La question du Sphinx dans le mythe d’Œdipe : quelle est-elle et comment l’interpréter ? Quel sens caché ? Quel est le symbolisme de l’énigme ?
Dans la mythologie grecque, le Sphinx (ou la Sphinge) est une créature à la fois humaine et animale : elle possède une tête et un buste de femme, des pattes et une queue de lion, ainsi que des ailes d’oiseau.
Le Sphinx grec est différent du Sphinx égyptien, qui possède un corps de lion (symbolisant le dieu solaire Rê) et une tête de pharaon, et qui a donc un aspect plus masculin.
Le Sphinx est surtout connu à travers la légende d’Œdipe. Lorsque celui rencontre la créature, elle sévit sur la province de Thèbes, terrorisant les habitants et ravageant les cultures. Elle déclare qu’elle ne quittera la province que lorsque quelqu’un aura résolu son énigme, et qu’elle dévorera tous ceux qui donneront une réponse fausse.
Le régent de Thèbes, Créon, promet la couronne ainsi que la main de la reine au premier homme qui débarrassera le pays de ce monstre.
Voyons quelle est la question du Sphinx et comment l’interpréter.
Lire aussi notre article général sur le symbolisme du Sphinx.
La question du Sphinx à Oedipe : résumé du mythe.
Œdipe est un héros de la mythologie grecque. Avant même sa naissance, ses parents Laïos et Jocaste apprennent par l’oracle de Delphes que leur fils tuerait son père et épouserait sa mère. Une fois Œdipe venu au monde, ils jugent plus prudent de l’abandonner ; il est alors recueilli par Polybe et Mérope, souverains de Corinthe.
Jeune adulte, Œdipe comprend que Polybe et Mérope ne sont peut-être pas ses vrais parents. Il consulte l’oracle de Delphes pour en savoir plus, mais n’obtient que la réponse suivante : « tu tueras ton père et épouseras ta mère. »
Œdipe décide alors de fuir Corinthe pour éviter que l’oracle ne s’accomplisse envers Polybe et Mérope. Sur le chemin, il tue un conducteur de char qui s’avèrera être son véritable père.
Arrivé à Thèbes, il rencontre le Sphinx et décide de l’affronter. Le monstre lui soumet alors son énigme :
Quel être, pourvu d’une seule voix, a d’abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir ?
Œdipe trouve la solution à la question du Sphinx : il s’agit de l’homme. En effet, l’homme a quatre jambes lorsqu’il est enfant (il marche à quatre pattes), deux jambes lorsqu’il est adulte, et trois lorsqu’il est vieux (il s’appuie sur une canne).
Furieux d’avoir trouvé quelqu’un qui ait pu percer l’énigme, le Sphinx se jette des remparts de Thèbes et meurt. Œdipe devient roi de Thèbes et épouse Jocaste, qui n’est autre que sa mère. La seconde partie de l’oracle peut ainsi s’accomplir.
Plus tard, Œdipe découvrira qu’il est le meurtrier de son père et qu’il a épousé sa mère. Il se crèvera les yeux, alors que sa mère finira par se pendre.
La question du Sphinx : interprétation.
Le Sphinx représente la tyrannie, la vanité, l’âme obscure, les ténèbres de la féminité, l’inconscient ou encore la nature chaotique qui dévore tout et qui se dévore elle-même. En alchimie, elle correspondrait à l’eau ou à la lune.
La Sphinge retient prisonnier le Principe supérieur, ordonnateur, autrement dit le feu solaire. Elle ne peut être vaincue que par la logique, l’intellect, la raison. Voilà la symbolique de l’énigme : l’effort de réflexion permet de trouver la voie de la vérité au milieu du chaos de la question.
Le Sphinx a appris l’énigme des neuf Muses, déesses qui président aux arts libéraux. Mais la créature utilise la connaissance pour elle-même, pour dominer et terroriser. C’est le signe d’un décentrage qui rappelle le péché originel d’Adam et Eve, qui ont cueilli le fruit de la connaissance par orgueil et désir d’être « comme les dieux ».
En réalité, le Sphinx utilise à son propre avantage une énigme dont elle ne comprend pas le sens. Car la véritable question posée est : Qui es-tu ?
Répondre à cette question, c’est découvrir qui nous sommes vraiment, et ainsi dissoudre tout ce qu’il y a d’obscur, de ténébreux en nous. La connaissance de soi est le chemin de la vérité, et le Sphinx aura à disparaître dans l’abîme pour n’avoir pas su cela.
La question du Sphinx invite à prendre conscience de notre véritable condition et du cycle de notre vie : l’enfance, l’âge adulte, la vieillesse et la mort. Elle nous incite à reconnaître l’impermanence des choses et la fragilité de notre existence. Nous sommes des êtres en transit, et la perspective de notre fin doit nous amener à cultiver l’humilité.
La porte d’entrée dans un nouveau monde.
Répondre à la question du Sphinx, c’est plonger en soi-même. En effet, percer une énigme, c’est pénétrer dans un nouveau monde, c’est s’ouvrir à une vérité inconnue. C’est pousser la porte du mystère.
Cela nécessite de lâcher-prise, d’abandonner toutes ses certitudes.
Dans l’Egypte ancienne, les Sphinx étaient les gardiens des nécropoles qui surveillaient le passage de cette vie-là à la vie d’après. Nous avons ici l’idée qu’il est nécessaire de mourir pour renaître. Il s’agit de mourir à nos attachements, à nos croyances, à notre ignorance, à nos préjugés et à notre ancien « moi ».
Notons que la question du Sphinx est aussi présente dans l’interprétation ésotérique de la lettre hébraïque Daleth, qui dans la Kabbale signifie « la porte » ou » le seuil ».
La question posée est donc aussi : Es-tu prêt ? Autrement dit, es-tu prêt à ouvrir les yeux sur ta véritable nature ? Es-tu prêt à abandonner ton orgueil et ton ambition pour découvrir ce qu’il y a de plus universel en toi ? Es-tu prêt à renoncer à ton ego pour te laisser traverser par la lumière éternelle ?
Et c’est aussi : es-tu prêt à accepter ton destin ? Car en répondant correctement à la question du Sphinx, Œdipe marche vers son avenir, c’est-à-dire vers l’accomplissement de l’oracle.
Le destin doit nécessairement s’accomplir : penser qu’il est possible de l’infléchir serait un mensonge, une illusion, un péché d’orgueil.
Lire aussi notre article sur le symbolisme de la porte.
Modif. le 21 septembre 2021