Voici un poème maçonnique créé par un frère d’une loge de Marseille, intitulé « une tenue ».
Poème maçonnique : « Une tenue »
Une tenue
Leur blancheur tranche sur le noir de nos habits,
Ultimes linceuls d’une subtile mélancolie,
Peut-être la vapeur de nos anciennes et insouciantes vies ?
Ce sont nos gants et nos liquettes qui percent les ténèbres de la nuit.
Trois coups de maillets au carré sonnent nos midis, et j’embarque avec Santos Dumont
Lui qui cherchait le parfum des cieux que seul connaît le fragile Venturon
Dont le coup d’aile effleure les pentes d’un Olympe dont tous nous rêvons.
Je suis à bord de la Demoiselle, loin de ce sable qui file, inexorable, vers les grands fonds.
Alors doucement, les trois vertus illuminent la Loge et son monde étrange
Où rien ne fait sens immédiat, tel le sucré qui se révèle sous la peau de l’orange,
Mais où l’on pressent déjà la subtile vérité au bout de nos phalanges,
Qui nous arrache de terre et mène nos âmes vers Michel-Ange.
Trois piliers structurent nos édifices
Comme Athéna, Hermès et Eole ont accompagné Ulysse
Sur les sentiers de la Sagesse, avec la Force et la Beauté d’un feu d’artifice.
Vers l’Etre Plein, après les nécessaires sacrifices.
Par trois fois le mot se transmet dans un pas de danse mille fois répété
Sur lequel les Frères inscrits au tableau noir de l’humanité
Tracent leur voie à travers temps comme une flèche infiniment décochée,
Vers l’espoir d’un amour total, synonyme d’éternité.
Alors, niveaux et maillets s’activent à monter les murs
Avant de les habiller de leurs plus justes parures,
En un Temple aux salles multiples, où le sacré niche au sein de l’armure,
Et protège ainsi les Lois de la Vie de la moindre éraflure.
Et puis, un à un, notre labeur commun nous transforme,
Pétrit nos âmes et leur donne nouvelle forme,
Depuis l’originelle glaise vers l’esprit multiforme,
Jetant comme déchet l’ego, et son chapeau haut de forme.
Car l’un de nous, va nourrir nos particules des fruits de son travail,
Cette humble planche sur laquelle parfois, un simple mot bataille,
Avant de révéler ce qui niche au profond de ses entrailles,
Eclairant nos intimes pensées, sur leur lit de pierraille.
Le silence habille alors quelques paroles venues des colonnes
Celles de la libre pensée et du rêve d’une majestueuse Babylone
Celles de la fraternité qui résiste à tout, même aux cyclones
Celles qui lovent nos cœurs de belles et douces icônes.
Vient le moment de l’obole et du don chaleureux
Un devoir qui pour être joyeux me laisse aussi piteux,
Car je sais mon égoïsme face à la souffrance des malheureux
Qui me tiraille d’une culpabilité sourde, celle du bien-pensant cul-terreux.
Et voici les coups de minuit, le 12ème approche,
Et nos mains en une puissante chaîne s’accrochent,
Eprouvant notre solidité avant qu’elles ne se décrochent
Laissant planer dans l’air, l’onde du Kadosh.
L’Egrégore fabuleux est passé par là, et de sa marque alchimique
Il a traversé nos corps comme un courant électrique
Nous reliant, tous en un, de sa liane magnétique,
Ce rituel astrolabe, qui nous guide vers la métaphysique.
Le dernier coup, sonne sur la Paix, l’Amour et la Joie parmi les Hommes.
Maintenant, nous savons un peu mieux, qui nous sommes.
Et enivrés de cette parenthèse qui fait notre opium,
Notre ultime serment clôt la Tenue, et chacun se rêve gentilhomme.
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Modif. le 20 août 2024