Le paradis perdu : définition et interprétation. Qu’est-ce que le paradis perdu ? Quelle signification religieuse ? Comment retrouver l’accès au jardin d’Eden ?
Le paradis (du persan pairi-daéza : « jardin entouré d’un mur ») désigne le domaine spirituel où les âmes jouissent de la paix et du bonheur éternel. Il peut être défini comme l’union des âmes dans l’Amour de dieu.
Le mot paradis est absent de l’Ancien Testament (commun au judaïsme et au christianisme), qui lui préfère l’expression « Jardin d’Eden ». L‘Eden (« délices » en hébreu) était l’espace de vie des premiers hommes : un lieu d’innocence, de simplicité et de bonheur.
En effet, selon le livre de la Genèse, Dieu plante un Jardin d’Eden après avoir créé le monde :
8) Le Seigneur Dieu planta un jardin en Éden, à l’orient, et y plaça l’homme qu’il avait modelé.
9) Le Seigneur Dieu fit pousser du sol toutes sortes d’arbres à l’aspect désirable et aux fruits savoureux ; il y avait aussi l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
10) Un fleuve sortait d’Éden pour irriguer le jardin ; puis il se divisait en quatre bras. (…)
15) Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde.
16) Le Seigneur Dieu donna à l’homme cet ordre : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ;
17) mais l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu mourras. »
Genèse 2, 8-17
Mais voilà que le serpent invite Adam et Eve à croquer du fruit défendu, leur promettant de devenir « comme des dieux, connaissant le bien et le mal. » (Genèse 3, 5)
Adam et Eve cèdent à la tentation. Dieu les chasse et leur ferme l’accès au jardin et à l’arbre de vie, devant lequel il poste des chérubins armés de glaives tournoyants. Le jardin d’Eden devient donc un paradis perdu.
Dans le Nouveau Testament, le mot « paradis » est clairement prononcé par Jésus, signifiant l’espoir du retour à la paix et au bonheur éternel. Dans Luc 23, 43 : Jésus lui déclara (au bon larron sur la croix) : « Amen, je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le Paradis. »
Tentons de donner une définition du paradis perdu.
En tête cet article : Le Jardin du paradis, Maître de la haute vallée du Rhin, vers 1410.
Le paradis perdu : définition, interprétation.
Le paradis perdu peut être défini comme le décentrage de l’humanité par rapport à la loi divine.
L’homme, par ambition, curiosité malsaine, soif de connaître et de dominer, a croqué le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal : c’est la chute adamique, qui provoque honte, souffrance et mort.
L’homme a donc voulu concurrencer Dieu. Il a voulu connaître le bien, le beau et le vrai. Il a tenté de s’approprier ces valeurs pour lui-même. Ce faisant, il a aussi créé le mal, le laid et le faux. Le monde s’est assombri. Les jugements ont remplacé l’évidence. Le rejet a remplacé l’amour.
Le paradis perdu est donc le souvenir d’un état de simplicité, d’innocence, d’authenticité et de bonheur : le temps où les hommes ne jugeaient pas, où ils acceptaient le cours des choses comme le font les arbres et les animaux.
Plus précisément, le paradis perdu est la perte de l’accès à l’arbre de vie. L’arbre de vie est l’axe du monde, la porte d’accès à l’Eternel. Se tenir près de l’arbre de vie, c’est se tenir auprès de Dieu, c’est accepter la loi divine et le monde tel qu’il est.
A celui qui vaincra je donnerai à manger de l’arbre de vie, qui est dans le paradis de Dieu. Apocalypse 2, 7
Le paradis perdu dans les religions abrahamiques (judaïsme, christianisme, Islam).
Dans les religions abrahamiques, le paradis perdu peut être considéré selon les cas comme terrestre ou céleste : accessible dans cette vie-ci ou après la mort.
De même que le judaïsme, l’Islam décrit le paradis à travers le mot « jardin ». Il désigne un lieu de bonheur et de délices éternels réservé aux purs après leur mort.
Jésus évoque le paradis en parlant du Royaume des Cieux ou du Royaume de Dieu. Il sous-entend que le Royaume est en ce monde, pour qui veut bien le voir :
Les pharisiens demandèrent à Jésus quand viendrait le royaume de Dieu. Il leur répondit : Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à frapper les regards. On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au-dedans de vous (parfois traduit par « au milieu de vous »).
Luc 17, 20-21
Il ne serait donc pas nécessaire d’attendre la fin de la vie ou la fin du monde pour retrouver le paradis perdu : à nous de faire l’effort de le voir.
