L’œil et le Delta lumineux : quelle est la signification de ce célèbre symbole maçonnique ? Comment interpréter le Delta rayonnant au REAA ? S’agit-il de l’œil de Dieu ?
Placés entre le soleil et la lune sur le tableau de loge, on retrouve aussi l’œil et de Delta lumineux au cœur de l’Orient au-dessus du Vénérable Maître, ce qui en fait un point central de la symbolique maçonnique.
Dans la mythologie grecque, la reine de Lydie s’appelait Omphale. Ce nom déifié peut signifier à la fois nombril du monde, pierre angulaire, axe, clé de voûte, messager des dieux, ou encore lien entre la terre et le ciel.
En loge, l’œil et le delta lumineux sont les deux symboles associés qui surplombent l’Orient, d’où provient la Lumière, et situés entre la Lune et le soleil.
Voyons le delta et sa ou ses significations, puis l’œil lumineux, pour voir comment et dans quel but ces deux symboles sont associés dans un seul, pour constituer l’un des plus importants repères de l’Homme nouveau.
Entrons dans la symbolique et la signification de l’œil et du delta lumineux.
Lire aussi notre article : Œil de la Providence, troisième œil : symbolisme.
I – Le delta lumineux.
Les trois côtés du Delta rappellent le fronton du temple et le chiffre 3, qui contient l’univers tout entier. La base du triangle est la ligne d’horizon à partir de laquelle s’élèvent les deux autres côtés, formant un sommet qui semble toucher le ciel et le sacré. Le Delta, éclatant de lumière, est symbole d’équilibre et d’achèvement de l’édifice.
Le delta lumineux est le plus souvent représenté par un triangle isocèle équilatéral harmonieux, au contraire du triangle scalène qui possède des côtés de longueur inégales.
Le delta se présente tel un compas ouvert, symbole du domaine de la pensée, de l’abstrait.
1) Le delta et la symbolique de la construction.
Le delta lumineux est un triangle qu’on peut interpréter comme la dernière pierre d’un édifice, le couronnement d’un bâtiment.
Le delta fait penser à la louve, cet outil de construction qui permet à un maçon de soulever de lourdes pierres de taille et de les mettre en place avec précision.
Le triangle représentant le delta lumineux a une orientation précise, puisque l’un de ses côtés constitue une ligne horizontale basse. Il est clair que le delta est porté, sous-tendu par d’autres éléments de construction.
Le delta est ainsi la partie terminale, la plus haute de l’édifice. Le delta couronne la construction, il est l’aboutissement de l’effort, la finalité des travaux. Aucune autre pierre ne peut être portée à l’édifice.
Le delta est en réalité la seule pierre qui se suffit à elle-même. C’est un élément unique, autonome, exempt de toute pression ou masse, presque détaché du reste de l’édifice. A ce titre, il tend vers le sacré, le transcendantal, comme l’illustre l’image présente sur le billet américain de 1 dollar :
Pyramide Maçonnique du billet de 1 dollar U.S.
« ANNUIT COEPTIS » signifie « notre entreprise est couronnée de succès »
Lire notre article sur le symbolisme du triangle.
2) Le delta et la dynamique ascensionnelle.
Dans les civilisations précolombiennes, la pyramide évoque l’ascension verticale, successive et échelonnée.
L’échelle, comme la pyramide, sont les symboles universels de l’ascension graduelle de l’âme. En effet, dans de nombreuses traditions, la rencontre avec des entités lumineuses toujours bienveillantes, signifie que les âmes ayant surmonté les obstacles psychologiques peuvent libérer leur force ascensionnelle et s’ouvrir à l’expérience de la transcendance.
Cette interprétation rappelle l’épisode biblique de l’échelle de Jacob : l’échelle est vue comme un lieu ascensionnel permettant la rencontre entre l’Homme et les messagers du Créateur.
Le delta lumineux évoque un autre symbole maçonnique : le sablier. Tout comme la base du delta, la base du sablier est une ligne droite, en contact avec la matière (les grains de sable sont inexorablement attirés vers elle).
