Qu’est-ce que l’invention de la Vraie Croix ? Comment la Vraie Croix a-t-elle été retrouvée ? Quelles sont les légendes autour de l’invention de la Vraie Croix ?
L’invention de la Vraie Croix est la découverte de la Croix du Christ près de 300 ans après sa mort.
L’inventio crucis est attribué à Hélène, mère de l’empereur Constantin, alors que l’empire romain bascule peu à peu dans le christianisme. Nous sommes en l’an 326, un an seulement après le célèbre concile de Nicée convoqué par Constantin. L’empire romain bascule alors dans le christianisme sous l’impulsion de ses dirigeants.
Selon la légende, avec l’aide de l’évêque de Jérusalem Macaire, Hélène identifie l’emplacement précis du tombeau du Christ et retrouve miraculeusement la Croix au côté de celles des deux larrons.
Les historiens se sont longtemps interrogés sur l’authenticité de cette découverte. Comment la Croix aurait-elle pu ressurgir trois-cent ans après la crucifixion de Jésus ? En réalité, cela peut s’expliquer. D’abord, la mémoire du lieu ne s’est jamais perdue : les romains avaient fait ériger à cet endroit un temple dédié à Vénus dans le but d’empêcher le développement du culte chrétien. D’autre part, les gibets et instruments de torture étaient considérés comme impurs par les juifs, qui refusaient de les manipuler. Il est donc probable que la Croix soit restée sur les lieux mêmes du supplice.
La Vraie Croix aurait été retrouvée au fond d’une cavité difficile d’accès, sans doute le puits d’une ancienne carrière.
Voir aussi l’article : L’histoire de la Croix de Jésus, et ce qu’elle est devenue.
L’invention de la Vraie Croix et son contexte : le voyage d’Hélène en Palestine.
Le contexte de l’invention de la Vraie Croix est bien décrit par Eusèbe de Césarée (évêque de Césarée en Palestine, proche de Constantin, 265-339), qui fait le récit suivant dans son œuvre « La Vie de Constantin » (Livre 3, chapitres 25 et suivants) :
Chapitre 25 : Constantin ordonne de bâtir une église à Jérusalem.
L’ami de Dieu entrepris en Palestine une grande action digne de mémoire. Il jugea qu’il était de son devoir de rendre le lieu où le Sauveur ressuscita dans Jérusalem le lieu le plus célèbre et le plus vénérable qu’il y eut au reste du monde, et pour cet effet il ordonna qu’on y élevât une église, non pas par un raisonnement sans Dieu, mais par le mouvement de l’Esprit du Sauveur.
Chapitre 26 : Tombeau du Sauveur couvert de pierres et profané par la statue d’Aphrodite. Ce chapitre rappelle comment le tombeau du Christ avait été recouvert de terre et d’ordures, avant qu’on y élève un temple de Vénus par-dessus (Aphrodite en grec). Constantin ordonne de raser le temple et abolit le culte.
Chapitre 28 : Découverte du tombeau du Sauveur.
Ces ordres n’eurent pas plus tôt exécutés et on n’eut pas plus tôt creusé jusqu’à l’ancienne hauteur de la terre qu’on vit, contre toute attente, le très saint et très auguste tombeau d’où le Sauveur était autrefois ressuscité (…).
Chapitre 29 : Ordres donnés pour bâtir une église.
Chapitre 30 : Lettre de l’empereur Constantin à Macaire pour la construction d’une église en l’honneur de la mort du Sauveur.
« … je n’ai pas de plus forte passion que d’embellir par de magnifiques bâtiments ce lieu qui, étant déjà saint, a été encore sanctifié par les marques de la passion du Sauveur et qui a été déchargé par la volonté de Dieu et par mes soins du poids d’une idole dont il avait été chargé. »
Chapitre 33 : Construction de l’église.
Chapitre 42 : Voyage d’Hélène à Bethléem.
Cette impératrice, dont la prudence était tout à fait singulière, avait résolu de rendre à Dieu, comme au souverain de tous les princes, l’humble hommage de ses prières et de Lui donner des marques de la reconnaissance qu’elle avait de tant de faveurs dont Il avait comblé l’empereur Constantin, et les Césars ses petits-fils. Elle alla avec une merveilleuse ardeur dans un âge fort avancé visiter les saints lieux, et elle pourvut en passant aux besoins des provinces et des villes d’Orient. (…)
Chapitre 43 : Description de deux églises de Bethléem.
