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Nous avons laissé nos métaux à la porte du temple

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Nous avons laissé nos métaux à la porte du temple : comment interpréter cette phrase du rituel ? Voici une planche maçonnique au premier degré.

LE VÉNÉRABLE MAÎTRE
Mes Frères ! Nous ne sommes plus dans le monde profane, nous avons laissé nos métaux à la porte de la Loge. Élevons nos cœurs en fraternité et que nos regards se tournent vers la Lumière !

Rituel d’ouverture des travaux au premier degré

Pour cette planche, nous nous sommes permis de changer le mot « loge » en « temple », le temple étant la construction en cours que les frères doivent réaliser en siégeant dans la loge.

Dans le cabinet de réflexion, on demande au postulant de se séparer de ses objets en métal :

Il est indispensable que vous vous détachiez de toute illusion trompeuse et, pour vous rendre sensible matériellement à ce qui doit s’accomplir en vous spirituellement, je vous prie de me remettre ce que vous portez sur vous de précieux et, en particulier, tous objets en métal qui symbolisent ce qui brille d’un éclat trompeur.

Rituel d’initiation au premier degré REAA

Il s’agit donc de se délester des objets attachés au statut social et à la possession des biens matériels, tout ce qui symbolise la construction, le parcours de l’individu dans le monde profane. Le but est de redevenir un homme neuf, simple, prêt à s’ouvrir à une autre réalité.

Entrons plus profondément dans la signification de la formule « nous avons laissé nos métaux à la porte du temple ».

Nous avons entendu la formule « nous avons laissé nos métaux à la porte du temple » pour la première fois lors de l’ouverture des travaux. Elle est prononcée par le Vénérable Maître, qui nous invite au même moment à élever nos cœurs en fraternité et à tourner nos regards vers la lumière, comme un retournement à opérer. Ainsi, l’abandon des métaux est la condition pour adopter un nouveau regard.

Mais concrètement, que représentent ces métaux, venus du monde profane, qui pourraient perturber ou empêcher le travail maçonnique, la communion dans le sacré ? Que doit-on laisser à la porte de la loge pour progresser dans sa quête spirituelle, pour avancer sur son chemin initiatique ?

Notons que le verbe « laisser » n’est pas tout à fait équivalent au verbe « abandonner ». Laisser les métaux à la porte de la loge signifie-t-il que ce qui est déposé peut être repris avant de ré aborder le monde profane ? Le rayonnement du franc-maçon dans le monde profane peut-il s’accommoder de ces métaux ?

Les métaux peuvent être abordés dans différents sens.

Le métal, et le fer en particulier, avant de faire référence à des outils de travail, peut évoquer les armes. Par sa nature à la fois dure, résistante et tranchante, le fer a servi au cours de l’histoire à combattre, détruire, se défendre ou se protéger (par l’utilisation de l’armure, du bouclier…).

Dans la loge, nul besoin d’armes ou de protection, nul besoin de se sentir sur ses gardes, car nous avons-là un lieu de tolérance et de bienveillance. Ce n’est ni un lieu de jugement ni un lieu de débat contradictoire. On y entre donc en déposant ses armes, en privilégiant la sincérité de la relation aux autres, comme pour y retrouver le « goût des autres ». Nous trouvons-là une forme d’innocence et nous acceptons notre vulnérabilité.

La deuxième interprétation du métal, plus évidente, est liée à sa nature précieuse, en particulier pour l’or et l’argent. Ces métaux représentent la richesse, la réussite sociale mais aussi l’attachement aux choses matérielles. Cette richesse peut flatter l’ego et nourrir la soif de reconnaissance sociale. Elle est synonyme de cupidité, d’avidité ou de vanité.

Le renoncement à ces métaux ouvre alors plusieurs voies :

  • il préfigure l’acte de générosité et de charité envers les plus pauvres de la part de celui qui entre dans le temple. Je renonce pour partager,
  • il peut aussi signifier le détachement de la chose matérielle et de ses comportements déviants associés pour se tourner vers la chose spirituelle. C’est l’abandon de nos passions. C’est chercher à « être » plutôt qu’à « avoir »,
  • il peut aussi préfigurer un nouvel ordre social. Nous ne sommes plus les pauvres ou les riches de quelqu’un mais nous devenons frères. Nous sommes tous à égalité. Par extension, le regard que l’on pose sur la personne répond alors à la question : qui es-tu, plutôt que : que possèdes-tu ? Ces renoncements fondent la fraternité.

Enfin, dans une dernière interprétation (qui n’est pas incompatible avec les précédentes), le métal symbolise ce qui brille d’un éclat trompeur : c’est ce qui nous maintient dans l’erreur. Ce que je perçois n’est pas ce qui est. Ma réalité n’est pas la vérité. Je perçois parfaitement le mouvement du Soleil qui se lève à l’orient et se couche à l’occident : à l’évidence, de notre point de vue, c’est le Soleil qui tourne autour de la Terre… c’est pourtant l’inverse.

Ainsi, pour progresser, il faut douter de tout. Il faut s’extraire de nos pensées préconçues, de nos préjugés et de nos référentiels. Cette démarche conduit à accepter l’autre. Elle est nécessaire à la fois pour permettre l’apprentissage initiatique et pour entrer en relation intellectuelle avec l’autre, l’alter ego.

Pour résumer, nous avons laissé nos métaux à la porte du temple pour pouvoir élever nos cœurs en fraternité :

  • en étant soi-même et sincère à l’autre,
  • en renonçant à la chose matérielle et à nos passions,
  • en devenant un alter ego, c’est-à-dire l’égal des autres,
  • en abandonnant nos préjugés, en cherchant la vérité par le doute.

Ainsi, l’entrée dans la loge nécessite un travail sur soi, une remise en cause personnelle, une réflexion sur sa propre condition et sur son propre comportement.

Le Vénérable Maître, à chaque ouverture des travaux, demande comme un préalable de laisser les métaux à la porte. Un rappel nécessaire, toujours renouvelé, car il faut sans cesse remettre l’ouvrage sur le métier pour progresser. L’abandon de certains métaux est une tâche longue et difficile, presque impossible, qui nécessite de la persévérance.

La phrase « nous avons laissé nos métaux à la porte du temple » a probablement plus de force et de sens pour l’apprenti. L’apprenti est en effet celui qui va devoir identifier au fil du temps et de son apprentissage, la nature des métaux à laisser à la porte de la loge.

C’est cette démarche qui va lui permettre de construire son propre chemin en sachant d’où il part, en sachant ce à quoi il doit renoncer pour se diriger vers une nouvelle manière d’être. C’est la quête de soi, par la connaissance de soi.

Par ailleurs, le retour dans le monde profane se fait en partie avec les métaux que l’on avait laissés. Le rayonnement du maçon dans le monde profane peut-il s’accommode­r de la présence de ces métaux ?

En réalité, les valeurs du monde profane et du monde sacré s’inscrivent sur deux plans différents. Laisser nos métaux est une condition préalable au travail sur soi. Le retour dans le monde profane se fait avec une énergie nouvelle et des valeurs spirituelles renforcées. Mais les valeurs du monde profane, obéissant à une logique de performance, s’accommodent mal des valeurs de fraternité, de tolérance et de bienveillance… C’est donc là, dans le monde profane, que le rayonnement du maçon est mis à l’épreuve.

L’objectif sera de trouver un équilibre entre le respect des valeurs maçonniques et les contraintes du monde profane. C’est au pied du mur que l’on reconnait le maçon…

Pour aller plus loin :

Les essentiels du premier degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 23 août 2024

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