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Le Graal : le mystère enfin décortiqué

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Le Graal : qu’est-ce que c’est ? Sur quoi repose le mystère de cette légende ? En quoi consiste la quête de l’immortalité ? Quel sens caché ? Qu’est-ce que le Graal aujourd’hui ?

Voici l’article le plus complet du net au sujet du Graal.

Près de 1000 ans après le début de la légende, le Graal continue de questionner et de passionner.

Plus que jamais présent dans la culture populaire, le Graal est un objet issu de légendes celtes, dont les auteurs du Moyen-Age se sont nourris pour fonder un mythe durable : celui des chevaliers de la Table ronde.

« Graal » serait un mot issu du latin gradalis, ayant donné différentes formes au Moyen-Age, telles gradal, grasal, grésal, ou encore gréal, signifiant toujours « coupe », « récipient » ou « plat creux ».

Chez les Celtes, c’est un chaudron qui confère l’immortalité. Pour les auteurs du cycle arthurien, le Graal désigne :

  • un mystérieux plat à poisson (Chrétien de Troyes),
  • le calice utilisé par Jésus lors de la Cène et utilisé par Joseph d’Arimathie pour recueillir son sang (Robert de Boron),
  • ou encore une pierre magique (Wolfram von Eschenbach).

Mais le Graal est avant tout une quête. Quête d’un trésor illusoire : trésor des Cathares, des Templiers, des Wisigoths, ou encore le trésor imaginé par le nazi Otto Rahn. Ou, plus intéressant, une quête spirituelle : un voyage dans les profondeurs de l’être.

Le symbolisme du Graal est extrêmement riche. Il parlera à tous ceux qui éprouvent le besoin de mieux se connaître et de percer les secrets de l’existence.

Entrons dans la légende du Graal.

Texte complet à retrouver sur :

Le Graal Adrien Choeur

Découvrez ou redécouvrez l’histoire du Graal, sa mythologie, sa signification et son symbolisme.

Une enquête entre légende et réalité...

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L’origine du Graal : la légende arthurienne

C’est Chrétien de Troyes, poète et écrivain français du Moyen-Age (environ 1130-1190), qui est à l’origine de la légende du Graal à travers son oeuvre Perceval ou le Conte du Graal (écrit vers 1180-1190).

Chrétien de Troyes participe à la fondation du « cycle arthurien » : un ensemble de textes de différents auteurs relatant l’histoire du roi Arthur, de ses proches et des chevaliers de la Table ronde. Chrétien de Troyes est le premier à introduire le Graal au coeur de cette légende.

Le roi Arthur, le Graal et la Table ronde dans le cycle arthurien

Dans les différents écrits du cycle arthurien, le roi Arthur est un personnage fictif, seigneur du Vème siècle régnant sur la Bretagne armoricaine et la Grande-Bretagne, et luttant contre les barbares germaniques. Sa légende nous viendrait des traditions orales bretonnes et celtiques diffusées par les troubadours auprès des cours royales de France et de Grande-Bretagne.

Selon la tradition, Merlin l’Enchanteur révèle au roi Arthur l’importance de créer une assemblée constituée des meilleurs chevaliers du royaume afin de retrouver le Graal. Arthur fonde donc la confrérie des chevaliers de la Table ronde (parmi lesquels figurent Perceval, Lancelot, Galaad, Gauvain ou encore Bohort).

Dans les récits tardifs, c’est Galaad (fils de Lancelot prédestiné) qui retrouve le Graal et le rapporte à la Table ronde : cette table est en effet destinée à recevoir le vase sacré (elle symbolise la table de la Cène, dernier repas du Christ).

Mais revenons à la manière dont Chrétien de Troyes introduit pour la première fois le Graal dans son oeuvre Perceval ou le Conte du Graal.

Le Graal dans Perceval ou le Conte du Graal de Chrétien de Troyes

Alors qu’il cherche un endroit pour dormir, Perceval tombe sur une rivière et rencontre le Roi-pêcheur, qui l’invite dans son château. Il gravit un sentier jusqu’à une roche, mais parvenu au sommet il ne voit rien, sauf le ciel et la terre. Une tour et le château tout entier apparaissent enfin. Il s’avance, est reçu par des valets dans une vaste salle carrée, illuminée d’un grand feu et d’innombrables chandelles, puis s’entretient avec un homme vêtu de zibeline noire garnie de pourpre : c’est le seigneur des lieux (le Roi-pêcheur déjà arrivé sur place) qui s’excuse de ne pouvoir se lever de son lit. On offre à Perceval une épée. Il est ensuite témoin d’un étonnant spectacle : 

D’une chambre un valet sortit : en son poing il tenait par le milieu une lance resplendissante de blancheur ; il traversa la salle en passant entre le feu et le lit où le seigneur et son hôte étaient assis. Tous ceux qui se trouvaient là voyaient bien la lance et le fer dans tout leur éclat. Or, à la pointe du fer de la lance perlait une goutte de sang, et jusqu’à la main du valet coulait cette goutte vermeille.

Puis le spectacle continue :

Alors deux autres valets parurent : en leurs mains ils tenaient des chandeliers d’or fin, ouvragés d’émail noir. (…) Dans ses deux mains jointes une demoiselle, qui venait avec les valets, tenait un graal ; elle était belle, noble et très bien parée. Quand elle fut entrée avec le graal qu’elle portait, une si grande clarté se répandit dans la salle que les chandelles perdirent leur éclat, comme les étoiles et la lune au lever du soleil. Après elle venait encore une autre demoiselle portant un plat d’argent. Elle était précédée par le graal, fait en or très pur, garni de pierres précieuses de toutes sortes, parmi les plus riches et les plus rares qui existent dans la mer et dans la terre ; sans nul doute aucune gemme au monde n’égalait en valeur celles qui ornaient le graal. De la même façon que la lance, ce cortège passa par-devant le lit en allant d’une chambre dans une autre.

On offre ensuite un splendide souper, durant lequel le cortège réapparaît à chaque plat, comportant toujours le Graal, et sortant toujours de cette chambre dont l’occupant est inconnu.

