Les mains libres : planche maçonnique. Pourquoi le Compagnon effectue-t-il son cinquième voyage les « mains libres » ? Interprétation.
L’initiation au deuxième degré consiste en cinq voyages :
- le premier voyage se fait maillet et ciseau en mains (cartouche des 5 sens),
- le deuxième voyage s’accomplit avec la règle et le levier (cartouche des 5 ordres d’architecture),
- le troisième voyage se fait avec le fil à plomb et le niveau (cartouche des 7 arts libéraux),
- le quatrième voyage se fait équerre en main (cartouche des 5 grands Initiés),
- enfin, le cinquième voyage s’effectue les mains libres ; il est associé au cartouche « Gloire au Travail ».
Le cinquième voyage s’effectue donc les mains libres, qui sont ici associées au travail :
LE VÉNÉRABLE MAÎTRE
Rituel d’Initiation au grade de Compagnon REAA
Mon Frère récipiendaire, ce sont les mains libres que vous avez accompli ce dernier voyage, après vous être servi des divers outils du Compagnon au cours des voyages précédents.
Les outils, et d’abord la main qui fut le premier outil de travail, ont servi à nos devanciers, les compagnons opératifs, dans la construction des Temples et autres édifices. Comme nos ancêtres, nous aussi nous sommes avant tout des travailleurs.
Plus loin, le travail est décrit comme la « dignité de l’homme libre », qui nous rend utiles aux autres. Le travail assure la liberté, l’égalité et favorise la fraternité.
La main est l’outil de travail primordial, l’instrument des instruments. Elle symbolise la pensée en action et permet de réaliser concrètement ce que l’intelligence conçoit.
Composée de 29 os et de 40 muscles, la main est un outil complet et complexe qui permet de saisir, de taper, de modeler, de placer, de sentir, de tracer, de vérifier, de mesurer ou encore de dessiner et d’écrire. C’est donc autant un instrument de conception que de réalisation, de contrôle et de transmission.
Ainsi, la main est le reflet de l’intelligence humaine. Les mains libres représentent peut-être la libération et l’épanouissement de cette intelligence : le potentiel humain peut enfin s’exprimer.
Voici donc une planche maçonnique sur les mains libres.
Voir aussi notre liste de planches au deuxième degré.
Les mains libres : planche maçonnique.
La main peut être vue comme le prolongement du cerveau humain : elle réalise, met en pratique ce que l’intellect a préalablement conçu. Elle permet de passer de l’abstrait au concret.
Ainsi, la main exprime le génie humain (cf. la lettre G) : ultra perfectionnée, elle donne forme aux inventions les plus osées et met en pratique les principes de la géométrie. Elle ordonne, arrange, introduit du sens dans la matière. Elle permet de passer du chaos à l’ordre.
Mais la main peut aussi être utilisée à mauvais escient pour détruire, frapper ou tuer. Dans tous les cas, elle révèle les intentions profondes de l’individu.
Par ailleurs, la main véhicule un symbolisme très parlant, lié au chiffre 5 (les 5 doigts de la main renvoient aux 5 voyages, aux 5 pointes de l’étoile flamboyante ou encore aux 5 sens) mais aussi au chiffre 10 (les 10 doigts), ce dernier exprimant le retour à une certaine dualité (2×5).
A ce titre :
- la main droite est active : elle exprime la force et rappelle en ce sens la colonne Boaz (« en lui la force »),
- la main gauche est passive : elle vient en renfort et évoque la colonne Jakin (« il rend stable, il établira »).
La main droite serait ainsi plus proche de la volonté (ou de l’intention), alors que la main gauche serait plus ancrée dans la réalisation.
Pourquoi les mains libres ?
La main permet de saisir et d’utiliser les outils qui permettront de réaliser l’oeuvre. A ce titre, les outils constituent de simples prolongements de la main ; ils n’ont de sens qu’à travers leur maniement. On rappellera en outre que les premiers outils humains ont été conçus à mains nues.
Le cinquième voyage s’accomplit les mains libres, alors même que l’oeuvre du Compagnon est loin d’être achevée.
On peut interpréter les mains libres de différentes manières :
- ayant acquis une certaine maîtrise, le Compagnon dispose désormais de tous les outils, c’est-à-dire de tous les moyens de travailler sur lui-même : les mains libres expriment un plus grand degré d’autonomie et une certaine capacité à choisir les outils,
- le Compagnon doit déposer ses outils pour accomplir des tâches qui touchent de plus en plus à la conception, au dessin, au tracé ou à la géométrie. En effet, le Compagnon pénètre peu à peu dans le monde de l’abstrait. Il fixe désormais ses propres objectifs et conçoit ses propres plans,
- enfin, le moment est peut-être venu pour le Compagnon de faire une pause pour évaluer son travail et procéder à son auto-critique. Les mains libres traduisent ce moment de recul, d’étude et d’analyse.
Les mains libres nous interrogent sur le concept de liberté. La liberté du Compagnon est paradoxale puisqu’elle est liée au devoir et au travail. C’est en effet par le travail que le Compagnon s’épanouit et progresse : ce travail, c’est l’effort de connaissance de soi, et donc de connaissance des autres et du monde. C’est par le travail que le franc-maçon peut abandonner ses illusions pour enfin s’ouvrir à la réalité.
Il n’est donc pas étonnant que le cinquième voyage, qui s’effectue les mains libres, soit associé au cartouche « Gloire au Travail ». Les mains libres, ce sont les mains libres de travailler, de choisir les outils, de défaire pour recommencer : le franc-maçon ne se pose aucune limite dans la recherche de la vérité.
Peu à peu, le Compagnon devient maître de lui-même. Tel un artisan, il travaille non plus par contrainte mais par passion. Il s’est harmonisé avec lui-même : ses mains expertes traduisent sa liberté intérieure, elles portent au-dehors la Lumière perçue au-dedans. Ses mains libres sont devenues des mains d’or.
Ce travail résolu et librement consenti mène aussi au perfectionnement de l’humanité. C’est un chemin d’Amour universel. A ce titre, on remarquera que c’est les mains libres que le Compagnon s’unit en fraternité avec ses semblables. Dans la chaine d’union, la main droite donne et la main gauche reçoit, ce qui traduit l’importance de la transmission. La chaine d’union rappelle le paradoxe vu plus haut : c’est en s’enchainant que l’on se libère, c’est en travaillant que l’on s’élève.
Lire aussi : Les 5 voyages du Compagnon franc-maçon.
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (100 pages) comporte 27 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du second degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 26 février 2024