plus coupé des autres et de lui-même.

Pour aller plus loin :

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

Ce livre numérique pdf (216 pages) aborde les notions essentielles de la spiritualité à travers 65 textes

Modif. le 19 août 2024

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