Cette vision bouleverse Perceval, mais, soucieux de ne pas se montrer indiscret comme lui a appris son tuteur, il n’ose demander quel est le mystérieux occupant de la chambre à qui le cortège est destiné. Après le repas, le Roi-pêcheur, atteint d’un mal mystérieux, se fait porter dans sa chambre par ses valets. Perceval s’endort à son tour. À l’aube, en se réveillant, il trouve le château totalement vide. Il appelle, mais personne ne répond. Il finit par trouver son cheval sellé et quitte le château.

A ce stade, le Graal est donc un mystère. Plus loin, Perceval rencontre une pucelle dans une forêt, qui lui apprend que le roi du château a été rendu infirme par un javelot reçu dans les jambes. Il ne peut plus chasser, c’est pourquoi il pêche. La pucelle reproche à Perceval de n’avoir posé aucune question au sujet de la lance qui saigne et du Graal ; s’il avait parlé, il aurait guéri le roi de son mal, et la contrée aurait été délivrée de ses fléaux. Perceval se promet alors de percer le mystère du Graal, refusant toute autre aventure.

Durant cinq ans, Perceval échoue à retrouver le château, oubliant même de prier Dieu. Un jour, un ermite lui révèle le sens de la vision du cortège. Le service du Graal était en réalité destiné au père du Roi-pêcheur, lui aussi malade, et maintenu en vie par les hosties issues du Graal depuis quinze ans.

Il lui révèle aussi que le fait qu’il n’ait pas posé la question au sujet du Graal est lié au fait qu’il a abandonné sa mère pour rejoindre la chevalerie (événement évoqué au début du conte), ce qui a provoqué la mort de cette dernière, constituant le premier péché de Perceval.

Notons que le Conte du Graal est resté inachevé : Chrétien de Troyes ne fait pas état d’un retour de Perceval au château du Graal.

Analyse de Perceval ou le Conte du Graal

Alors que la lance perlée de sang semble évoquer la blessure ou la « chute », le Graal pourrait au contraire représenter l’espoir de la guérison. Mais Perceval, en s’abstenant de poser la question décisive, semble empêcher le pouvoir du Graal de se révéler. Le Graal semble donc être potentiel de guérison, comme une serrure qui ne demande qu’à être activée. La clé a été donnée à Perceval, symbolisée par l’épée qu’il a reçue comme présent au début de la scène. Mais il n’a pas su s’en servir.

Les rois malades, impuissants, demi-morts, peuvent symboliser l’oubli du principe vital, l’être assombri, le « pêcheur », l’homme sans conscience. Le Graal serait donc la promesse du retour à la vie ; il évoque le foisonnement de la nature, rappelant la chasse dont le Roi-pêcheur est privé.

Associé aux mets du splendide repas, le Graal représente la corne d’abondance, présente dans la mythologie grecque mais aussi dans la culture païenne celtique, notamment à travers le chaudron magique du dieu Bran, qui a aussi le pouvoir de relever ceux qui sont morts au combat.

Le Graal est certainement un plat à poissons (péchés par le Roi-pêcheur), le poisson étant le symbole chrétien de la vie en abondance, finalement très proche de l’hostie.

Le Graal est là, il circule dans la pièce à plusieurs reprises, qui sont autant d’occasions manquées pour Perceval de poser la question. Vide, le Graal ne peut révéler son véritable pouvoir. Il doit être rempli de quelque chose, ce qu’échoue à faire le jeune chevalier. Cette chose qui manque est peut-être la curiosité, la volonté, ou l’envie d’aimer.

Attaché à son éducation (son surmoi), Perceval n’ose pas franchir le pas qui le mènerait à son être authentique, universel, infiniment puissant. Car les rois malades et Perceval peuvent être considérés comme un seul et unique personnage, le conte révélant qu’ils sont en réalité parents, sa mère étant la fille du Roi-père (ce qui signifie que le Roi-pêcheur est l’oncle de Perceval).

Ainsi, le Graal symbolise l’éclat, la jeunesse, la beauté, la promesse de santé et de bonheur. Il est aussi un symbole de lumière solaire, mais une lumière qui n’entre dans le coeur que de celui qui le veut vraiment.

Il est donc impossible d’accéder au Graal si l’on n’y est pas prêt. On a bien là une lutte du bien contre le mal, de la vertu contre le péché. La quête du Graal nécessite ouverture, courage, dépassement de ses limites personnelles. Associée à la piété, elle mène au bonheur et à la prospérité.

Remarque : la scène du Roi-pêcheur est sans doute inspirée des Métamorphoses d’Ovide (poète latin du Ier siècle après J-C) : elle rappelle la venue du héros grec Thésée au palais du dieu-fleuve Achelous. Cliquez ici pour en savoir plus.

Le lien avec Jésus : le Saint Graal ou Saint Calice

Le Graal de Jésus Juan de Juanes

C’est Robert de Boron, écrivain français du XIIème siècle, qui est le premier à rattacher la légende du Graal à Jésus. Il christianise le mythe et transforme le Graal en une relique chrétienne.

Boron reprend la légende de Chrétien de Troyes. Il décrit le Roi-pêcheur comme étant Bron, le beau-frère de Joseph d’Arimathie (personnage du Nouveau Testament). L’auteur considère que Joseph d’Arimathie aurait recueilli le sang du Christ dans le calice utilisé pour la Cène, l’objet prenant alors le nom de « Saint Graal » ou « Saint Calice ». 

Dans son roman Joseph d’Arimathie ou l’Histoire du Graal (1199), mais aussi Merlin et Perceval, Boron s’appuie sur l’évangile apocryphe de Nicodème pour christianiser la légende du Graal.

Mais voyons d’abord qui était Joseph d’Arimathie dans la Bible.

