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La mort d’Hiram : planche maçonnique

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La mort d’Hiram : planche maçonnique. Comment aborder la mort d’Hiram au 3ème degré ? Que symbolise-t-elle ? En quoi est-elle utile ?

La mort d’Hiram surgit dans le déroulement des degrés symboliques comme une rupture dans le mode d’apprentissage des degrés précédents.

Au moment précis où le Compagnon semble doué d’un corpus de connaissances propre à lui permettre de devenir Maître, Hiram meurt, et il est soupçonné d’en être l’assassin.

Au troisième degré, la cérémonie d’initiation n’est plus constituée d’étapes successives (voyages initiatiques, épreuves…), mais d’un récit homogène, d’une légende sur laquelle nous avons toute latitude pour méditer. Sans soulever aucun voile de ce qu’est le Travail dans les ateliers de Perfection, on peut dire que ce passage n’est que la première étape d’une longue histoire…

Voici donc une interprétation de la mort d’Hiram à travers cette planche maçonnique.

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Rappelons quelques éléments du récit. Le Roi Salomon a confié à Hiram « savant dans l’Art de l’Architecture » le soin d’élever un Temple à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers. Au moment précis où l’édifice allait être achevé, des Compagnons prirent conscience que leur instruction maçonnique n’était pas terminée et qu’ils ne possédaient pas les secrets qui devaient leur permettre d’accéder à la maîtrise.

Trois d’entre eux, trois seulement, résolurent de les obtenir, même par la force, auprès de Maître Hiram. Ces trois-là sont donc ceux qui ne résistent pas à la frustration ; ils font preuve d’une impatience infantile, caractéristique de ceux qui ont une difficulté à reconnaître leur ignorance et qui ont du mal à se projeter dans un système de connaissance progressif.

Ces mauvais Compagnons attendent Maître Hiram à l’Orient, à l’Occident et au Midi, autrement dit aux plateaux du Vénérable Maître, du 1er Surveillant et du 2nd Surveillant.

Point important, les Trois Mauvais Compagnons sont indispensables, à la fois à l’élaboration et à la fondation du mythe d’Hiram. Ils sont ceux qui permettent au nouveau maître de se libérer, de prendre la mesure de ce qu’il est et de lui donner la possibilité de développer ses talents et son autonomie. Dans ce sens, il est tout à fait compréhensible que le Vénérable Maître, le 1er et le 2nd Surveillants soient les figures légendaires des Trois Mauvais Compagnons. Ils sont les « accoucheurs » de ce que sera le nouveau Maître dans son accomplissement.

Symboliquement, les Trois Mauvais Compagnons représentent l’ignorance (2nd Surveillant), le fanatisme (1er Surveillant) et l’ambition déréglée (le Vénérable Maître). Ces trois caractères symboliques doivent être mis en rapport avec ceux des trois officiers de la Loge au moment de l’ouverture des Travaux. Il s’agit de la Sagesse, de la Force et de la Beauté. Ce que l’on apprend alors, c’est que ces qualités poussées à certaines extrémités sont réversibles.

Ainsi, la Sagesse se transforme en ambition déréglée si elle n’est plus que savoir et sert une cause personnelle qui ne trouve plus ses racines dans le bien commun. La Force conduit au fanatisme si elle n’est que démonstration virile et si elle n’est plus celle du caractère. La Beauté, si elle n’est que superficialité et non plus recherche de l’harmonie, se transforme en ignorance.

Ces qualités dévoyées deviennent des armes qui, ayant détruit Maître Hiram, peuvent tout autant, si nous n’y prenons garde, nous détruire nous-même.

Le Maître Maçon est un marcheur qui progresse sur une route étroite bordée par le bien et le mal, par le blanc et le noir, en équilibre entre des forces contradictoires. Il évolue sur le pavé mosaïque qui, depuis son initiation, lui rappelle la fragilité de sa condition.

La suite est connue. La mort d’Hiram est causée par la répétition des coups et peut-être aussi des erreurs répétées des hommes. Tous les jours , à notre tour, nous provoquons la mort d’Hiram, autrement dit ce qu’il y a de meilleur en nous. Nous sommes à la fois ambitieux, fanatiques et ignorants. En cela, il faut à tout moment nous rappeler de la légende et de ses enseignements.

Nous sommes à la fois Hiram et les Trois Mauvais Compagnons. Dans notre manière de vivre, nous connaissons la même réversibilité que celle que nous avons développée précédemment.

Le corps du Maître sera retrouvé là où a commencé à pousser un acacia, arbre connu pour sa solidité et sa longévité. Pourtant, celui qui reprendra vie n’est pas Hiram mais le nouveau Maître.

