Les mots substitués du Maître Maçon : quelle est leur signification ? Pourquoi le mot véritable est-il perdu ? Pourquoi cette substitution ? Tentative d’interprétation.
D : Qu’est-ce qui a été perdu ?
R : Les secrets véritables des Maîtres Maçons
D : Comment ont-il été perdus ?
R : Par « trois grands coups » qui ont causés la fin tragique de notre R.M. Hiram
D : De quelle manière avez-vous été reçu M. Mac. ?
R : Par les « Cinq points parfaits de la Maîtrise » et par le « mot substitué » que m’a communiqué le T.V.M.
D : Que peut signifier ce mot ?
R : Les significations qui lui sont habituellement attribuées sont diverses. Si on l’interprète d’après l’Hébreu, tout comme les autres mots de nos rituels, « Mohabon » signifie « Poseur de pierres polies » et par extension « Constructeur, ou ordonnateur ». Le mot « Mac Benac » signifie : « Chef des constructeurs, ou Architecte » ; On peut en déduire que les deux versions tendent à la même signification.
D’après la légende du grade, il avait été convenu que le premier mot qui aurait été prononcé en découvrant le cadavre d’Hiram : « C’est l’Architecte ! » serait adopté comme mot sacré, substitué au Mot Véritable, connu d’Hiram et perdu avec lui.
Instruction au 3ème degré REAA
En outre, lors de la fermeture des travaux en Chambre du Milieu, le T.V.M. (à qui le 1er Surveillant vient de communiquer les Mots Substitués) déclare : « Je les approuve et les confirme et déclare qu’ils désigneront désormais tous les Maîtres Maçons du monde entier jusqu’à ce que les mots véritables puissent être retrouvés. »
L’interprétation de ces passages du rituel semble évidente : le but de la quête du Maître est de retrouver ce qui a été perdu c’est à dire les secrets véritables du Maître.
Tentons de donner une interprétation des mots substitués du Maître Maçon.
Les mots substitués du Maître Maçon : interprétation
Le rituel du passage au 3ème degré REAA, tout comme les précédents, contient la transmission d’un mot sacré, à ne pas confondre avec le mot de passe.
Au 3ème degré, on nous apprend que ce mot n’est qu’une substitution au mot véritable. Ainsi, le degré auquel nous accédons n’est pas un aboutissement : nous sommes des hommes inachevés tout comme le temple dans lequel Hiram, venant constater l’avancement des travaux, fut assassiné.
C’est donc bien à la poursuite de la construction du temple et par analogie à notre propre construction que nous sommes conviés.
Mohabon : « C’est l’Architecte ! »
Le mot substitué Mohabon signifie « C’est l’Architecte ! » Si nous mettons en perspective ce mot avec ceux des deux premiers degrés (Boaz et Jakin) nous obtenons une phrase qui prend du sens : La force est en lui, il établira : c’est l’Architecte.
La notion de substitution apparaît dans les rituels dès les années 1720. Les versions françaises de 1744 à 1751 présentent l’ancien Mot de Maître comme étant le Nom ineffable. Cet ancien nom, Jéhovah, était bien connu des Maîtres Maçons mais jamais inscrit dans les rituels.
La signification est claire : nous sommes en présence du divin, mais ce dernier ne peut être connu ni nommé.
« C’est l’Architecte ! » évoque alors une prise de conscience : Dieu est là, mais nous ne savons pas qui il est. Nous ne le connaissons pas, nous n’avons pas les moyens de l’aborder ni de le comprendre, tout simplement parce que l’ignorance, le fanatisme et l’ambition font obstacle, nous masquent la Vérité.
Cependant, en passant à l’acte, les Trois Mauvais Compagnons se sont démasqués. En apparaissant clairement à notre conscience, ils nous ont paradoxalement aidé à réaliser le caractère essentiel de ce que nous avons perdu. Autrement dit, c’est en reconnaissant que nous sommes ignorants, fanatiques et ambitieux que nous pouvons laisser place au Créateur en nous.
Les mots substitués ou l’impossibilité de nommer
Nommer c’est créer. Or, seul le Créateur peut créer, et donc nommer et se nommer. Penser pouvoir nommer, c’est se prendre pour Dieu : funeste décentrage qui rappelle le péché originel.
Autrement dit, nommer c’est Connaître. En ce sens, le Nom n’est pas un simple vocable car il renferme en lui l’essence de l’être nommé, ce qui renvoie en outre à une sorte de pensée pure, sans langage.
On retrouve l’impossibilité de nommer dans de nombreuses traditions spirituelles et religieuses où on s’interdit toute représentation de la divinité. Dans ces mêmes traditions, Dieu est Verbe :
Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui.
Prologue de l’évangile selon Saint Jean
Mohabon comme Boaz et Jakin sont des mots empruntés à l’hébreu qui, dans un premier temps, semblent très mystérieux aux oreilles du néophyte. Ils ne sont que des sons vocaux, des supports symboliques qui suggèrent sans révéler.
C’est ce que l’on retrouve par exemple dans les Mantras, sons vocaux issus des profondeurs de l’être dont la répétition est une des techniques de base des écoles initiatiques. Parmi ces sons reviennent souvent ceux qui correspondent à la prononciation des lettres O, A et M : comment ne pas penser à Mohabon ? Ainsi, ces sons primordiaux réveillent notre mémoire innée, mémoire commune à tous les hommes.
Ainsi, nous pourrions dire que l’initiation au troisième degré marque le passage de l’homme psychique à l’homme spirituel. Le chemin initiatique suggère l’importance de laisser part à l’inexprimable et à l’incommunicable : l’intuition doit supplanter nos facultés psychiques ou mentales, seul moyen d’accéder à des états supérieurs de conscience. Beaucoup de choses devront donc être abandonnées pour pouvoir renaître à la Vérité et à la Vraie Vie.
Un début de réponse…
Le rituel d’initiation au 3ème degré fait de chaque nouveau Maître un potentiel Hiram, suggérant ainsi la possibilité de retrouver ce qui a été perdu. Le Mot Substitué nous fixe le but, but qui nécessite une quête mais nous impose aussi un devoir, celui de la transmission initiatique.
A ce stade, l’Initié doit aller au-delà des mots en découvrant leur signification cachée, subtile et universelle. Ici, le mot au sens spirituel renvoie à un au-delà, à une réalité invisible ou sacrée. Ceci nous invite à d’incessants allers et retours entre l’Orient et l’Occident pour rechercher ce qui a été perdu, réunir ce qui est épars, pour enfin revenir vers le centre primordial.
N.B. : « Mohabon » est parfois associé à l’expression anglaise « marrow in the bone » (la moëlle est dans l’os), évoquant un potentiel de vie toujours présent après la mort.
Voir aussi notre liste de planches au 3ème degré REAA
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.
Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.
Modif. le 8 mai 2024