Joseph d’Arimathie et la légende du Graal

Dans le Nouveau Testament, Joseph d’Arimathie est un notable membre du Sanhédrin (assemblée des prêtres d’Israël) qui obtient des Romains de pouvoir disposer du corps de Jésus après sa mort : il procède à la descente de la croix, à l’enveloppement du corps dans un linceul, à l’inhumation dans un sépulcre lui appartenant (taillé dans le roc) et à sa fermeture par une pierre ronde. A noter que Marie-Madeleine assiste à l’inhumation. Les passages concernés sont Marc 15, 42-47, Matthieu 27, 57-61, Luc 23, 50-56, Jean 19, 38-42.

L’évangile apocryphe de Nicodème donne un peu plus de détails, décrivant le rôle de Joseph d’Arimathie et de Nicomède au moment de la descente du corps. Mais cet évangile a été rédigé au IVème siècle, il est donc très tardif et romancé.

Le récit de Robert de Boron

Revenons à Robert de Boron. Dans ses romans, Robert de Boron décrit d’abord un Joseph d’Arimathie qui conserve le vase de la Cène :

Uns Juïs le veissel trouva
Chiés Symon, sel prist et garda.
Car Jhesus fu d’ilec menez
Et devant Pilate livrez.

Ce qui peut se traduire par : Un Juif trouva le récipient chez Simon : il le prit et le garda. Car de là, Jésus fut emmené, et livré à Pilate.

A noter que l’auteur assimile la Cène au repas chez Simon, sans doute pour justifier le fait que Joseph d’Arimathie ait été présent alors même qu’il n’est pas un des 12 apôtres.

Le Juif (Joseph d’Arimathie) donne ensuite ce veissel (vase, récipient) à Pilate pour obtenir en contrepartie le corps de Jésus. Joseph se rend ensuite auprès de Jésus sur la croix mais les gardes ne le laissent pas passer. Il retourne auprès de Pilate, qui lui confie Nicomède comme compagnon et lui rend le vase, parce « qu’il ne veut pas être accusé de conserver quoi que ce soit qui pût appartenir à Jésus. »

Joseph revient au Calvaire et descend le corps de la croix. Il le lave et voit le sang couler des plaies. Il saisit alors le vase pour recueillir le Saint Sang issu du flanc, de la tête, des mains et des pieds de Jésus. 

Ce transfert du sang de Jésus vers le vase est d’une importance capitale : il symbolise la continuation de la vie, la mort vaincue, la force de résurrection. Dès lors, le pouvoir de Jésus est transféré au Graal.

Dans la suite du récit de Robert de Boron, Joseph est accusé d’avoir fait disparaître le corps de Jésus et jeté en prison. Alors qu’il est enfermé, Jésus ressuscité vient le visiter, fait réapparaître le vase et le lui confie. Il lui délivre ensuite son enseignement, tout en insistant sur la haute valeur du Graal :

Tout cil qui ten veissel verrunt
En ma compeignie serunt ; 
De cuer arunt emplissement
E joie pardurablement.
Cil qui ces paroles pourrunt
Apenre et qui les retenrunt
As genz serunt plus vertueus
A Dieu assez plus gratïeus.

En français d’aujourd’hui : Tous ceux qui verront ton récipient seront en ma compagnie ; leur coeur s’emplira de joie perpétuellement. Ceux qui pourront apprendre et retenir ces paroles seront plus vertueux et recevront la grâce de Dieu.

Après de longues années, Joseph est libéré. C’est bien la présence du vase qui semble l’avoir maintenu en vie. Rejoint par sa sœur et son beau-frère Bron (fondateur de la lignée des Rois-pêcheurs), il quitte la région. Une voix céleste (celle de Jésus) lui ordonne alors de recomposer une table ronde en souvenir de la Cène, sur laquelle sera posé le vase ainsi qu’un poisson pêché par Bron. Joseph présidera ; à côté de lui, une place restera vide, en souvenir de Judas.

Joseph transmet le vase à son gendre Bron, qui sera chargé de l’emmener en Bretagne. Son fils Alain et son petit-fils deviendront les gardiens du Graal. Selon d’autres écrits arthuriens, Joseph s’installe en Grande-Bretagne pour évangéliser les îles. A noter que Joseph d’Arimathie est aujourd’hui considéré comme le saint évangélisateur de la Grande-Bretagne.

Voilà donc la genèse du Graal chrétien.

Remarque : le nom de Bron est proche de « Bran », personnage de la mythologie celtique associé au chaudron magique. Nous y reviendrons.

Le Graal : une pierre sacrée ?

Dans le cycle arthurien tel qu’il est traité en Allemagne au début du XIIIème siècle, il y a l’idée que le Graal est une pierre précieuse de grande taille, aux pouvoirs miraculeux.

Le Parzival de Wolfram von Eschenbach

Wolfram von Eschenbach est un poète allemand (environ 1170-1220) qui reprend et enrichit la légende inachevée de Chrétien de Troyes, à travers deux œuvres restées célèbres : Parzival et Titurel, teintées d’ésotérisme.

Remarque : Parzival a grandement influencé les opéras Lohengrin (1850) et Parsifal (1882) de Richard Wagner. Ce dernier opéra relancera durablement la légende du Graal.

Wolfram décrit Parzival (Perceval) comme un chevalier tourmenté qui part à la recherche du Graal, qu’il finira par trouver, ce qui permettra la guérison du Roi-pêcheur. Wolfram reprend le récit de Chrétien de Troyes pour ce qui concerne la rencontre avec le Roi-pêcheur, l’entrée dans le château du Graal et le banquet. Durant le repas, le Graal circule ; il est décrit comme une mystérieuse pierre qui fait surgir la nourriture et les boissons. Là encore, Perceval se montre trop discret : il ne pose pas la question qui aurait pu entraîner la guérison du roi malade.

De retour à la cour du roi Arthur, Perceval se voit mis en cause par la sorcière Cundrie, « messagère du Graal », parce qu’il a gardé le silence au château du Roi-pêcheur. Il peste contre Dieu qui ne lui a pas suggéré de poser la question et part à la recherche du Graal.

