Que nos regards se tournent vers la lumière : quelle signification ? Comment aborder le symbolisme de la lumière au premier degré ? Voici une planche maçonnique sur le thème de la lumière.
Mes Frères ! Nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé nos métaux à la porte du Temple ; élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la lumière !
Rituel d’ouverture des travaux au premier degré
Nous avons vécu notre entrée en maçonnerie en demandant la lumière. Nous avons voulu nous engager sur une voie nouvelle, celle de la Connaissance et l’accession au sacré, parce que notre existence semble porteuse de valeurs humanistes, d’amour et d’harmonie.
Avant d’entrer dans le coeur du sujet, évoquons quelques cosmogonies qui donnent au jaillissement de la lumière une prépondérance mythique sous la forme d’un feu initial : à la fois origine de l’univers et condition de son intelligibilité.
Pensée bouddhique :
L’obscurité existe dans la lumière, ne voyez pas que le coté obscur.
La lumière existe dans l’obscurité, ne voyez pas que le côté lumineux.
L’obscurité existe dans la lumière.
Lumière et obscurité paraissent opposées, elles dépendent l’une de l’autre comme un pas en avant dépend d’un pas en arrière.
Chaque existence a son utilité.
Cosmogonie des Guarani :
Avec la création de la première terre, vient la création du firmament… qui repose lui aussi sur quatre colonnes, auxquelles s’ajoute une cinquième pour éviter que le ciel ne continue de bouger sous l’effet des vents.
Mythe chinois :
Il était une fois, Yin les ténèbres et Yang la lumière. Yin et Yang constituaient les deux forces vitales de l’univers. De leur union, naquit le dieu Pan Gu. Il se développa durant 18 000 ans dans les ténèbres … s’ouvrit et se divisa : toutes les particules transparentes et légères s’envolèrent et formèrent le ciel, tandis que les parties lourdes et opaques s’enfoncèrent pour former la terre.
Citons aussi les premiers versets de la Genèse (chapitre 1 versets 1 à 5), établissant la cosmogonie judéo chrétienne et son rapport au principe créateur :
Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre.
La terre était informe et toute nue, les ténèbres couvraient la face de l’abîme : et l’esprit de Dieu était porté sur les eaux.
Or Dieu dit : Que la lumière soit faite ; et la lumière fut faite.
Dieu vit que la lumière était bonne, et il sépara la lumière d’avec les ténèbres.
Il donna à la lumière le nom de Jour, et aux ténèbres le nom de Nuit ; et du soir et du matin se fit le premier jour.
Voici donc une analyse de la formule : « que nos regards se tournent vers la lumière », à travers cette planche au premier degré.
Voir aussi cette liste de planches au premier degré
Que nos regards se tournent vers la lumière : interprétation
Ces exemples de cosmogonie évoquent un principe agissant qui crée la dualité mais qui, grâce à la lumière, permet de donner du sens à cette création.
La lumière évoque le travail à venir pour l’érection de notre temple intérieur. Car l’idée a besoin de forme pour se manifester (et vice-versa), et nous avons besoin de discernement pour mener à bien notre tâche.
La lumière revêt différentes formes dans notre Rite ; au-delà de la lumière physique qui nous éclaire, il y a la Lumière spirituelle qui illumine la pensée maçonnique.
Lorsque nous sommes initiés, nous rencontrons la lumière. Qu’avons-nous demandé en entrant en loge ? La lumière. Cette lumière nous permet de passer du profane au sacré. En réactivant chaque fois la lumière, l’ouverture des travaux réaffirme le principe créateur et ouvre notre conscience.
Les étapes de l’éclairage de la loge
Le temple est un lieu sacré où règne la lumière au sens maçonnique. Lorsqu’on décrit ce temple, nous le faisons par le champ sémantique solaire. Le temple s’étend de l’occident à l’orient, du septentrion au midi, du nadir au zénith. La lumière préside donc à sa conception géographique et à la disposition des différents éléments le constituant.
Lorsque nous sommes sur le parvis, lieu de transition entre le profane et le sacré, nous voyons le temple dans l’obscurité et entrevoyons l’étoile appelée flamme éternelle. Hormis cette flamme, la loge est dans la pénombre. Le flambeau est éteint. La voûte étoilée représente le ciel, le spirituel qui apparaît dans la nuit, et abrite une multitude d’étoiles visibles, symboles d’universalité. C’est dans ce moment de calme que le Maître des Cérémonies introduit le Vénérable Maître, flambeaux allumés. Ces flambeaux ne sont pas là pour éclairer le chemin mais pour symboliser la lumière que représente le Vénérable Maître. Celui-ci prend sa place à l’orient, où le Soleil se lève.
Le temple est d’abord éclairé par l’étoile éternelle, les flambeaux, puis le Delta rayonnant et l’œil divin allumé : ces éléments peuvent symboliser la lumière créatrice, le principe créateur, le GADLU représenté par le Vénérable Maître.
Après s’être assuré que la loge est dûment couverte et que les frères présents sont bien apprentis franc-maçons, le Maître des Cérémonies allume les trois petites étoiles à partir de l’étoile éternelle : Sagesse, Force et Beauté ; il transmet ensuite la lumière aux deux Surveillants.
