Appuyez sur “Entrée” pour passer au contenu

Naturisme et franc-maçonnerie

5/5 (2)

Naturisme, franc-maçonnerie et spiritualité : quel rapport ? Voici une planche maçonnique sur la pratique naturiste.

Le parallèle entre franc-maçonnerie et naturisme peut paraître incongru voire iconoclaste, et pourtant il est possible de trouver de très nombreuses passerelles.

Commençons par la définition officielle du naturisme : « Le naturisme est une manière de vivre avec la Nature caractérisée par la pratique de la nudité en commun et qui a pour but de favoriser le respect de soi-même, des autres et de celui de l’environnement. »

Il est à noter que les vrais naturistes n’ont aucun problème à être habillés si le lieu le demande, ils sont tout le contraire d’exhibitionnistes : ils ont à cœur de ne pas choquer, de respecter l’autre.

Une autre définition, teintée de maçonnerie : «  Le naturisme est un mode de vie universel, fondé sur le respect de l’autre ; il constitue une alliance d’hommes et de femmes libres et de bonnes mœurs, de toutes races, de toutes nationalités et de toutes croyances. »

Il faut laisser ce qui nous éloigne pour trouver ce qui nous rassemble : c’est la définition même de la tolérance.

Voici donc une planche sur le naturisme et la franc-maçonnerie.

La franc-maçonnerie et le naturisme ont un important point commun : la perception qu’en ont les profanes. En effet, ne connaissant pas ces sujets, les profanes sont contraints à ne les aborder que par les échos, les journaux à sensation, les « on-dit », et là intervient l’ultracrépidarianisme : on se met à parler de ce que l’on ne connaît pas.

Dans les deux cas, comme sur beaucoup de sujets, il y a ce que les intéressés peuvent en dire et ce que les profanes veulent y voir.

Le naturisme comporte différents degrés d’adhésion allant du simple fait de profiter du Soleil jusqu’à une démarche d’osmose avec la Nature, véritablement écologique.

Le mot « naturisme », tout comme « franc-maçonnerie », peut faire peur, on évite de le prononcer.

Les naturistes parlent des autres en disant « les textiles » alors que les autres parlent de plages «  normales » et plages « nudistes », car ils ne retiennent que le fait d’être « à poil ». En franc-maçonnerie, sommes-nous « normaux » ou différents ? Quels qualificatifs les profanes nous donnent-ils ?

En présence de profanes, les naturistes ou les franc-maçons éviteront de parler de leur appartenance, par peur d’être mal compris : ils ne sont pas secrets mais discrets… Des jugements différents seront portés suivant le vécu et l’éducation de chacun.

Notons qu’un profane qui lirait des livres sur la franc-maçonnerie ne deviendrait pas pour autant un franc-maçon ; de même, une personne qui enlèverait son maillot n’en deviendrait pas pour autant un naturiste, mais resterait un vulgaire « nudiste »…

Ici, le vécu est indispensable. Citons notre Frère Casanova : «  Le secret de la Maçonnerie est inviolable par sa propre nature puisque le Maçon qui le sait, ne le sait que pour l’avoir deviné. Il ne l’a appris de personne ; il l’a découvert à force d’aller en Loge, d’observer, de raisonner et de déduire. Lorsqu’il y est parvenu, il se garde bien de faire part de sa découverte à qui que ce soit, fût-il son meilleur ami maçon, puisque s’il n’a pas eu le talent de le pénétrer, il n’aura pas non plus celui d’en tirer parti en l’apprenant oralement. Ce secret sera donc toujours un secret. »

Le naturiste a la volonté de vivre en osmose avec la Nature, de retourner à l’état naturel ; il recherche une certaine « nudité intérieure » pour en tirer un bienfait psychique.

Le naturisme recèle une dimension sociale, de respect d’autrui, de convivialité et de tolérance ; il recherche un retour à l’état naturel, ce qui nécessite une déconstruction suivie d’une reconstruction mentale en rupture avec nos habitudes. N’est-ce pas aussi la définition de la franc-maçonnerie ?

Le naturisme serait-il la libération du corps et la franc-maçonnerie la libération de l’esprit ? Non, car les deux sont intimement liés. Souvenons-nous de la phrase de Juvénal : Mens (ou anima) sana in corpore sano.

Ce n’est pas le corps plus que l’esprit, mais un mélange homogène des deux. Le corps et l’esprit sont imbriqués, et l’être humain n’existe que dans sa globalité.

En naturisme comme en franc-maçonnerie, je suis dans une forme de liberté et conscient d’y être ; bien entendu, il peut exister d’autres formes de liberté (yoga, relaxation, méditation, etc).