La base du delta est donc une interface assise sur la matérialité. Son sommet est au contraire un point, qui est en géométrie le seul élément qui se définit par lui-même. Le sommet rappelle le goulot du sablier, soit le point de correspondance entre la sphère matérielle et la sphère céleste, la « porte étroite ».
Ainsi, l’Homme doit chercher à se tirer de la matérialité pour atteindre ce point de communication avec le divin. Il doit vaincre l’apesanteur pour gravir un à un les barreaux de l’échelle.
3) Le delta est un chiffre : le chiffre 3.
Depuis le pythagoricien Philolaos et Platon, le 1 représente le point, le 2 la ligne, le 3 le triangle, et le 4 la pyramide c’est-à-dire le volume. Le triangle est la première des figures géométriques.
Si le carré peut symboliser la Terre et ses quatre éléments, le triangle évoque inévitablement la Trinité, c’est-à-dire la réunion de trois éléments formant un tout indivisible et harmonieux, à caractère sacré.
Le delta introduit la notion d’équilibre ternaire, d’entente, d’union, de réconciliation entre les éléments, les forces et les sentiments (« liberté, égalité, fraternité »).
Le ternaire réalise la synthèse entre l’actif et le passif, le masculin et le féminin, il est la troisième voie, le tao, le chemin vers la Vérité. Il présente un caractère universel.
II – L’œil.
Le caractère sacré du delta lumineux imprègne aussi l’œil représenté en son centre.
Ici, l’œil n’est pas un organe physique. Il n’y ni cils ni sourcils. Il s’apparente plutôt à l’œil de la conscience, ou encore l’œil du cœur. Nous allons voir qu’il est à la fois le regard que nous portons sur nous-mêmes et le regard du Grand Architecte de l’Univers sur sa création. Il est notre intuition, ce point de passage furtif, cette porte étroite entre notre monde ici-bas et le monde de l’au-delà.
L’œil représenté évoque un troisième œil, de nature invisible et spirituelle. Dans certaines traditions hindouistes (dieu Shiva) ou bouddhistes, le troisième œil est symboliquement placé sur le front, formant ainsi un triangle avec les yeux physiques.
Cet œil voit Tout, il est seul capable de voir l’Unité dans la multiplicité.
Cet œil est donc bien un « œil intérieur » ou un « œil de l’âme ».
1) L’œil du Grand Architecte de l’Univers ?
En toute logique et vu son caractère sacré et rayonnant, le regard semble être celui de la Providence, celui de l’œil de Dieu ou du Grand Architecte de l’Univers.
Dans le rituel d’instruction au 3ème degré du REAA, il est dit : « Le Delta rayonnant symbolise l’oeuvre du Grand Architecte de l’Univers et aide à constater les lois du Cosmos » ; et plus loin : « Le Delta rayonnant est le symbole du Grand Architecte de l’Univers. »
L’œil de Dieu, omniscient, exerce sa surveillance bienveillante sur l’Humanité. Il plonge dans le coeur des hommes pour juger de nos sentiments profonds, comme l’illustre la légende de Caïn. Personnage de la Bible, fils aîné d’Adam et Ève, Caïn est considéré dans la tradition judéo-chrétienne comme le premier meurtrier de l’histoire en tuant par jalousie son frère cadet Abel. Banni et maudit par Dieu, Caïn est poursuivi et harcelé par un œil omniprésent. Protégé par ses enfants, nomades, derrière des murs de toiles de tentes, de bronze et de granit, Caïn va jusqu’à s’enterrer, mais rien ne peut arrêter l’œil de Dieu : « L’œil était dans la tombe, et regardait Caïn ».
L’œil regarde, mais aussi rayonne et éclaire. Mieux que nous soumettre, il nous montre le chemin et le but à atteindre en nous irradiant. L’homme bâtit la pyramide en partant de la Terre. Ses premières pierres sont épaisses et grossièrement taillées. Mais son travail s’affine, ses connaissances scientifiques et techniques s’étoffent grâce à la Lumière reçue d’en haut.
