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La phusis en philosophie : la nature au sens large

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Qu’est-ce que la phusis ou physis en philosophie ? D’où vient ce concept ? En quoi éclaire-t-il notre rapport au monde ? Tentative d’analyse.

En grec ancien, « phusis » (ou « physis ») est un terme qui désigne la nature. On retrouve par exemple la racine « phy » dans le mot « physique », qui est la science des faits naturels. Phusis vient du verbe phuein qui signifie « faire pousser, croître, naître ».

La phusis est un concept essentiel de la philosophie grecque et l’un des plus anciens. Les Romains l’ont traduit par natura, mot qui nous est resté. Cependant, le sens originel de la phusis s’est perdu.

En effet, alors que la notion de « nature » correspond avant tout à une description de la matière (inerte ou vivante), la phusis aborde la nature dans un sens plus large incluant les phénomènes physiques, vivants, mais aussi le monde dans sa globalité, la vérité ou encore la réalité profonde des choses. Autrement dit, avec la phusis, tout relève de la nature, et non pas seulement la matière observable.

Tentons de définir plus précisément le concept de phusis dans la philosophie de la Grèce antique.

La phusis en philosophie : définition

Chez les philosophes antiques, la phusis désigne non seulement les choses naturelles observables, mais aussi le ressort profond des choses, autrement dit le moteur interne des phénomènes naturels. Ainsi, la phusis est à la fois ce qui est manifesté et ce qui est caché.

La physis aime à se cacher.
Héraclite

Ce qui est caché dans la phusis, c’est le donc le Principe, la Source ou la Loi, qui constituent la nature profonde de toute chose. Pour les philosophes grecs, se questionner sur la phusis, c’est donc se questionner sur l’origine du monde, son mouvement, sa destinée, bref son essence. C’est s’interroger sur ce qui maintient le monde en cohérence. Derrière la notion de phusis, il y a donc celles d’ordre et de Loi cosmique.

La phusis peut aussi s’aborder sur un plan moral : la phusis est ce qui est conforme à la nature et à la Loi universelle ; c’est en particulier la pensée juste, raisonnable. A l’inverse, l’hybris (ou hubris) est démesure humaine, excès et aveuglement.

Phusis et cosmos : différence

Le concept de phusis semble très proche de celui de « cosmos ». Mais alors que le cosmos désigne l’ordre du monde, la phusis est un Tout absolu qui inclut l’ordre, mais aussi le mouvement, les variations, les évolutions, les processus et l’ensemble des phénomènes à l’oeuvre. La phusis est donc plus « dynamique » que le cosmos.

La phusis : un dieu immanent

Pour la plupart des philosophes de la Grèce antique, il n’existe pas de Dieu créateur qui serait au-delà de la nature, séparé d’elle. S’il y a un dieu, il est inclus dans la nature : il est ce qu’il y a de plus achevé en elle.

Avec la phusis, on peut donc parler de nature immanente, ou de dieu immanent, à l’inverse d’un dieu qui serait transcendant et extérieur à la nature. Cette approche rappelle beaucoup la sympatheia des stoïciens, laquelle décrit le cosmos comme un Tout cohérent dont l’ordre est maintenu par le souffle (sympnoia), sans pour autant nier les interactions et les mouvements entre les parties qui le composent.

Le concept de phusis fait aussi écho à la vision de Spinoza :

Deus sive Natura (« Dieu, c’est-à-dire la Nature »)
Spinoza

Pour Spinoza, la substance universelle se compose aussi bien de la matière que de l’esprit : Dieu ne peut être séparé du monde. Tout relève du Dieu-nature, y compris l’homme, sa pensée, ses perceptions ou ses actions.

Conclusion

Le concept de phusis traduit une perception particulière du monde, globale, moniste, capable de réconcilier les oppositions apparentes. Cette vision nous invite aussi à retrouver notre place au sein de la nature, et à renoncer à la voir comme un objet extérieur à nous.

Contrairement à une vision objectiviste du monde, laquelle ne s’intéresse qu’à ce qui se montre, la phusis privilégie une signification cachée, qui ne se dévoile qu’à partir d’une certaine sensibilité. L’homme peut ainsi relier sa propre destinée à l’ordre issu de la Nature.

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Modif. le 27 septembre 2023

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