Le vêtement nous classe socialement, intellectuellement, politiquement, historiquement et géographiquement ; mais si je suis nu ou en uniforme maçonnique, mon interlocuteur sera obligé de se forger son propre jugement, de réfléchir, d’essayer de connaître ma valeur intrinsèque.

L’autre ne sera pas jugé sur l’habit, il est plus facile de se parler, voire de se tutoyer.

On notera qu’en franc-maçonnerie, le passage sous le bandeau est une mise à nu préalable imposée au profane. Puis nous avons été confrontés à la nudité du corps lors de notre initiation. Citons quelques passages du rituel :

  • « Bras Gauche, sein gauche et genou droit découverts  » (mais pas « dénudés ? Pourquoi ?)
  • « Le pied gauche en pantoufle » ( les deux pieds nus aurait été moins déstabilisant !)
  • La scène du miroir où le néophyte se voit nu, sans artifices, tel qu’il est (il n’en prendra conscience que plus tard !)
  • « Les métaux qui symbolisent tout ce qui brille d’un éclat trompeur. » (l’habit ne fait pas le moine)

Et dans l’instruction au premier degré :

  • « Ni nu, ni vêtu, mais dans un état décent… (c’est en fait le regard de l’autre qui fait la décence ou l’indécence) et dépourvu de tous métaux » (nécessité de se séparer de tout le superflu)
  • « Dépouillé d’une partie de mes vêtements, pour rappeler l’état de dénuement de l’homme à sa naissance, et aussi que la Vertu n’a pas besoin d’ornements. »

A défaut de nous mettre à nu physiquement, l’initiation met notre personnalité à nu : elle nous dévoile tels que nous sommes et fait tomber les masques.

Lire aussi notre article : Ni nu ni vêtu

Le franc-maçon se doit d’être « libre et de bonnes mœurs » ; le signe d’ordre rappelle qu’il faut que l’esprit soit protégé de toute exaltation fébrile du corps ; exercice très difficile…

De même, le naturiste, pour des raisons évidentes de décence, se doit de réfréner les manifestations de ses passions… Le cerveau primitif qui pousse à l’action doit être corrigé par notre cortex.

Notre ancêtre le singe habitait une forêt tropicale chaude et humide, en Afrique de l’Est ; les échanges entre la peau et le milieu extérieur se passaient parfaitement ; avec un climat différent, plus froid ou plus sec, ces échanges sont au ralenti. Le port d’un vêtement y remédie : une couche chaude et humide est recréée. La protection du vêtement est par ailleurs indispensable dans les cas de froid ou de soleil extrêmes.

Les animaux, même les plus familiers, ne sont pas habillés et nous l’acceptons, à tel point que le contraire serait inconvenant ; et que dire des végétaux qui exhibent leurs organes génitaux : ces fleurs que nous prenons plaisir à admirer et à sentir.

Il faut également avoir en mémoire que, embryologiquement, peau et système nerveux proviennent d’un même élément (l’ectoderme) et sont donc solidaires.

Mettre la peau à nu, est-ce exacerber ses sensations, est-ce mettre sa pensée à nu, est-ce rétablir un contact fort avec la Nature ?

Lors de l’évolution, on peut penser que le vêtement est devenu social : appartenance à la tribu, sexe, fonction ou hiérarchie dans le groupe. Il est logique de penser que notre ancêtre qui avait tué un ours était fier de se vêtir de ce trophée, avec en sus, l’idée de prendre un peu de la force de l’animal…

L’habitude de se vêtir étant prise, il devenait incongru de ne pas s’y conformer et on se contentera de la réglementer et de la codifier. Il est à noter qu’en Afrique tropicale, le port du vêtement a été suggéré sinon imposé par les colonisateurs.

Puis l’esprit de création, l’amour de la beauté, l’apparition de l’art, voire de la fonction militaire ou sacerdotale, ont ajouté des fioritures diverses s’éloignant du but premier. La recherche de la beauté est-elle inhérente à la nature humaine ?  

La première chose cachée est le sexe masculin (étui pénien en Papouasie) ; on occulte les parties génitales et l’anus : y aurait-il un sentiment de honte au fait de déféquer et d’uriner ?

Du cache-sexe des hommes préhistoriques au string que l’on voit aujourd’hui sur les plages, la dissimulation a connu une longue histoire…

L’influence de la religion est un élément important : les missionnaires voulaient habiller leurs ouailles ; après un Moyen Age assez libre, la morale judéo-chrétienne assimile le sexe à la nudité, donc réservé à l’intimité ; notons la différence entre la mentalité protestante des peuples du nord où le naturisme est bien accepté, et les habitants du sud de l’Europe catholique.