L’œil serait donc le symbole de la Connaissance, le symbole des sciences qu’il nous est donné de comprendre et de maîtriser chaque jour un peu mieux, du fait de nos travaux et de nos efforts, et qui nous permet de nous élever toujours plus.
Ainsi l’œil et le Delta lumineux forment l’emblème de la science qui éclaire et éclairera de plus en plus les hommes. Ils sont la Sagesse qui observe et qui montre le chemin du Bien et du Progrès, en dissipant peu à peu les ténèbres de la condition humaine.
2) L’œil comme idée d’une rencontre entre deux mondes (le macrocosme et le microcosme).
Au-delà de l’idée d’une puissance supérieure qui nous regarderait en nous éclairant de son savoir supérieur, l’œil du delta lumineux peut aussi apparaître comme un point d’échange.
Le triangle est une figure géométrique plane, sans épaisseur. Cela incline à voir l’œil, non plus comme la source du regard divin, mais comme un point de passage, une porte étroite en deux mondes.
Ici l’œil n’est pas le regard du Grand Architecte, il est l’ouverture, le trou de serrure par lequel les regards se projettent et se croisent. Il rappelle l’orifice du sablier.
L’Homme essaie parfois de regarder à travers l’œil pour saisir l’autre Monde, il tente un accès au divin et aux secrets de la connaissance. Il en perçoit des étincelles.
Et par conséquent, s’il y a regard, c’est celui du Grand architecte, mais aussi le nôtre.
3) L’œil comme un miroir de nous-même et de notre monde.
Regarder à travers l’œil, c’est tenter de mieux comprendre le monde de l’au-delà et du sacré, mais c’est aussi et avant tout tenter de mieux percer les secrets de NOTRE monde.
L’œil nous renvoie l’image de notre monde et de nous-même, il accroît notre conscience et notre lucidité sur notre propre condition.
« Connais-toi toi-même » : accéder à la connaissance sacrée, c’est avant tout chercher au fond de soi-même.
Connaître, c’est d’abord se poser les bonnes questions, en sachant que ce que nous devons savoir, nous le possédons déjà au plus profond de nous. Connaître, c’est aussi chercher à comprendre l’autre. Pour Socrate, si l’âme veut se connaître elle-même, elle doit regarder une autre âme et surtout le point précis, comme la pupille, où l’âme du quêteur se réfléchit dans le savoir de l’âme observée, dans ce qu’il y a de plus divin dans cette autre âme.
Pour trouver le divin en soi, il faut porter le regard sur ce qui est semblable au savoir et au divin dans le visage de son propre frère.
Conclusion sur l’œil et le delta lumineux.
Le delta peut être considéré comme un nouveau territoire, un territoire où s’ouvrent les possibles. Un territoire de connaissance, de réflexion, de progression.
Au final, il semble que le Delta soit la définition même du Temple maçonnique. Sous sa ligne horizontale basse se trouve le cabinet de réflexion.
- Je suis dans ce Temple, je suis face à moi-même. Je suis là pour mieux me connaître dans le but de me libérer de mes chaînes. Liberté.
- Vous autres êtes près de moi, je suis face à vous, vous êtes mes égaux. Je suis là pour mieux vous connaître et donc mieux me connaître. Nos regards se croisent horizontalement. Egalité.
- Nous sommes réunis pour élever nos regards ensemble vers le Progrès et la Connaissance, vers la Lumière universelle. Nous partageons nos travaux et faisons ainsi l’expérience de la Fraternité. Notre oeuvre est commune.
Le temple maçonnique vu à travers l’œil et le delta lumineux :
Voir aussi :
- Liste de planches d’Apprentis
- Liste de planches de Compagnons
- Liste de planches de Maîtres
- Liste de planches au grade de Maître Secret, 4ème degré du REAA
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (114pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 15 février 2024