Elle ne se contenta pas d’avoir présenté à Dieu dans les saints lieux le tribut de son adoration et de son culte. Elle éleva deux églises en Son honneur, l’une proche de la grotte au lieu où le Sauveur était né et l’autre sur la montagne d’où Il était monté au Ciel. (…) Ce passage évoque les premières constructions du Saint-Sépulcre de Jérusalem, qui consistait d’abord en deux églises séparées mais très proches l’une de l’autre.
Par contre, Eusèbe ne parle pas de la découverte de la Croix elle-même.
Les légendes autour de l’invention de la Vraie Croix.
Voici la légende de l’invention de la Vraie Croix telle qu’elle est rapportée dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, célèbre écrivain du Moyen-Age (1266, chapitre « L’invention de la Sainte Croix ») :
Hélène arrivée à Jérusalem fit réunir autour d’elle les savants qu’on trouva dans toute la contrée. (…)
Or, les Juifs, remplis de crainte, se disaient les uns aux autres : « Pour quel motif pensez-vous que la Reine nous ait convoqués auprès d’elle ? » L’un d’eux nommé Judas, dit : « Je sais, moi, qu’elle veut apprendre de nous l’endroit où se trouve le bois de la croix sur lequel le Christ a été crucifié. Gardez-vous bien d’être assez présomptueux pour le lui découvrir. Sinon tenez pour très certain que notre loi sera détruite et que toutes les traditions de nos pères seront totalement abolies : car Zachée mon aïeul l’a prédit à mon père Siméon et mon père m’a dit avant de mourir : « Fais attention, mon fils, à l’époque où l’on cherchera la croix du Christ : dis où elle se trouve, avant d’être mis à la torture ; car à dater de cet instant le pouvoir des Juifs, à jamais aboli, passera entre les mains de ceux qui adorent le crucifié, parce que ce Christ était le fils de Dieu. » (…) Cependant les Juifs dirent à Judas : (…) « Quoi qu’il en soit, si la Reine t’interroge, aie soin de ne lui faire aucun aveu. »
Lors donc qu’ils furent en présence de la Reine, et qu’elle leur eut demandé le lieu où le Seigneur avait été crucifié, pas un d’eux ne consentit à le lui indiquer alors elle les condamna tous à être brûlés. Ils furent saisis d’effroi et signalèrent Judas, en disant : « Princesse, voici le fils d’un juste et d’un prophète qui a connu parfaitement la loi ; demandez-lui tout ce que vous voulez, il vous l’indiquera. » Alors elle les congédia tous à l’exception de Judas qu’elle retint et auquel elle dit : « Je te propose la vie ou la mort ; choisis ce que tu préfères. Montre-moi donc le lieu qui s’appelle Golgotha, où le Seigneur a été crucifié, afin que je puisse trouver sa croix. »
Judas répondit : « Comment puis-je le savoir, puisque deux cents ans et plus se sont écoulés et que je n’étais pas né à cette époque ? »
La Reine lui dit : « Par le crucifié, je te ferai mourir de faim, si tu ne me dis la vérité. »
Elle ordonna donc qu’il fût jeté dans un puits desséché pour y endurer les horreurs de la faim. Or, après y être resté six jours sans nourriture, le septième il demanda à sortir, en promettant de découvrir la croix. On le retira. Quand il fut arrivé à l’endroit, après avoir fait une prière, tout à coup la terre tremble, il se répandit une fumée d’aromates d’une admirable odeur ; Judas lui-même, plein d’admiration, applaudissait des deux mains et disait : « En vérité, ô Christ, vous êtes le Sauveur du monde ! » Or, d’après l’Histoire ecclésiastique (œuvre de l’écrivain Sozomène), il y avait, en ce lieu, un temple de Vénus construit, autrefois par l’empereur Hadrien, afin que si quelque chrétien eût voulu y adresser ses adorations, il parût adorer Vénus : et, pour ce motif, ce lieu avait cessé d’être fréquenté et était presque entièrement délaissé, mais la Reine fit détruire ce temple jusque dans ses fondements et en fit labourer la place.
Après quoi Judas se ceignit et se mit à creuser avec courage. Quand il eut atteint à la profondeur de vingt pas, il trouva trois croix enterrées, qu’il porta incontinent à la reine. Or, comme l’on ne savait pas distinguer celle de J.-C. d’avec celles des larrons, on les plaça au milieu de la ville pour attendre que la gloire de Dieu se manifestât. Sur la onzième heure, passa le corps d’un jeune homme qu’on portait en terre : Judas arrêta le cercueil, mit une première et une seconde croix sur le cadavre du défunt, qui ne ressuscita pas, alors on approcha la troisième croix du corps et à l’instant il revint à la vie.