On parle des parties « honteuses ». En anatomie, le nerf responsable de la sphère génitale est d’ailleurs appelé nerf honteux (ou pudendal)…

Le vêtement et la mode vont suivre ce diktat anthropologique, mais le vêtement, au lieu de masquer la nudité, va souvent l’exalter, la magnifier, même de façon subliminale…

Notons que la nudité est le vêtement a minima : ne dit-on pas « être dans le plus simple appareil » ?

La plus grande élégance est dans la plus grande simplicité.
Anonyme

Celui qui porte sa moralité comme son meilleur vêtement, ferait mieux d’être nu.
Khalil Gibran

La nudité du naturiste et l’habillement du franc-maçon en tenue sont comme des uniformes. D’ailleurs, ils attirent les regards curieux des profanes. Les seuls habits du franc-maçon sont le tablier et les décors pour renseigner sur l’ancienneté et la fonction de chacun.

Où se place le curseur de la décence ? Nous critiquons les femmes afghanes qui se promènent en burqa, mais où est la limite ? Doit-on cacher la figure, les cheveux, les bras et les jambes, les yeux… ou rien du tout ? Quelle est la différence la plus grande : entre naturistes et « textiles » sur la plage, ou entre bikini et burkini dans les piscines ?

Pourquoi une femme seins nus est-elle acceptée sur la plage, alors que la même relevant sa jupe pour montrer le bas de son maillot en ville serait jugée inconvenante ?

Il ne faut pas oublier que le vêtement participe à nos fantasmes… Voir une cuisse aujourd’hui est banal, nos grands-pères en auraient fait une crise d’apoplexie ! Nous arrivons à des dérives comiques : il est décent, pour la femme, de cacher ses seins, mais certains vêtements font tout pour les mettre en valeur.

Détail amusant : au temps de la reine Victoria, en Angleterre, on masquait même les pieds des pianos par décence…

Parfois la mode se trompe : les slips et pantalons masculins sont moulants, alors que l’on sait que si les testicules ne sont pas à une température inférieure à celle du corps, il y a risque de stérilité.

La perception sociale du naturisme et de la franc-maçonnerie sont donc sujets aux époques et aux lieux. Montesquieu disait : « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. »

La nudité dans l’art a posé de nombreux problèmes au cours des siècles.

L’homme préhistorique, dans ses statuettes, sublimait les caractères sexuels, surtout féminins, pour en faire des icônes de la maternité, de la fertilité. Un exemple : la Vénus de Willendorf datant du paléolithique.

Vénus de Willendorf
Vénus de Willendorf

En Italie, pendant le « quattrocento », les peintres s’ingéniaient à cacher tout ce qui était sexuel à l’aide d’artifices : branches d’arbre, fleurs, mains ou cheveux longs ; par exemple « Adam et Eve » ou « La naissance de Vénus » de Botticelli (en1484).

la naissance de vénus tableau botticelli
La naissance de Vénus, Botticelli

Les sculpteurs, à la même époque, avaient plus de liberté : exemple avec le « David » de Michel Ange (1501).

david michel-ange
David, Michel-Ange

On pourrait également faire une compilation des tableaux sur saint Sébastien, martyre chrétien et icône gay, représenté de plus en plus jeune et de plus en plus beau !

Aujourd’hui, personne n’est choqué par le penseur (nu) de Rodin ; alors que « l’origine du monde » de Courbet déstabilise le public.

A Oslo, un parc abrite plus de 200 statues du sculpteur Vigeland. Tous les personnages représentés sont nus et dérangent, non pas par leur nudité, mais parce qu’ils sont saisis dans des postures de la vie courante… où l’on devrait être habillé !

La nudité est le pendant de la mort maçonnique : c’est un moyen de pouvoir renaître, de devenir un homme nouveau.

Bien entendu les deux voies ne sont pas identiques, elles ne sont pas non plus complémentaires mais par certains aspects se ressemblent.

Bien entendu en naturisme comme en franc-maçonnerie, il est toujours possible de relever certains comportements négatifs. Certains naturistes portent des bijoux, les franc-maçons portent tabliers et cordons… avec bijoux !

Certaines obédiences imposent le principe de non mixité, s’il en était autrement ferions-nous plus d’efforts vestimentaires ? Cette uniformité serait-elle mise à mal ?

A l’extrême limite, on pourrait imaginer qu’une tenue se tienne avec tous les assistants dénudés : ainsi, ils seraient tous égaux et débarrassés de leurs métaux… De la même façon que certains baptêmes se font nus et par immersion totale, nous pourrions imaginer un scenario identique pour l’initiation des apprentis.

Enfin, comme il y a, suivant la formule consacrée, des « maçons sans tablier », il existe certainement, autour de nous, des naturistes habillés…

Ouvrages disponibles :

livres maçonniques

Modif. le 22 septembre 2024

Vous pouvez noter cet article !