Au final, deux conceptions s’affrontent :
- la vision d’un paradis lointain, accessible uniquement après la mort physique, et seulement pour ceux qui le méritent,
- la vision d’un paradis en ce monde, lieu de bonheur physique et spirituel accessible à tous ceux qui y sont prêts, en tout lieu, à tout instant. Le paradis serait devant nous, mais nous ne le verrions pas. Jésus nous invite à entrer dans l’état mental qui nous permettra de retrouver et de voir ce paradis perdu. Il s’agit :
- de renoncer à soi-même (sorte de mort symbolique),
- d’embrasser la haine pour la dissoudre,
- de pardonner,
- de renoncer à ses jugements en bien et en mal,
- d’aimer les autres,
- de fusionner avec Dieu dans une nouvelle alliance. Cette démarche donne accès à la béatitude et à la vie éternelle : la peur de la mort disparaît.
L’idée de « jardin » réconcilie ces deux approches : la Terre n’est-elle pas un magnifique jardin ? Le paradis serait donc à la fois concret et spirituel : devant nous et dans l’intimité de notre psychisme.
Remarque : Le paradis perdu est aussi une notion présente dans l’anarchisme chrétien : le but est le retour de l’humanité dans le jardin d’Eden, lieu d’harmonie et de paix. Le célèbre hymne de Woodstock (par Joni Mitchell) dit : And we’ve got to get ourselves back to the Garden (nous devons retourner dans le Jardin).
Le paradis perdu dans le taoïsme.
Les principaux textes taoïstes, en particulier le Tao Te King et les Œuvres de Tchouang-tseu, dénoncent la corruption qui s’est installée dans la société, et appellent à retrouver l’authenticité du mode de vie ancien.
C’est un rappel au bon sens, à l’humilité et à la simplicité. La « voie » consiste à accepter le cours des choses et à vivre en harmonie avec la nature, sans prétendre détenir la vérité ni connaître les choses de Dieu.
Lorsque régnait la perfection des premiers âges, les hommes avaient le pas lent et le regard posé. En ces temps-là nul sentiers ne balafraient les montagnes ; ni barques ni ponts n’encombraient les cours d’eau. Les êtres proliféraient et se trouvaient partout chez eux. Les animaux pullulaient, les plantes prospéraient, on pouvait chevaucher les bêtes sauvages et regarder dans les nids des pies. Dans ces temps idylliques où régnait la perfection, les hommes vivaient mêlés aux animaux, ils faisaient une seule et même famille avec tous les êtres de la création : comment la distinction entre homme de bien et homme de peu aurait-elle pu avoir cours ? Les hommes, en une communauté étroitement soudée, communiaient dans l’ignorance. Tous, également dépourvus de désirs, étaient candides et rustiques comme un matériau brut. Rustiques, leur naturel pouvait s’épanouir.
Puis de « grands saints » parurent. Débordants de zèle et de sollicitude, ils prétendirent pratiquer la charité ; ils firent des pieds et des mains pour instaurer la justice, instillant le poison de la suspicion dans le coeur de l’homme. (…) Ils inventèrent les rites, et c’est ainsi que l’humanité commença à se déchirer.
Œuvres de Tchouang-tseu, chapitre 9
Si les puissants et les puissantes
pouvaient rester centrés dans le Tao,
toutes choses seraient en harmonie.
Le monde deviendrait un paradis.
Les gens seraient en paix
et la loi serait inscrite dans les cœurs.
(…) Le monde entier se transformerait
de lui-même, dans ses rythmes naturels.
Les gens seraient heureux
de leur vie quotidienne,
en harmonie et libres de tout désir.
Tao Te King, 32, 37
Dans le bouddhisme.
Dans le bouddhisme aussi, on peut parler de paradis perdu. La souffrance, caractéristique première de l’existence humaine, est la marque de cette perte.
Cette souffrance est l’incapacité pour le commun des mortels de voir la réalité telle qu’elle est. Une vision éclairée, acquise à travers la méditation, permet de se rendre compte que tout est lié, interdépendant et impermanent, que tout est vide d’existence propre (c’est la vacuité). Autrement dit, les choses et les individus n’existent pas par eux-mêmes : l’ego est une illusion.
L’accès à la réalité est le nirvana, paradis bouddhique : c’est l’Eveil complet, la sagesse pleine et entière, qui consiste d’une certaine manière à fusionner avec le Tout.
Le paradis perdu et le mythe de l’âge d’or.
Dans la tradition gréco-latine, le mythe de l’âge d’or évoque un paradis perdu : un état primordial où les hommes vivaient sans souffrir, ni vieillir, ni travailler. La paix et la justice régnaient naturellement. Le vol n’existait pas.
Au Moyen-Âge, l’âge d’or devient l’espoir d’un monde de paix et d’un futur paradisiaque.
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Modif. le 18 mars 2024