Nous touchons là un paradoxe du mythe. Celui qui était soupçonné être un assassin au début du récit, est innocenté. Mieux, il remplace Hiram et est, de ce fait, accepté parmi les Maîtres. Ce revirement de situation peut paraître étonnant. Le Compagnon est à la fois le bourreau et la victime. En fait, comme dans les degrés précédents, il est à la fois la pierre brute qui doit être taillée et celui qui travaille cette pierre.

En cela, la Maçonnerie est avant tout un travail sur soi. On y apprend moins des concepts qu’une manière d’être au monde, un savoir-être. Le mythe de la mort d’Hiram ne fait qu’illustrer ce principe.

Le travail fourni au cours des deux premiers degrés pourrait faire croire à un individu dont l’esprit serait fragile, ignorant, fanatique et ambitieux, qu’il est arrivé à un niveau suffisant de Connaissance. Il croit connaître la Terre et l’univers, les sciences et les doctrines des Grands Initiés. Or, la Maîtrise n’est pas une fin mais une étape, l’une des premières d’un long parcours.

La mort d’Hiram est une mort nécessaire, car le chemin doit continuer. Il est nécessaire de continuer à combattre le mauvais Compagnon qui sommeille en nous. L’initié meurt donc à nouveau sous les coups de ses propres turpitudes, de son incompréhension du message maçonnique, de son ambition démesurée. Mais cette mort est salutaire et féconde.

En fait, le Compagnon croit savoir. Or, par la mort symbolique du futur Maître, nous réalisons que nous ne savons pas et que nous sommes dans un éternel apprentissage. En passant de l’équerre au compas, nous passons de la stabilité à l’instabilité. En fait, en devenant Maître, nous utilisons des outils plus complexes, mais qui à tout moment peuvent nous échapper voire nous blesser.

Avec la mort d’Hiram, le Maître emporte dans son tombeau les mots sacrés véritables et « les secrets véritables des Maîtres Maçons ». Les Frères n’ont donc plus à leur disposition que des mots sacrés substitués qu’ils devront chercher de l’Orient à l’Occident.

Ainsi, après le mutisme de la période d’apprentissage, le Compagnon accède en partie au langage ; mais au moment même où il pense obtenir les derniers éléments propres à parfaire sa Connaissance, tout s’effondre.

Le message est que le travail du Maître n’est jamais terminé, et qu’il faut sans cesse recommencer. La vérité se dérobe toujours lorsqu’on pense l’approcher… D’ailleurs, quand les Surveillants se rendent auprès du cadavre, le premier constate que « la chair quitte les os » et le second que « tout se désunit » : ce qui semblait cohérent et maîtrisable, ne l’est, à ce stade, plus du tout…

Le mythe ramène le postulant devenu Maître à un relatif inconfort psychologique et intellectuel. La mort d’Hiram sonne comme un rappel à l’ordre qui consiste à ne pas se laisser aller au confort de ce qui semble avoir été acquis.

Les épreuves sont des éléments à la fois de structuration de l’individu et d’apprentissage de la difficulté. Comme l’écrit Nietzsche : « Tout ce qui ne tue pas rend plus fort ». Nous avons tout à apprendre des épreuves que nous traversons. Citons également cette phrase de Guillaume d’Orange : « Il n’est point besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ».

Dans le rituel d’initiation au premier degré, le postulant, au cours des deux premiers voyages exécutés en Loge, entend des bruits qui, au fur et à mesure du déroulement de la cérémonie, s’estompent. Les bruits et les obstacles s’aplanissent sous les pas de l’homme qui persévère dans la vertu. Cependant, il est dit dans le rituel « qu’il n’est pas encore délivré des combats qu’il est obligé de soutenir pour triompher de ses passions et de celles des autres hommes ». Quand d’ailleurs sera-t-il effectivement prêt à cela ?

Le mythe nous amène également à réfléchir sur une certaine fragilité de la vie et de nos projets. Rien n’est plus dit, après la mort d’Hiram, de la construction du Temple de Salomon. Le meurtre d’Hiram a vraisemblablement stoppé les travaux. Comme dans la vie, tout peut-être soudainement remis en question. L’accident, la maladie, la mort sont des variables sur lesquelles nous n’avons aucune maîtrise et qui peuvent du jour au lendemain bouleverser nos vies…

Les épreuves de la vie devraient, si nous tentons d’en tirer parti, nous rendre humbles et modestes. Les plus beaux projets, les plus enthousiasmants , les mieux organisés, la vie la plus agréable, peuvent être stoppés par un coup du sort. La vie a bien plus d’imagination que nous. C’est ce que l’on appelle le destin

Voir aussi cette liste de planches au 3ème degré

Les essentiels du troisième degré maçonnique Adrien Choeur

Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.

Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.

Modif. le 26 juin 2024

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