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Le mythe de Sisyphe : explication

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Le mythe de Sisyphe : explication. Comment interpréter le mythe de Sisyphe ? Quelle signification symbolique ?

Dans la mythologie grecque, Sisyphe est le fondateur mythique de Corinthe, connu pour son caractère astucieux et rusé.

Sisyphe n’est pas un dieu mais un simple mortel. Pour avoir défié les dieux, il est condamné à pousser éternellement un rocher jusqu’en haut d’une colline :

Sisyphe, agité par de cruels tourments, s’offre à mon regard ; il roule un énorme rocher et le pousse avec ses pieds et ses mains jusqu’au sommet d’une montagne.
Mais dès que la roche est près d’atteindre à la cime, une force supérieure la repousse en arrière et l’impitoyable pierre retombe de tout son poids dans la plaine. Sisyphe recommence sans cesse à pousser la roche avec effort, la sueur coule de ses membres, et des tourbillons de poussière s’élèvent au-dessus de sa tête.

Odyssée, Homère, chant XI

L’histoire de Sisyphe varie selon les auteurs, mais le personnage est toujours présenté comme habile et fourbe. Il commerce, vole et tue les voyageurs. Surtout, il intervient dans une querelle entre les dieux Asopos et Zeus, prenant parti pour le premier. Furieux, Zeus envoie Thanatos, le dieu de la mort, punir Sisyphe. Mais Sisyphe réussit à enchaîner Thanatos avec des menottes, lui faisant croire qu’elles ne fonctionnent pas.

Thanatos étant fait prisonnier, plus personne ne meurt et le royaume des défunts se dépeuple. Constatant cela, Zeus envoie Arès, le dieu de la guerre, libérer Thanatos et punir Sisyphe. Sisyphe se rend et est condamné à mort. Une fois arrivé dans le royaume des morts, le sournois Sisyphe arrive à convaincre les dieux chtoniens qu’il doit repartir auprès de sa femme, car celle-ci ne lui a pas préparé de funérailles conformes : il ne peut donc être véritablement mort. C’est bien sûr un piège : Sisyphe quitte les Enfers et ne revient jamais.

Thanatos (ou Hermès selon les traditions) rattrape Sisyphe, mais ce dernier continue de nier sa mort. Une fois Sisyphe mort de vieillesse, Zeus le condamne à faire rouler éternellement une pierre qui finit toujours par redescendre de la colline.

Tentons une interprétation du mythe de Sisyphe.

Le mythe de Sisyphe : explication, interprétation

Le mythe de Sisyphe est riche et profond ; il peut faire l’objet d’une analyse à différents niveaux.

L’immortalité, l’éternité

En enchaînant le dieu de la mort Thanatos, Sisyphe confère pour un temps l’immortalité aux hommes. Il est difficile d’imaginer pire offense aux dieux et aux lois naturelles.

A ce titre, Sisyphe semble faire l’objet d’un châtiment approprié : ayant rêvé d’éternité, il est condamné à une souffrance éternelle ; ayant voulu sortir des cycles, il est condamné à rester prisonnier des cycles.

Ainsi, le désir d’immortalité risque de mener à une souffrance sans fin. La véritable libération consisterait au contraire à accepter la mort : tel semble être le chemin de la sagesse véritable.

Le péché et la punition

La démesure des actes de Sisyphe constitue la preuve flagrante de son orgueil, de son ambition et de son aveuglement. Les ruses de Sisyphe cachent un profond vide moral.

Le mythe de Sisyphe symbolise la vanité humaine et son hybris (démesure). La peine sera, elle aussi, démesurée.

Le péché de Sisyphe rappelle le péché originel d’Adam et Eve, qui ont croqué du fruit défendu de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal. En voulant être « comme des dieux » (donc immortels), Adam et Eve ont plongé l’humanité dans la honte, le travail et la souffrance éternelle.

Les thèmes du travail et de la souffrance sont ici centraux. L’Homme devra trouver un moyen de se réconcilier avec le monde, avec les dieux et surtout avec lui-même.

L’absurdité de la vie

Sur un autre plan, le mythe de Sisyphe éclaire la condition humaine et l’absurdité de la vie. C’est notamment l’analyse d’Albert Camus dans son essai : Le Mythe de Sisyphe, qu’on peut qualifier d’existentialiste.

Pousser une pierre éternellement est inutile et absurde. Dans les camps de concentration, les prisonniers étaient condamnés à accomplir des travaux qui n’avaient aucun sens : ils se voyaient par exemple obligés de transférer des tonnes d’acier d’un endroit à un autre, et le lendemain faire la même chose dans l’autre sens.

Le mythe de Sisyphe décrit une sorte de prison sans sortie possible. En l’occurrence il s’agit d’une prison mentale : une souffrance psychique poussée à son paroxysme.

Pour Camus, le mythe de Sisyphe symbolise un monde inintelligible, dépourvu de sens et de Dieu. Face à ce constat, deux options se présentent : le suicide ou la révolte intérieure. Camus choisit la deuxième : l’Homme doit se confronter à l’absurdité du monde et surtout à son désir de trouver du sens à toute chose, désir fou, inatteignable et source de souffrance. Cette révolte passionnée contre le monde et contre lui-même doit mener l’Homme à la liberté.

Pour Camus, Sisyphe est libre quand il réalise l’absurdité de sa condition : il peut alors entrer dans la lutte, ou mieux, dans l’acceptation. Il atteint même le bonheur lorsqu’il décide d’accomplir volontairement sa tâche, même s’il sait qu’elle est absurde. C’est là le seul moyen de vivre vraiment.

Camus semble dire que le chemin parcouru par Sisyphe n’a aucun sens (« le chemin importe peu, la volonté d’arriver suffit à tout »). Ce serait oublier que le sens peut apparaître en cours de chemin, c’est peut-être la raison pour laquelle il ne faut jamais s’arrêter de chercher.

Lire aussi notre article : Le but, c’est le chemin

Au final, le mythe de Sisyphe questionne le sens de la vie, mais aussi les notions de destin, de liberté, de conscience, d’effort, de lutte et d’espérance. Il semble indiquer que la prison est avant tout mentale : nous sommes prisonniers de nous-mêmes. Mais réaliser cela, c’est déjà nous libérer.

La symbolique du mythe de Sisyphe

Le mythe de Sisyphe recèle un symbolisme riche, qui évoque :

  • la loi des cycles : loi cosmique fondamentale qui implique une alternance, un éternel retour, mais aussi une correspondance entre le haut et le bas, la montée et la descente, l’effort et le repos… Plus qu’une simple répétition du passé, les cycles peuvent représenter un chemin de renouveau et d’élévation,
  • les phases du soleil, de la lune ou des marées,
  • l’Enfer ou les traumatismes psychologiques,
  • le péché originel et le travail,
  • le Néant,
  • etc.

Par ailleurs, le rocher ou la pierre que pousse Sisyphe peuvent symboliser :

  • la pierre brute de la tradition maçonnique (l’être obscur),
  • la pierre philosophale de la tradition alchimique, représentant l’être conscient et éveillé,
  • l’individu pris entre deux forces : sa volonté propre et la volonté de Dieu.

Pour aller plus loin :

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Modif. le 6 mai 2024

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