En rencontrant l’ermite Trevrizent, il comprend que sa colère contre Dieu n’est pas justifiée : on ne peut rien exiger de Dieu par orgueil. L’ermite lui livre ensuite le secret du Graal : il s’agit d’une pierre d’une valeur inestimable, contenant toute force de vie et de jeunesse, et dont le pouvoir se renouvelle chaque Vendredi saint par une hostie céleste. Cette pierre peut aussi faire apparaître des inscriptions, en particulier pour valider la nomination des nouveaux chevaliers du Graal.

A noter que dans le récit, le château du Graal se nomme Munsalwäsche (Montsalvat, Montsalvage ou « mont sauvage »), un nom que l’archéologue nazi Otto Rahn associera, à tort, à Montségur, dernier bastion cathare. Otto Rahn s’inspirera des écrits de Wolfram pour alimenter sa théorie du trésor caché par les Cathares (voir plus bas).

Le Graal : l’émeraude de Lucifer ?

Dans Parzifal, Wolfram décrit le Graal comme une pierre précieuse, une émeraude parfaite, « à la fois racine et floraison », et promesse de Paradis.

Or, selon plusieurs légendes médiévales, arthuriennes et alchimiques, une émeraude serait tombée du front de Lucifer durant son combat avec l’archange Michel. Rappelons que Lucifer, le plus lumineux des anges de Dieu, s’est retourné contre son Créateur. Après la perte de cette pierre, Lucifer est condamné à errer et à commettre le mal, jusqu’à ce qu’il retrouve l’émeraude.

Cette pierre aurait le pouvoir de transformer tous ceux qui la touchent, et de leur conférer l’immortalité. Ainsi, plusieurs légendes rapportent que le Graal serait un vase taillé dans l’énorme émeraude de Lucifer.

Par ailleurs, pour les alchimistes l’émeraude est la pierre d’Hermès Trismégiste : la Table d’Emeraude, pierre de la connaissance secrète et de la clairvoyance (voir plus bas).

Où est le Graal aujourd’hui ?

Nous l’avons déjà suggéré, le Graal n’est pas à proprement parler une relique. C’est un objet mythique qui n’a pas d’existence réelle, même si nombre de romanciers ont laissé entendre le contraire. Le Graal n’existe que dans l’inconscient collectif.

Toutefois, au Moyen-Age, de nombreuses églises, monastères et évêchés ont fait naître des légendes locales autour de calices pouvant être associés au Graal, dans le but d’attirer les pèlerins.

Surtout, la légende d’un supposé trésor du Graal présent dans le Sud de la France a resurgi dès la fin du XIXème siècle, sur la base de multiples recherches historiques teintées d’ésotérisme. Selon certains chercheurs, le Graal pourrait être le Saint Calice, ou encore un lot de documents contenant des informations secrètes : la généalogie du Christ, des inédits de Platon ou encore un évangile secret…

Un supposé trésor du Graal dans le sud de la France

Au XIXème et surtout au début du XXème siècle, des théories apparaissent au sujet d’un supposé trésor du Graal dont le secret aurait été gardé par des organisations concurrentes de la royauté et du pape, au premier rang desquelles les Templiers et les Cathares.

A noter que Templiers et Cathares sont contemporains du cycle arthurien exposé plus haut.

Quelques rappels :

  • Les Templiers (Ordre du Temple) sont un ordre religieux et militaire créé en 1129 à l’occasion des croisades en Terre sainte, dans le but de protéger les pèlerins. Devenu extrêmement riche au fil du temps, l’ordre est dissout en 1307 par Philippe IV le Bel, son Grand maître Jacques de Molay accusé d’hérésie et brûlé vif à Paris.
  • Le catharisme est un mouvement religieux apparu en France autour de l’an 1000, et jugé hérétique par l’Eglise pour cause de manichéisme (les cathares croyaient en l’existence d’un dieu-bon, céleste, et d’un dieu du mal régnant sur la Terre). Malgré la répression, le mouvement survit dans le Sud de la France (actuelle Occitanie). Au XIIIème siècle, la croisade contre les Albigeois est lancée : les cathares sont peu à peu éradiqués (1209-1229). Le dernier bastion cathare, le château de Montségur (Ariège, photo ci-dessous), tombe en 1244.
chateau de montségur Graal

A noter qu’en 1226, l’évêché du Razès est créé par les cathares (dans l’Aude, près de Limoux et de Rennes-le-Château). Il fera l’objet d’âpres combats durant la croisade contre les Albigeois. Ces événements nourriront le mystère du trésor de Rennes-le-Château (voir plus bas).

En réalité, l’existence supposée d’un trésor du Graal dans le Sud de la France repose sur une triple présence historique entre les XIème et XIIIème siècles :

  • celle des Cathares,
  • celle des Templiers,
  • et celle d’une communauté juive au destin particulier. Notons que des peuplements juifs sont attestés en Gaule dès le Ier siècle, entre autres avec l’arrivée supposée de Marie-Madeleine.

Relevons en outre que le château de Montségur et la région du Razès sont distants de quelques dizaines de kilomètres. Par ailleurs, Narbonne est à seulement 90 km de Rennes-le-Château.

Entrons dans les détails de ce supposé trésor du Graal dans le Sud de la France.

Un trésor juif en France ?

Ancienne capitale wisigothique, Narbonne est conquise par les Arabes en 719. En 752, Pépin le Bref (premier roi carolingien et père de Charlemagne) prend le trône de France et renverse les Mérovingiens. Il décide immédiatement de faire assiéger Narbonne mais ne trouve pas de solution pour reprendre la ville aux Arabes. Il sollicite alors l’aide de la communauté juive de la ville. En 759, Narbonne est libérée.

Selon les écrits d’un rabbin andalou du XIIème siècle (Abraham ibn Daoud Halevi), Pépin et Charlemagne remercient cette communauté juive en permettant la création d’un véritable royaume juif à Narbonne, avec à sa tête Makhir, qui devient donc roi des Juifs de Narbonne.

Makhir est anobli et obtient des avantages fiscaux pour la ville, ainsi qu’un grand nombre de terres et la possibilité de lever l’impôt. A noter que Makhir, à l’origine juif babylonien, est issu de la lignée de David, tout comme Jésus, ce qui peut recouper l’hypothèse d’une descendance de Jésus qui serait le véritable sens du Graal.