On lit cependant, dans les histoires ecclésiastiques, qu’une femme des premiers rangs de la ville gisait demi-morte, quand Macaire, évêque de Jérusalem, prit la première et la deuxième croix, ce qui ne produisit aucun résultat : mais quand il posa sur elle la troisième, cette femme rouvrit les yeux et fut guérie à l’instant.
Saint Ambroise dit, de son côté, que Macaire distingua la croix du Seigneur, par le titre qu’avait fait mettre Pilate, et dont l’évêque lut l’inscription qu’on trouva aussi. (…) Après quoi Judas est baptisé, reçoit le nom de Cyriaque, puis est ordonné évêque de Jérusalem, quand le titulaire fut mort.
Jacques de Voragine reprend ici plusieurs traditions anciennes, notamment les écrits de Sozomène, historien chrétien du Vème siècle.
Précisément, Sozomène fait le récit suivant de l’Invention de la Vraie Croix vers 445 (Histoire de l’Eglise, livre second, chapitre I) :
Hélène se rendit à Jérusalem à dessein d’y faire les prières, et d’y visiter les saints lieux. Le zèle dont elle brûlait pour la Religion lui faisait souhaiter sur toutes choses de trouver la Croix adorable du Sauveur. Mais il n’était pas aisé de la trouver, non plus que son tombeau, parce que les Païens pour étouffer la Religion Chrétienne dans sa naissance, avaient rempli de terre le lieu de la Résurrection, et du Calvaire, l’avaient fermé d’une muraille, et y avaient élevé un Temple en l’honneur de Vénus. Ils se persuadèrent que quand les Chrétiens voudraient aller au lieu dont je parle, on croirait qu’ils y adoreraient Vénus, et que le temps effaçant la mémoire du premier objet de leur culte, ne laisserait que l’erreur du second, sans que nous eussions aucun moyen de désabuser les peuples. La tromperie fut néanmoins découverte, et ce lieu que les ennemis de l’Église cachaient avec tant de soin fut montré par un Juif qui avoir gardé des mémoires de ses pères, où il en était parlé, ou plutôt il fut révèle durant le sommeil, ou autrement à des personnes de piété. Car quand il plaît à Dieu de rendre quelque chose manifeste, il n’a pas besoin du ministère des hommes. Après que l’’on eut fouillé par le commandement de l’Empereur, on trouva d’un côté le tombeau, d’où le Sauveur était ressuscité, et de l’autre, trois Crois, un écriteau sur lequel ces paroles étaient écrites en Hébreu, en Grec et en Latin : Jésus de Nazareth, roi des Juifs. Cet écriteau avait été fait, et mis au-dessus de la tête du Sauveur par le commandement de Pilate, comme il est rapporté dans l’Evangile. Après tout cela, il était très difficile de reconnaître sa vraie Croix, parce que l’écriteau en était arraché, et qu’elles avaient été jetées confusément par les soldats lorsqu’ils en avaient détache les corps. L’Histoire fait foi qu’ils trouvèrent le Sauveur mort sur la Croix, et que l’en ayant ôté, ils se donnèrent pour l’ensevelir. Quant aux deux voleurs, ils leur cassèrent les cuisses pour avancer leur mort, et jetèrent leurs croix au hasard. Car comme il était tard, et qu’ils se hâtaient de se retirer, il n’y a point d’apparence qu’ils aient pris la peine de les ranger dans l’ordre, où elles avaient été placées pour l’exécution. Il fallait donc que la Divine puissance fit paraître quelque signe, auquel on reconnût la Croix du Sauveur, et voici celui qu’elle eut agréable de donner. Il y avait dans Jérusalem une Dame de qualité fort malade, que Macaire Évêque de cette ville-là alla trouver avec Hélène, mère de l’Empereur, et après avoir fait ses prières, il déclara à l’assemblée que la Croix par laquelle cette Dame serait guérie, serait reconnue pour la vraie. Lui ayant donc fait toucher les trois croix, les deux premières ne lui apportèrent aucun soulagement et la troisième la guérit si parfaitement, qu’aussitôt qu’elle l’eut touchée, elle ouvrit les yeux, reprit les forces, et se leva. On dit qu’un mort fut ressuscité de la même sorte.
Plus tôt, Saint-Cyrille (Cyrille d’Alexandrie), successeur de Saint-Macaire au siège épiscopal de Jérusalem (350-386), avait écrit dans une lettre à l’empereur Constance, fils de Constantin :
Sous l’empire de Constantin, votre père, d’heureuse mémoire, et très chéri de Dieu, le bois salutaire de la Croix fut trouvé à Jérusalem ; et la bonté divine a donné à ce religieux empereur la consolation de découvrir les lieux saints, auparavant cachés (sous les monuments de l’impiété).
