Rassembler ce qui est épars : quelle est la signification de cette formule au troisième degré REAA ? Que faut-il réunir qui a été dispersé ?
« Rassembler ce qui est épars » est une formule que l’on trouve dans l’instruction au troisième degré REAA :
D. – Comment voyagent les Maîtres Maçons ?
Instruction 3ème degré REAA
R. – De l’Orient à l’Occident et de l’Occident à l’Orient et par toute la terre.
D. – Dans quel but ?
R. – Pour chercher ce qui a été perdu, rassembler ce qui est épars et répandre partout la Lumière.
D. – Qu’est-ce qui a été perdu ?
R. – Les secrets véritables des Maîtres maçons.
Les maîtres maçons voyagent donc pour recomposer et rassembler des éléments dispersés ou sans cohérence. Il s’agit de passer du chaos à l’ordre. Le chaos renvoie à la confusion, à l’instabilité ou l’absence de sens. A l’inverse, l’ordre évoque l’unité, l’harmonie, la beauté et le sens retrouvé.
Dans le contexte du troisième degré, ce qui est épars évoque en premier lieu ce qui est perdu : la parole, le verbe, la vérité, les secrets véritables, le mot sacré, le corps d’Hiram, mais aussi l’harmonie au sein du groupe. En effet, par leur geste, les mauvais compagnons ont brisé l’unité du groupe. Ils se sont perdus, ils se sont aussi dispersés dans leur fuite… et sont à présent introuvables.
De façon plus générale, ce qui est épars peut suggérer :
- le désordre intérieur : ce sont les pensées contradictoires, antagonistes, génératrices de souffrance. C’est la perte du sens,
- le désordre social : c’est le rejet de l’autre, la haine, la violence, la division,
- ou encore le désordre cosmique apparent dû au déploiement de la matière. Car la matière porte en elle la différenciation, la dualité ; elle provoque l’oubli du principe organisateur qui la sous-tend, principe partout présent mais invisible.
La dualité de la matière se traduit dans les lettres, les mots, les chiffres, les formes, les phénomènes… Mais s’ils sont reliés, ces éléments peuvent retrouver leur sens. Précisément, la démarche maçonnique permet de rassembler, de réconcilier les oppositions « nécessaires et fécondes » par l’ouverture de la conscience. Ce lien rétabli est symbolisé par la Lumière qui réapparaît.
Rassembler ce qui est épars : signification
Le thème de la dispersion et de la recomposition de la matière ou du corps est présent dans beaucoup de légendes anciennes. On pense au corps d’Osiris découpé en morceaux par son frère et rival, Seth. Isis, sœur et épouse d’Osiris, entreprend de recomposer le corps d’Osiris : elle permet ainsi le retour à l’unité et à l’harmonie, ouvrant un nouveau cycle de vie.
De même, on trouve dans la kabbale hébraïque le principe de la fragmentation du corps d’Adam Kadmon, l’homme primordial qui représente la création de l’Homme et de l’univers dans toutes ses composantes. Adam Kadmon contient en lui-même les 10 Sephiroth, sphères séparées mais qui découlent de la même source.
Dans ce dernier exemple, « ce qui est épars » évoque une descente du Principe pour créer le monde physique. Rassembler ce qui est épars consiste au contraire à remonter vers le Principe. C’est le retour à au point de départ, à la chose commune, à Dieu, à l’unité. Encore faut-il être en capacité de percevoir ce ciment cosmique qui maintient toute chose en cohérence, qui fonde cet ordre partout présent.
Rassembler toutes les composantes de soi
Avec l’irruption des mauvais compagnons, le maître maçon prend conscience du trouble et du conflit qui prospéraient en lui. Il comprend qu’il doit opérer une transformation intime en vue de réharmoniser les différentes composantes de sa nature profonde.
Cette transformation consiste en plusieurs étapes alchimiques : d’abord l’abandon du corps (sacrifice, mort symbolique), puis la libération de l’âme (renaissance), et enfin la réintégration consciente du corps. Ainsi, le corps se spiritualise et l’esprit se matérialise : ce qui était épars est désormais réuni.
Rassembler les hommes
Rassembler ce qui est épars, c’est aussi reconnecter les hommes entre eux, comme les pierres finissent par trouver leur place au sein de l’édifice. Compréhension, tolérance et pardon fondent l’ordre social et promettent l’harmonie au sein de l’humanité tout entière.
En loge, la corde à noeuds et la chaine d’union offrent des images d’une société idéale où tous sont unis au-delà de leurs différences.
Retrouver sa place dans le cosmos
L’homme obscur se croit indépendant et libre, séparé des autres et du cosmos. Il se place au centre, n’a besoin de personne, n’a de compte à rendre à personne. Il a toujours raison et s’attache aux choses superficielles. Il est déconnecté de sa nature profonde.
Dans sa quête d’éveil, le franc-maçon tente au contraire de retrouver les signes qui le relient au cosmos. Il se laisse traverser par ce qui le fonde et qui le dépasse, il développe la part universelle de lui-même et se soumet aux lois cosmiques. Une soumission qui, paradoxalement, le libère.
L’apprenti et le compagnon avaient du mal à déchiffrer le code cosmique. Désormais, le maître maçon sait lire le plan : il réussit à trouver la cohérence entre les lettres, les chiffres et toute chose.
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Conclusion
Rassembler ce qui est épars, c’est donc se rassembler soi-même, rassembler les hommes et retrouver sa juste place dans le cosmos.
L’ordre surgit du chaos, un alignement intérieur s’établit, qui va au-delà des limites de l’individualité. Il n’y a plus de frontières, ni en soi-même, ni entre soi et les autres, ni au sein de l’univers. Les différences deviennent l’expression d’une unité qui se déploie dans toute sa beauté et sa diversité.
Rappelons qu’au REAA, le concept de Grand Architecte de l’Univers représente la grande Source qui fait jaillir l’ordre cosmique.
Voir aussi notre liste de planches au 3ème degré
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.
Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.
Modif. le 14 mars 2024