Les deux luminaires Soleil et Lune apparaissent. Le Soleil, principe actif est la lumière vitale et féconde ; la Lune, principe passif, reçoit la lumière et la réfléchit. Le jour nous sommes actifs, la nuit nous « réfléchissons ».
A son tour, le Frère Expert fait apparaitre les Trois Grandes Lumières de la franc-maçonnerie : Le Volume de la Loi Sacrée, l’Equerre et le Compas. Le Volume de la Loi Sacrée est ouvert au prologue de Jean. Dans ce passage biblique, le Verbe du commencement absolu, initiateur de la création, est successivement identifié à Dieu, à la Vie et à la Lumière : « En lui était la vie et la vie était la lumière des hommes ».
Puis nous nous tournons vers le centre de la loge. Le pavé mosaïque et son alternance de blanc et de noir fait apparaître le monde dual : ténèbres et lumière cohabitent. Le pavé mosaïque est recouvert et illuminé par le tableau de loge ; les outils et symboles qu’il comporte sont nos éléments pour dégrossir, articuler, définir, sculpter notre vision, et finalement découvrir que le monde n’est pas que dual. Autant de symboles qui nous éclairent.
Partout la lumière
Les travaux ainsi ouverts, nous baignons dans la lumière physique et symbolique. Un rythme solaire se dévoile : le frère Second Surveillant observe le Soleil au méridien. Le Soleil est au zénith, les travaux peuvent commencer à l’invitation du Vénérable Maître armé de son épée flamboyante.
L’épée flamboyante, cette épée de feu étincelante et vibrante, représentation ancienne des gardiens angéliques protégeant le chemin conduisant à l’Arbre de vie, est le symbole du Verbe et de la pensée active ; c’est par elle et grâce à sa force que le Vénérable Maître pourra guider les travaux.
… Que nos regards se tournent vers la lumière
Le Vénérable Maître nous demande ensuite de nous tourner vers le tableau de Loge. Il s’exprime : « élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la lumière ! »
Lorsque nous nous tournons vers la lumière, comment la recevons-nous ? Sommes-nous aptes à la recevoir dans toutes ses dimensions ?
A l’orient, le V.M. porte en main droite l’épée flamboyante : c’est par elle que passera la puissance de l’idée, reçue du Delta rayonnant et transmise à la loge. Les frères, quant à eux, ont leur cœur tourné vers le tableau de Loge. Tableau qui est lui aussi une lumière qui éclaire les assistants par la puissance de ses symboles.
Sur le tableau figurent les trois fenêtres, qui symbolisent la marche solaire. La fenêtre de l’orient apporte douceur et éveil, celle du midi force et puissance, celle de l’occident évoque la lumière faiblissante qui incite au repos et à la réflexion.
La lumière intérieure
Une autre source de lumière, beaucoup plus personnelle, est la lumière intérieure qui prend sa source dans l’introspection, issue du travail sur notre pierre brute.
Ainsi, nous aurions en chacun de nous notre propre lumière. Cette composante personnelle est la révélation du Soi par notre volonté d’appréhender le sacré en suivant la voie maçonnique ; elle fait partie d’un tout que nous nommons fraternité.
Car il faut du cœur et de l’amour pour arpenter le chemin vers la Vérité. Ce n’est qu’avec mon travail et mon intégration harmonieuse dans la loge, enrichi des autres lumières que sont mes frères, que je pourrai progresser.
Alors tout est-il lumière ? Nous l’avons dit, la lumière permet de distinguer le jour de la nuit. Elle dessine le monde extérieur et intérieur. Elle met en relief, gradue et modèle les éléments pour nous en offrir une représentation intelligible. Elle révèle la puissance de la pensée, l’éclairage de la raison, fondé sur l’observation des éléments dans leurs différences mais aussi dans leur totalité, complémentarité et essence. Avec cette lumière devenue spirituelle, il n’y a plus d’ombre : les éléments profanes sont sublimés, ouvrant la voie à une vérité que l’on peut seulement approcher.
Mais cette lumière se nourrit aussi de l’ombre de nos doutes. Elle naît de l’obscurité. Elle nous engage sur un chemin de clarté et de lucidité. Accepter la lumière, la laisser nous traverser, c’est d’abord mourir à ce que nous pensions savoir.
Conclusion
Que nos regards se tournent vers la lumière… Belle invitation, mais difficile à réaliser. En effet, la lumière est un principe supérieur indéfinissable et inaccessible aux simples humains que nous sommes. Notre caractère partiel et limité nous barre la route de la vérité. Nous devons combler le vide de l’invisible sans nous tromper, sans nous illusionner. Mais les pièges sont nombreux…
Nous devons sans cesse remettre le doute au centre de nos réflexions, tant nous risquons de reprendre le chemin de l’obscurantisme par faiblesse ou facilité. En tant qu’hommes libres, nous avons conscience de la présence de l’obscurité et des chemins qui peuvent nous égarer. Mais plus forts que l’obscurité, nous nous nourrissons d’elle pour nous élever.
Chaque jour nous devons recréer notre propre initiation pour participer avec humilité et harmonie à la construction du temple universel.
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 9 septembre 2024