Le chercheur américain Arthur J. Zuckerman (1972) reprend cette thèse du Royaume juif. Il identifie Makhir à Guillaume de Gellonne (Guilhem), important chef militaire carolingien du Sud de la France. Or le nom de Guilhem est cité par Wolfram von Eschenbach dans son Parzival, ce qui pourrait constituer un indice de la présence du Graal à Narbonne ou non loin.

Makhir pourrait encore être un chef issu d’une lignée mérovingienne, descendant de Jésus, donc de sang juif, dépositaire du secret du Graal. Un Graal qui aurait pu être apporté en Gaule par les Juifs au Ier siècle, ou qui aurait pu être trouvé par un des ancêtres-chevaliers de Makhir lors des croisades.

D’autre part, l’existence de ce royaume juif dans le Sud de la France, attestée par certains écrits médiévaux, vient rencontrer la légende du trésor des Wisigoths. En effet, les Juifs auraient pu être les dépositaires et les gardiens de ce trésor, qui aurait comporté entre autres les objets les plus importants du Temple de Jérusalem (voir plus bas).

Le Graal des Templiers

saint graal calice

Selon certaines hypothèses, les Templiers auraient découvert sous les dalles du Temple de Jérusalem (actuelle Esplanade des Mosquées, lieu de leur quartier général) des documents secrets ou encore l’Arche d’alliance. Certains y ont vu le Graal.

Selon d’autres hypothèses encore, les Cathares auraient confié leur trésor aux Templiers avant leur disparition (voir ci-dessous). Le Graal aurait fait partie de ce mystérieux trésor.

Ces hypothèses pourraient expliquer la volonté du roi de France Philippe IV le Bel de faire main basse sur le trésor des Templiers en 1307. Mais aucune source historique sérieuse ne vient le confirmer.

Reste que Wolfram von Eschenbach affirme, dans son Parzival, que le Graal est gardé par les Templiers, qu’il est réservé à quelques « élus » issus d’une « lignée commune », ce qui ouvre la voie aux plus incroyables suppositions, la plupart étant cependant peu crédibles.

Le Graal des Cathares

Selon certains auteurs et historiens, les Cathares auraient évacué leur trésor à la veille de l’attaque du château de Montségur, afin de le mettre en lieu sûr, ou de le transmettre aux Templiers. Selon d’autres, le trésor aurait pu rester dans la région, ce qui donne lieu à des recherches régulières, encore de nos jours.

Ce trésor pourrait avoir plusieurs origines, en particulier celle du trésor des Wisigoths, constitué par Alaric après le sac de Rome en 410, et qui aurait été partagé entre Toulouse et l’Espagne, avant d’être déposé à Carcassonne puis déplacé ou dispersé. A noter que la « montagne d’Alaric » est aujourd’hui un mont situé dans le département de l’Aude, supposé lieu de sépulture du chef des Wisigoths. Autre hypothèse : celle du trésor de la communauté juive installée dans la région, déjà évoquée plus haut.

Ce trésor semblerait donc avoir contenu les objets les plus précieux du Temple de Jérusalem que Titus aurait confisqués aux Juifs en 70 après J-C (date de la destruction du Second Temple), notamment :

  • la Table des pains (ou Table des pains de proposition) : table en bois recouverte d’or sur laquelle étaient placés douze pains sans levain (cf Exode 25, 30 – Exode 35, 13 – Exode 39, 36 – Lévitique 24, 6),
  • la Menorah : chandelier à sept branches en or,
  • ou encore l’Arche d’alliance.

La Table des pains fait bien sûr penser à la table de la Cène du Nouveau Testament : son symbolisme (et celui du nombre 12) évoque le Graal.

Ce supposé trésor des Cathares a alimenté les plus folles rumeurs en France, mais aussi en Allemagne, en particulier durant l’entre-deux-guerres.

Les recherches effectuées par les nazis

otto rahn quête du graal

Otto Rahn, écrivain et archéologue allemand (membre de la SS de 1936 à 1939 avant d’en être exclu et « suicidé ») est connu pour ses recherches sur le Graal et les Cathares. Il se fonde en particulier sur les recherches du français Antonin Gadal, grand amateur de gnose cathare, spiritualité qu’il assimilait au Graal.

Gadal et Rahn se revendiquaient du « courant du Graal », ou « fraternité du Graal », liée à différents courants ésotériques (notamment les Rose-Croix). Ils se croyaient les continuateurs et les gardiens du Graal, dans le sillage des Cathares disparus.

Dans les années 1930, Otto Rahn effectue plusieurs voyages en Ariège et visite nombre de grottes (notamment celle de Lombrives). Il considère Montségur comme le véritable château du Graal, équivalent du Munsalwäsche (Montsalvat) de la légende de Parzival de Wolfram von Eschenbach (voir plus haut).

Selon lui, l’oeuvre Parzival est directement inspirée de la véritable histoire des Cathares, puisque son auteur avait affirmé qu’elle lui avait été transmise par un poète et troubadour cathare (Kyot, parfois assimilé à Guyot de Provins).

Pendant plusieurs années, Rahn tente de trouver le Graal, qu’il pense être une ou plusieurs tablettes de pierre gravée (peut-être la Table des pains faisant partie du trésor des Wisigoths, ou une émeraude…), en vain.

Dans son ouvrage Croisade contre le Graal (1933), Otto Rahn soutient que les Cathares étaient les gardiens du Graal, sortes de chevaliers de la Table ronde, en particulier le vicomte Raymond-Roger de Trencavel (1185-1209), une des premières victimes de la croisade contre les Albigeois, qu’il assimile au « vrai » Perceval. Rahn voit les Cathares comme des aryens païens, adorateurs d’un graal-solaire, continuateurs des traditions perdues du royaume de Thulé, peuple des Hyperboréens ancêtres des indo-européens. On retrouve là toute la mythologie aryenne, dans un grand délire mystique.

