Les reproches en philosophie et psychologie : que traduisent-ils ? Sont-ils justifiés, utiles ou au contraire nocifs ?
Les reproches sont l’expression d’une désapprobation et d’un mécontentement vis-à-vis de l’autre, de son comportement ou de sa manière de penser. Ils prennent la forme d’un jugement, d’une remontrance, d’une critique ou d’une accusation.
Les reproches peuvent avoir des conséquences négatives pour celui qui les reçoit : perte de confiance, sentiment d’échec, honte, regret, culpabilité, etc. Les reproches peuvent générer de la souffrance, en particulier chez les personnes fragiles.
Pourtant, il y a des reproches légitimes : formulés en « bon père de famille », ils constituent un rappel à l’ordre et à la morale. Les reproches ont donc une utilité : ils posent les limites, ils permettent une remise en cause personnelle, ils sont l’expression d’une forme de justice.
Pourtant, les reproches peuvent aussi être vus comme une forme archaïque de contrôle social, ou même dans certains cas, comme une tentative malsaine de dominer l’autre.
Tentons d’aborder les reproches en philosophie et en psychologie.
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Les reproches en philosophie : un mécanisme de contrôle social
Les reproches sont au coeur des rapports humains et de la vie en société. Ils contrebalancent le non-respect des lois morales et constituent un rappel à la règle.
La morale a pour but de distinguer le bien et le mal. A ce titre, les reproches constituent un jugement qui touche aux valeurs morales.
Pourtant, certains reproches paraissent moins légitimes que d’autres. Les reproches formulés par un juge vis-à-vis d’un délinquant sont justifiés, car ils s’appuient sur l’autorité, la loi et le bon sens.
A l’inverse, les reproches peuvent paraître injustifiés s’ils se fondent sur des critères flous ou subjectifs. Ainsi, les reproches formulés au sein du couple, entre collègues de travail ou entre amis sont souvent mal vécus et débouchent sur l’incompréhension et le conflit.
Le caractère fondé ou non des reproches est essentiel : les critères de jugement doivent être objectifs, connus et partagés. La règle du jeu doit être claire et comprise.
Le mythe du reproche légitime et fondé
On pourrait aussi considérer qu’aucun reproche n’est véritablement fondé. En effet, si un individu adopte un comportement déviant, ce n’est jamais par choix ou par plaisir, mais pour des raisons particulières et souvent mal connues, y compris de lui-même.
Nous avons ici l’idée que chacun agit toujours au maximum de ses capacités, en fonction de ses spécificités, de son histoire personnelle, de ses moyens et de ses contraintes. En effet, chaque personne est le résultat d’une infinité de causes qui déterminent son niveau de compréhension et d’aptitude sociale : un individu ne peut être que ce qu’il est.
Par conséquent, si un individu ne fait pas ce qui est attendu de lui, c’est qu’un certain nombre de facteurs ont été plus forts que sa volonté de se conformer à l’ordre social : peut-être n’a-t-il pas bien compris les limites ; peut-être n’a-t-il pas mesuré les conséquences de ses actes ; peut-être n’a-t-il pas les moyens matériels, intellectuels, physiologiques ou psychologiques de « bien agir ».
Dans cette perspective, formuler un reproche est à la fois inutile et néfaste, puisque cela relève d’une incompréhension de l’autre. Le fait est que tout être humain souhaite vivre en paix avec les autres : cela fait partie de ses besoins fondamentaux. Ainsi, personne ne souhaite faire l’objet de reproches, et pour preuve, cela constitue une mise en échec.
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Reproches, ignorance et perversion
Nous l’avons vu, les reproches relèvent de la méconnaissance des autres, donc de soi-même. Ils sont l’oubli du fait que chacun pense et agit comme il peut.
En réalité, les reproches traduisent une attente déçue : celui qui les formule aurait souhaité que l’autre se comporte autrement ou qu’il soit différent, ce qui est impossible.
Ainsi, les reproches constituent la négation de l’autre dans ce qu’il est vraiment. Ils sont une forme d’égoïsme et de rejet (parfois de haine) qui s’accompagne toujours de colère.
D’autre part, les reproches peuvent prendre une forme perverse (domination, manipulation…), notamment lorsqu’ils sont infondés. L’emprise peut alors devenir toxique voire destructrice.
Quoi qu’il en soit, il est très rare que les reproches aboutissent à un changement positif chez la personne qui les subit. Quant à la personne qui les formule, elle s’enfonce dans l’ignorance (incompréhension du fonctionnement de l’autre) et sombre dans l’illusion de la supériorité, oubliant ses propres défauts.
Recevoir des reproches
Recevoir des reproches génère presque toujours de la souffrance.
Il s’agira en priorité de se détacher de tout sentiment de culpabilité, et d’emprunter un chemin d’acceptation de soi et des autres.
Parallèlement, il est utile chercher à comprendre ce qui agace les autres : c’est la connaissance de soi, la recherche des causes de ce que nous sommes, et aussi la tentative de compréhension de l’autre et de ses attentes.
Dans tous les cas, il est conseillé de se détacher des personnes toxiques, en l’occurrence celles qui utilisent les reproches comme une arme pour soumettre et dominer.
Le pardon est aussi une voie de guérison : il constitue la reconnaissance de la faiblesse et de l’ignorance qui se cachent en nous tous. Il faudra donc pardonner aux autres comme à soi-même, autrement dit accepter nos limites et nos défauts.
Conclusion sur les reproches en philosophie et psychologie
Les reproches ne sont jamais un moyen efficace d’obtenir un changement durable chez les autres. C’est une méthode contre-productive puisqu’elle provoque une perte de confiance et un sentiment de culpabilité chez celui que l’on aimerait voir changer.
Plutôt que de lui faire des reproches, il est nécessaire de comprendre l’autre, de l’aider à s’épanouir et à progresser sur lui-même. Plutôt que de montrer du doigt, il faudra donc accompagner et aimer.
Enfin, un autre moyen d’influencer positivement l’autre est tout simplement de donner l’exemple.
Quelques citations
Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre.
Jean 8, 7
Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère.
Luc 6, 42
Ce que le public te reproche, cultive-le : c’est toi.
Jean Cocteau
Le misanthrope est celui qui reproche aux hommes d’être ce qu’il est.
Louis Scutenaire
S’irriter d’un reproche, c’est reconnaître qu’on l’a mérité.
Tacite
Il y a des reproches qui louent, et des louanges qui médisent.
François de La Rochefoucauld
Lorsqu’on n’a pas effectué un travail de conscience sur soi-même, on a tendance à accuser les autres de son propre mal-être.
Thierry Janssen
Pour aller plus loin :
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Modif. le 10 août 2024