Le voyage de Guibulum : planche au 13ème degré REAA. Qui est Guibulum et quel est son rôle ? Comment interpréter sa descente à travers les neuf arches ?
Dans la légende salomonienne, Guibulum apparaît au 13ème degré. Il est institué, avec ses compagnons Johaben et Stolkin « Chevalier de la Royal-Arche » par Salomon en récompense de leur zèle et de leur constance.
Salomon avait précédemment ouvert une école d’architecture et créé les « Grand Maîtres Architectes » afin de reprendre et achever la construction du Temple consacré à Dieu.
Ayant été reconnu Architecte au 12ème degré, le « Grand Maître Architecte » pouvait, avec l’aide de ses compagnons, se consacrer à « l’achèvement de cette construction en procédant à l’élévation du troisième étage et à la décoration du Saint des Saints selon les plans qui en furent donnés par le Grand Architecte de l’Univers ».
Le Grand Maître Architecte, alors, peut-être satisfait de l’oeuvre accomplie et se réjouir. Il avait construit un beau bâtiment conformément aux règles de l’art, dont la géométrie est la clé, en utilisant l’étui de mathématiques. Il avait construit et il s’était construit lui-même, mais à cet instant de son parcours, il contemplait un bâtiment vide alors qu’il savait que celui-ci était un Temple dédié à Dieu. Que manque-t-il à l’oeuvre si ce n’est d’être habitée par celui à qui elle est destinée ?
Voici une planche au 13ème degré REAA sur le voyage de Guibulum.
Voir aussi le rituel d’instruction au 13ème degré
Le voyage de Guibulum : la légende
Celui qui va devenir Guibulum s’interroge sur ce qui lui manque ou qu’il n’a pas perçu au cours de la construction du Temple. Le voyage du 13ème degré va le conduire, avec ses compagnons Johaben et Stolkin à une autre dimension.
Les Grands Maîtres Architectes savaient que Salomon se réunissait avec Maître Hiram et Hiram roi de Tyr en un lieu souterrain pour s’entretenir secrètement de choses sacrées. Mais cette fois le chantier est terminé, alors les trois Grand Maîtres Architectes supplièrent le roi Salomon de les recevoir Chevalier de Royal-Arche, degré qui permet d’accéder à la connaissance.
Salomon refusa : « vous ne pouvez l’espérer maintenant. En vous révélant son Nom, le Grand Architecte de l’Univers permettra peut-être que vous accédiez un jour à la connaissance que vous convoitez aujourd’hui. »
Par le passé, Enoch, qui avait reçu le Nom Ineffable de Dieu, s’était engagé à ne pas le prononcer. Il le grava sur une plaque d’or triangulaire qu’il scella sur la pierre d’agate avant de déposer celle-ci sous la neuvième arche la plus profonde. La tradition du Temple d’Enoch se transmit à travers les âges jusqu’au règne du roi Salomon, qui fit construire le Temple de Jérusalem sur son emplacement.
Salomon ayant fait le serment avec Maître Hiram et Hiram roi de Tyr de ne communiquer les secrets du degré s’ils n’étaient trois initiés à les connaître, il condamna la trappe conduisant à la Voûte sacrée après la mort de Maître Hiram.
La construction du Temple étant terminée, Salomon fit chercher Johaben, Stolkin et Guibulum pour qu’ils fouillent les gravas à la recherche des choses précieuses en vue de la dédicace du Temple. Parmi ces trois initiés figure Guibulum dont nous ne connaissons rien, mais qui est connu de Salomon puisqu’il l’a choisi.
La légende se poursuit par la découverte par Guibulum de l’anneau et de la première pierre carrée qui précéda ses descentes successives à travers les neufs arches et la découverte de la plaque d’or qui avait été déposée par Enoch.
A présent, voici une interprétation du voyage de Guibulum.
Le voyage de Guibulum : interprétation
Qui est donc Guibulum ? Une étymologie nous présente Guibulum comme un déformation de Ghiblin, nom des habitants de la ville de Gebal réputés comme excellents tailleurs de pierre ce qui ferait dire a ses compagnons « Guibulum est un bon maçon ». Au 14ème degré, il est présenté comme le « confident » de Salomon.
Nous ne connaissons pratiquement rien de plus sur Guibulum, alors que nous avons déjà rencontré Johaben et Stolkin :
- Johaben a su maîtriser progressivement ses passions, de son zèle pris pour de la curiosité jusqu’à son impatience et sa colère pour punir le meurtrier d’Hiram. Johaben est curieux, zélé et impulsif. Il est décrit comme le plus « dévoué » des favoris de Salomon.