Otto Rahn n’arrivera pas à apporter la moindre preuve à ses théories, au grand désespoir d’Himmler qui pourtant croyait fermement en lui (et de Karl Maria Wiligut, le « Raspoutine » d’Himmler et chef de la Section de recherches historiques nazie).

Himmler, passionné d’ésotérisme et soucieux de donner une légitimité mythique au nazisme en créant une religion païenne, se déplacera lui-même dans les Pyrénées en 1940 pour continuer l’enquête.

Bien sûr, la plupart des théories d’Otto Rahn ne résistent pas à l’analyse. Rahn cherchait à s’attirer les faveurs des nazis quitte à s’arranger avec la vérité. Une fois démasqué, Himmler a décidé de le punir.

Il peut être intéressant de mettre le destin de Rahn en parallèle avec les valeurs spirituelles du Graal : le Graal symbolise la vérité absolue et l’immortalité, alors que Rahn représente le mensonge qu’il paiera par une mort prématurée…

A noter qu’Otto Rahn a inspiré le film Indiana Jones et la dernière croisade.

Le mystère de Rennes-le-Château et de l’abbé Saunière

Bérenger Saunière

Bérenger Saunière, né en 1852 et ordonné prêtre en 1879, est nommé curé de la paroisse de Rennes-le-Château (Aude) en 1885.

Saunière aurait été missionné par l’intermédiaire de son frère Alfred (proche des milieux mystiques et maçonniques) pour effectuer des fouilles dans son église, cela pour le compte de la comtesse de Chambord, dans le but de récupérer de mystérieux documents demandés par son oncle François-Joseph de Habsbourg (empereur d’Autriche).

Entre 1887 et 1889, la dalle de l’église est déposée, et plusieurs objets semblent avoir été mis au jour : rouleaux de bois, fioles, sculptures de cavaliers et pièces de monnaie. Des manuscrits sont trouvés et envoyés pour examen à Paris à l’église Saint-Sulpice, donnant lieu aux plus incroyables spéculations. S’en suit une période fastueuse pour Rennes-le-Château : hôtes de marque et grands travaux, financés par de curieuses rétributions reçues par Saunière, lequel semble disposer de soutiens de haut niveau.

En 1891, Saunière reconfigure entièrement l’église et le domaine en s’inspirant du symbolisme du jeu d’échecs. La tour Magdala (escalier sombre pour accéder à la lumière) et la serre (escalier lumineux pour descendre dans une pièce sombre) de dimensions identiques, sont construites sur les mêmes emplacements que celui du jeu. Surtout, si l’on relie les initiales des saints qui ornent les murs de l’église en formant la lettre M (pour « Marie-Madeleine »), on obtient le mot GRAAL. Ça et là, des représentations et des rébus décorent l’église, nécessitant une interprétation ésotérique.

Plusieurs hypothèses ont circulé pour expliquer le mystère de Rennes-le-Château, les messages cachés et le supposé trésor de l’abbé Saunière. Parmi elles, la survivance d’une lignée mérovingienne réapparue à l’occasion de la première croisade et qui aurait constitué le noyau fondateur de l’Ordre du Temple, qui serait ainsi devenu le dépositaire d’un secret ou d’un trésor. Le roi Philippe le Bel aurait décidé de liquider les Templiers le 13 octobre 1307 afin d’anéantir cette survivance généalogique au profit des Carolingiens dont il relevait.

Derrière la généalogie de ces Mérovingiens se dissimulerait celle du Christ. Le Jésus historique ne serait pas mort sur la Croix mais aurait eu une descendance. Le trésor de Rennes-le-Château serait donc constitué de manuscrits d’origine templière révélant que les Mérovingiens seraient cette dynastie héritière du Christ.

Ainsi, Jésus aurait été marié à Marie-Madeleine, laquelle serait arrivée en Gaule aux Saintes-Maries-de-la-Mer avec quelques compagnons ainsi que l’enfant de Jésus, secret jalousement gardé par les Cathares et les Templiers, mais aussi peut-être par Léonard de Vinci et les autres adeptes d’une société secrète, le Prieuré de Sion, comme décrit dans le Da Vinci Code (voir plus bas).

Quoi qu’il en soit, la région de Rennes-le-Château (le Razès) aurait été, pendant des siècles, le lieu d’un secret bien gardé, à l’abri des regards de l’Eglise catholique. Comme nous l’avons déjà vu, la région est le carrefour d’une présence juive ancienne, d’une implantation templière (commanderie de Bézu) ainsi que d’une présence cathare (château de Montségur non loin).

Une autre hypothèse, moins alléchante mais plus réaliste, serait que Saunière ait constitué sa richesse grâce à un important trafic de messes.

A noter que Saunière est aussi le nom d’un personnage du Da Vinci Code : Jacques Saunière est le conservateur du musée du Louvre, détenteur du secret du Graal et grand-père de l’héroïne Sophie Neveu.

Lire aussi notre article complet sur l’abbé Saunière et le mystère de Rennes-le-Château.

La légende du Graal à travers les œuvres récentes

Le Graal n’a cessé d’inspirer les auteurs et les réalisateurs de toutes les époques. Voici deux exemples récents parmi les plus célèbres.

Indiana Jones et la dernière croisade

indiana jones et la dernière croisade

Indiana Jones et la Dernière Croisade est un film de Steven Spielberg sorti en 1989.

Les Nazis se lancent en quête du Graal, alliés à Walter Donovan, un riche industriel américain qui essaie de doubler Indiana Jones. Indiana retrouve son père, Henry Jones, qui était lui-aussi sur la trace du Graal.

La scène finale, qui réunit les personnages principaux, se déroule dans un temple du désert abritant le Graal. On y découvre des dizaines de coupes gardées par un vieux chevalier croisé. Une seule coupe constitue le vrai Graal, conférant la vie éternelle. Donovan boit dans la mauvaise coupe et tombe en poussière. Indiana Jones choisit la bonne (la plus simple, en bois, car Jésus était charpentier) et réussit à guérir son père blessé.

Ce film a pour principal intérêt de replonger le spectateur dans l’ambiance de la quête du Graal de l’entre-deux-guerres.