Après Saint-Cyrille, Jean Chrysostome avait fait allusion à l’invention de la Vraie Croix en 390.
Puis Saint-Ambroise (Ambroise de Milan) avait raconté l’invention de la croix dans son oraison funèbre de Théodose (Sancti Ambrosii oratio de obitu Theodosii), en 395 :
Hélène vint donc, et commença à examiner les lieux saints ; le Saint-Esprit lui inspira de chercher le bois de la vraie croix ; elle arriva au Calvaire, et dit :
« Voici le lieu du combat, où est la victoire ? Je cherche l’étendard du salut, et je ne le trouve pas. Suis-je sur le trône, et la croix du Seigneur est-elle dans la poussière ? Suis-je dans des palais dorés, et le triomphe du Christ est-il dans des ruines ? Est-il encore caché ? La palme de la vie éternelle est-elle cachée ? Comment me croirai-je rachetée, si on ne voit pas la rédemption elle-même ? »
Elle ouvrit la terre, dégagea la poussière, trouva trois croix confondues, que la ruine avait mêlées, que l’ennemi avait cachées. Mais ce triomphe du Christ n’a pas pu rester caché. Incertaine, elle hésite, comme une femme, mais le Saint-Esprit lui inspire un examen certain, tiré de ce que deux voleurs avaient été crucifiés avec le Seigneur. Elle cherche dans le bois du milieu ; mais il était possible que les gibets confondus par la ruine n’eussent point conservé le même ordre. Elle revient au texte de l’Évangile, et elle lit que la croix du milieu portait le titre : Jesus nazarenus rex judeorum. La vérité fut ainsi connue, et la vraie croix fut désignée par le titre :… elle trouva donc le titre :… chercha les clous qui avaient crucifié Notre-Seigneur.
Enfin, d’autres traditions approchantes existent sous les plumes de Rufin, Sulpice-Sévère, ou encore Saint-Paulin.
On notera la diversité des récits et des légendes relatives à l’invention de la Vraie Croix. On peut cependant résumer l’événement de la manière suivante :
Après la crucifixion, les Juifs jettent les croix dans un trou, ou encore dans la vallée située immédiatement contre le rocher du Golgotha, avant de les recouvrir de terre, d’ordures et de déblais (la vallée est aujourd’hui comblée). Guidée par les renseignements des vieillards et parce que ces derniers connaissaient l’habitude des juifs d’enterrer les cadavres avec les instruments du supplice, Sainte-Hélène fait faire des fouilles par ses ouvriers. On trouve trois croix pareilles, entre lesquelles il est difficile de distinguer celle du Christ. Elle est assistée de Saint-Macaire, qui les fait toucher successivement, les uns disent à une dame mourante, les autres au corps d’un mort, dont la résurrection indique par miracle la Vraie Croix. Selon d’autres traditions, c’est le titulus qui permet à Hélène d’identifier la Vraie Croix.
Tous les témoignages sont faits par des écrivains chrétiens, avec des variantes, ce qui prouve qu’ils ne se sont pas copiés.
Enquête autour de la véracité de cette « invention » de la Croix.
Des doutes planent sur l’invention de la Vraie Croix.
Certes, l’impératrice Hélène a fait procéder à des fouilles archéologiques sur le lieu même de la crucifixion lors de son pèlerinage de 326. A-t-elle réellement pu découvrir la Croix de Jésus ? Ou s’agissait-il d’une opération de propagande destinée à renforcer la nouvelle religion de l’empire ? A partir du quatrième siècle, le christianisme devient en effet une arme politique. Dans ce contexte, l’invention et la diffusion d’objets sacrés permet aux souverains successifs d’affirmer leur pouvoir, de renforcer leurs alliances et de souder la société.
Il se pourrait donc que toute cette histoire ait été inventée, ce qui n’enlève rien à son caractère légendaire.
Quelques œuvres représentant l’invention de la Vraie Croix.
En tête de cet article figure une partie des célèbres fresques de Piero Della Francesca (basilique San Francesco, Arezzo, entre 1452-1466) consacrées à la légende de la Vraie Croix.
En 1380, Agnolo Gaddi peint aussi une fresque sur La Légende de la Croix (basilique Santa Croce de Florence) :
D’autres fresques dédiées à la Vraie Croix se trouvent au plafond de l’église Santa Croce in Gerusalemme de Rome (cette basilique abrite notamment le titulus crucis).
La chapelle de l’invention de la Croix.
Le lieu de l’invention de la Vraie Croix est aujourd’hui conservé par tradition : il correspond à la chapelle de l’invention de la Vraie Croix située sous la basilique du Saint-Sépulcre de Jérusalem.
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Modif. le 13 mai 2020