- Stolkin est le sage qui a découvert le corps d’Hiram. Il est un homme de confiance, obéissant, fidèle, voire effacé. Il est celui à qui Salomon demande d’exécuter Johaben lorsqu’il apprend que ce dernier a tué le premier mauvais Compagnon (Johaben sera finalement gracié).
Ce sont donc des initiés au caractère opposé qui sont choisis par Salomon pour accomplir la quête décisive.
D’autres différences apparaissent entre les personnages au cours de l’épreuve : Guibulum prend des initiatives, ouvre la voie, alors que Johaben et Stolkin se montrent plus prudents. Il ne faut pas pour autant sous-estimer le rôle des deux compagnons restés en surface, eux qui retiennent Guibulum par la corde, ce qui nécessite adresse et force. Johaben et Stolkin doivent trouver le juste équilibre entre lâcher-prise et retenue : nous sommes dans une complémentarité ternaire.
Ce rythme ternaire se retrouve dans les éléments suivants :
- les 3 compagnons d’aventure,
- les 3×3 voûtes,
- les 3 secousses que Guibulum applique à la corde pour faire signe de le remonter,
- les 3 tentatives de Guibulum pour atteindre la 9ème arche.
Insistons sur la complémentarité entre les personnages : Guibulum représente l’intention spirituelle alors même qu’il n’a aucun pouvoir sur l’action (ce n’est pas lui qui tient la corde). A l’inverse, Johaben et Stolkin jouent un rôle matériellement actif alors qu’ils n’ont aucun pouvoir de décision, obéissant simplement aux demandes de Guibulum.
On peut aussi y voir le Corps (Johaben), l’Âme (Stolkin) et l’Esprit (Guibulum).
Sur le plan psychologique, différentes instances interviennent :
- l’intuition : elle permet à Guibulum de faire les découvertes essentielles, d’abord de trouver l’anneau puis les trappes successives,
- la peur de l’inconnu : à plusieurs reprises, elle retient Guibulum de s’enfoncer dans ce lieu si sombre qui évoque la mort. Elle est un obstacle sur le chemin du lâcher-prise, mais elle est aussi un élément de prudence, à mettre en parallèle avec la sagesse de Stolkin,
- le courage : c’est le zèle, le dépassement de soi qui permet d’aller au-delà de la peur : on peut y voir le caractère de Johaben.
Au final, on constate une harmonisation entre ces différentes instances (l’une spirituelle, les deux autres matérielles), et rappelons-le, les trois personnages finiront par descendre ensemble jusqu’à la Neuvième arche par l’échelle de corde.
Ainsi, le voyage de Guibulum, particulièrement périlleux, est fait de conscience, de peur, de courage et de persévérance. En acceptant d’abandonner le monde connu, en se laissant aller vers l’inconnu, il s’ouvre à lui-même, il comprend ce dont il est fait, il accepte de lâcher prise : c’est ainsi qu’il s’ouvre aux choses sacrées.
On pourrait aussi dire, dans une perspective alchimique, qu’une séparation s’opère : les éléments matériels restent en surface (cf. l’Oeuvre au noir), ce qui permet à la conscience pure de s’enfoncer dans le sol, vers la Vérité cachée. Mais un lien nécessaire demeure (la corde), et la réconciliation avec la matière s’annonce (cf. l’Oeuvre au rouge).
Au final, le voyage de Guibulum est bien sûr celui de la connaissance de soi. A ce titre, le chemin est aussi important que la découverte finale : accomplir le chemin, suspendu à la corde, est l’épreuve qui permet à Guibulum de se connaître, de se maîtriser et d’harmoniser toutes les forces présentes en lui.
Au bout du voyage : la découverte du Nom ineffable
Nous l’avons dit, c’est l’intuition qui guide Guibulum. Certes, cette intuition semble conférée à Guibulum par la volonté de Dieu et de son représentant le roi Salomon, ou encore par la force du destin.
Quoi qu’il en soit, l’intuition guide Guibulum vers l’introspection, c’est-à-dire l’avancée dans l’univers de sa propre matière et de la matière universelle. La compréhension de soi mène à la compréhension de toute chose et de tout être, car tout est fait de la même matière. Voilà la marque de Dieu partout présente…
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (75 pages) comporte 20 planches relatives aux 13ème et 14ème degrés.
Décryptez les notions essentielles, de la Voûte sacrée à la dispersion des Grands Elus, en passant par le voyage de Guibulum, le souvenir d’Enoch, la décadence de Salomon ou le sacrifice de Galaad…
Modif. le 13 octobre 2024