Le Da Vinci Code

dan brown

Parmi les romans les plus célèbres sur le thème du Graal, il y a bien sûr le best-seller Da Vinci Code, de Dan Brown (photo ci-contre). Pour l’auteur, Marie-Madeleine, disciple préférée de Jésus, aurait été sa femme et la mère de son enfant.

Cette thèse se base en particulier sur l’Evangile apocryphe de Philippe, qui présente Marie-Madeleine comme la « compagne » de Jésus, qu’il embrasse sur la bouche :

  • Il y avait trois femmes qui étaient proches du Seigneur : sa mère Marie et sœur et Marie Madeleine, qu’on appelait sa compagne. Évangile selon Philippe, 32
  • Quant à Marie-Madeleine, le Sauveur l’aimait plus que tous les disciples et il l’embrassait sur la bouche souvent. Évangile selon Philippe, 55

Dans son roman, Dan Brown suggère que la société secrète le Prieuré de Sion, créée en 1099 au moment de la première croisade et liée à l’Ordre du Temple, aurait été la dépositaire pendant des siècles du secret du Graal, à savoir qu’il existerait une descendance de Jésus en France. Parmi les membres de cette société secrète : Godefroy de Bouillon, Isaac Newton, Victor Hugo, Léonard de Vinci, Jean Cocteau, etc. Le symbole du prieuré de Sion serait la Rose, symbolisant le sexe féminin et Marie-Madeleine.

Pour Dan Brown, la légende du Saint-Graal est donc celle du sang royal : ce sang est celui de l’alliance de Jésus (appartenant à la Maison de David, donc descendant de Salomon, roi des Juifs) et de Marie-Madeleine (appartenant à la tribu de Benjamin), ayant donné naissance à un enfant : Sarah (voir chapitre 58 du roman).

Le Saint Graal serait donc Marie-Madeleine elle-même, en tant qu’elle porterait en elle la lignée royale de Jésus, transmise en occident pour se mêler au Vème siècle avec celui des Mérovingiens.

Dans son sens large, le Graal serait constitué des reliques de Marie-Madeleine ainsi que des documents sur la vie et la généalogie de Jésus, documents que les Templiers auraient retrouvés enfouis sous le Temple de Jérusalem lors de la première croisade (voir chapitre 60).

L’intrigue du roman est basée sur le fait que le Vatican chercherait à détruire ces documents ainsi que le Prieuré de Sion, afin que le côté divin (non-humain) de Jésus ne soit jamais remis en cause.

Dan Brown soutient en outre que « Saint Graal » serait une déformation linguistique de San Greal, ou Sang Real, c’est-à-dire « Sang Réel » ou « Sang Royal ». Il est vrai que cette association se retrouve dans certains textes de la Renaissance.

A noter que Dan Brown s’inspire très largement d’un autre ouvrage : Le Saint Sang et le Saint Graal, de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln (1982).

Au final, la thèse de Dan Brown est séduisante mais totalement irréaliste. Le Prieuré de Sion est en réalité une organisation créée en 1956 par Pierre Plantard, un personnage fantasque qui aurait versé aux archives, dans les années 1960, des documents falsifiés (les Dossiers secrets d’Henri Lobineau) afin de faire croire à la survivance d’une lignée mérovingienne en France. Plantard se disait lui-même descendant des Mérovingiens.

Surtout, le Da Vinci Code présente l’inconvénient de passer à côté du véritable sens du Graal.

Le Graal : une quête avant tout personnelle

La légende du Graal est née au XIIème siècle, en pleine période de croisade : le Graal est donc associé à la chevalerie, à la quête, à l’aventure et au voyage.

Mais il s’agit d’une quête avant tout personnelle et spirituelle. Cette quête met les chevaliers de la Table ronde (notamment Lancelot et Perceval) face à eux-mêmes : ce sont leurs défauts qui les éloignent du but. Secrètement épris de la femme du roi Arthur (Guenièvre), Lancelot est inapte à retrouver le Graal. Perceval commet lui aussi des péchés qui lui barrent l’accès au Graal.

Le message est clair : l’ennemi est en nous-même. Il faudra plonger en soi pour tenter de comprendre ce qui fait obstacle, et extraire ce qui est impur, sans commettre d’erreur. La quête, c’est précisément ce chemin de transformation personnelle. Un chemin long et délicat, qui consistera à sortir de sa zone de confort et de ses certitudes.

La quête du Graal est exigeante mais la promesse est grande : c’est le salut éternel, qui ne pourra être atteint que par ceux qui présentent une pureté de cœur absolue.

Le chemin de la vie éternelle

Dans la culture celtique, l’ancêtre du Graal est le chaudron magique du dieu Bran (ce nom évoque Bron, le beau-frère de Joseph d’Arimathie selon les romains de Robert de Boron), qui a le pouvoir de relever les morts au combat. Dès le départ, le symbolisme du Graal est donc lié à la guérison et à la résurrection.

Associé à Jésus et à son sang, le message est encore plus clair. Ce qui nous amène directement à évoquer le sacrement de l’Eucharistie.

La coupe de l’Eucharistie

L’Eucharistie (« Sainte-Cène » pour les protestants) est le souvenir et la célébration du dernier repas de Jésus à la veille de la crucifixion. L’Eucharistie est au coeur du rite chrétien.

la cène léonard de vinci calice saint graal

Citons Matthieu 26, 26-28 :

26) Pendant le repas, Jésus, ayant pris du pain et prononcé la bénédiction, le rompit et, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez : ceci est mon corps. »
27) Puis, ayant pris une coupe et ayant rendu grâce, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous,
28) car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude en rémission des péchés. »

C’est ainsi que Jésus institue l’Eucharistie et prononce un discours à ses disciples et notamment le célèbre « Aimez-vous les uns les autres ».

L’Eucharistie (« action de grâce » en grec) symbolise donc le sacrifice de Jésus : le pain et le vin sont assimilés à son corps et à son sang. « Mangez », « buvez » signifie que Jésus s’offre à Dieu et à ceux qui croient en lui ; c’est ainsi que les hommes pourront être sauvés. A noter que le catholicisme parle de transsubstantiation : la transformation du vin en sang du Christ.

L’Eucharistie est donc une véritable communion avec le corps du Christ. Ceux qui mangent le pain (l’hostie), c’est-à-dire ceux qui croient en Jésus, vivront éternellement :

52) Les Juifs se querellaient entre eux : « Comment celui-là peut-il nous donner sa chair à manger ? »
53) Jésus leur dit alors : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous.
54) Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour.
55) En effet, ma chair est la vraie nourriture, et mon sang est la vraie boisson.
56) Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui.
57) De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi.
Jean 6, 52-57

Ainsi, boire le sang du Christ préserve éternellement de la soif (l’attachement, le désir, l’orgueil…) : c’est accéder à la vie véritable, éternelle.

Mais boire dans le Graal n’est pas suffisant. En effet, goûter à l’immortalité n’est pas possible sans opérer une transformation intime. Il faudra, comme le Christ, renoncer à soi-même, lâcher-prise, franchir le mur de feu (la haine, la souffrance, le mensonge) et se laisser traverser par la chose mystérieuse, de la même manière que la Lance a traversé Jésus sur la Croix (on se souvient de la lance perlée de sang évoquée dans Perceval).

La Table du Graal

Dans le récit de Robert de Boron, Joseph d’Arimathie reçoit de Jésus l’injonction de composer une table sur laquelle seront posés le Graal et le poisson péché par Bron. Cette table préfigure la Table ronde du roi Arthur. Ces deux tables rappellent bien sûr la table de la Cène.

Il y a donc trois tables (celle de la Cène, celle de Joseph et celle du roi Arthur), dont le symbolisme est équivalent. Chacune de ces trois tables comporte un siège vide :

  • à la Cène, c’est celui de Judas qui vient de trahir Jésus,
  • à la table de Joseph, le « lieu vide » se situe entre Joseph qui occupe la place du Seigneur, et Bron,
  • à la Table ronde, le siège vide est jugé « périlleux » : ceux qui s’y installent alors qu’ils n’y sont pas prêts seront engloutis dans la terre. La place interdite est donc réservée à ceux qui obtiendront l’agrément de Dieu.

Ainsi, la Table ronde sépare ceux qui, dotés d’un coeur pur, y sont acceptés, et les autres. La Table réunit l’élite de la chevalerie. D’ailleurs, pour Wolfram, le Graal est une pierre qui révèle des inscriptions magiques, validant ou non l’entrée d’un nouveau chevalier à la Table.

C’est aussi une table d’harmonie, de concorde, de fraternité. Les chevaliers de la Table ronde sont avant tout des compagnons, des frères unis par le coeur, et leur comportement est exemplaire. Ils sont les soldats du Christ. Dans Parzival de Wolfram von Eschenbach, la Table Ronde se réunit pour le repas des chevaliers en présence du roi Arthur : alors, toutes les oppositions, les fautes et les rivalités sont pardonnées et effacées.

Au final, Cène, Table du Graal et Table ronde sont des espaces de communion (c’est le sens premier de l’Eucharistie) : c’est là qu’en partageant les agapes et en buvant dans le Graal, l’homme fusionne avec ses pairs et avec le Seigneur.

La Table symbolise l’avènement du Royaume de Dieu : un monde de bonheur de perfection.

Remarque : La table peut aussi symboliser la pierre ronde du tombeau de Jésus, en souvenir de sa mort et de sa résurrection.

La thématique du sang

Nous l’avons déjà évoqué, le sang est omniprésent dans la légende du Graal.

C’est notamment :

  • le sang de l’Eucharistie : le vin que Jésus assimile à son sang, et qui donne accès à la « vie » véritable et éternelle,
  • le sang qui coule de la lance que Perceval voit ressortir de la chambre du Roi-père. Cet objet évoque la Sainte Lance qui a percé le corps du Christ sur la croix, faisant jaillir eau et sang. Ainsi, le sang de Jésus est répandu en sacrifice : il est un don de Dieu pour racheter les péchés des hommes,
  • le sang versé au combat par les chevaliers de la Table ronde, symbole de courage et d’abnégation,
  • le sang de la lignée de Jésus, qui, selon certaines théories présentées plus haut, se transmet par l’intermédiaire de Marie-Madeleine. C’est le Sang Real, ou Sang Royal de la Maison de David.

Sur le plan spirituel, l’exemple de Jésus invite au sacrifice de soi-même. Verser son sang, c’est renoncer à soi-même, à son orgueil et à ses illusions. C’est sacrifier son ego. C’est faire don de soi, c’est se laisser traverser par la haine pour la dissoudre. C’est bien cela qui donne accès à la vie éternelle puisque par son sacrifice, l’homme s’offre aux autres, à la Nature, à l’universel, à l’éternel : il ne se voit plus comme un être séparé du monde, il fusionne avec le Tout, pour toujours.

Alors Jésus dit à ses disciples : Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge de sa croix, et qu’il me suive.  Matthieu 16, 24

C’est de cette manière que s’ouvre la voie de l’éternité : en fusionnant avec le Tout, l’homme éveillé devient invincible, immortel. C’est donc le sang versé qui, paradoxalement, donne la vie éternelle. Et le Graal, dont la fonction est justement de conserver le sang versé de Jésus, est le symbole de la vie qui se renouvelle, qui continue et qui ne meurt jamais.

Le chaudron celte relève les morts. Jésus ressuscite. Le Phénix renaît de ses cendres. Maître Hiram (dans la mythologie maçonnique) se relève plus radieux que jamais.

Le sang, c’est donc la vie, et surtout le fait de ne plus avoir peur de la mort. Tenir dans sa main la coupe du Graal, c’est s’initier à la Vie, c’est comprendre le principe de son éternel renouvellement, c’est donc accepter son destin (et la mort) en même temps que la Loi cosmique.

Lire aussi notre article sur le symbolisme du sang.

Une « potion magique »

Nous avons déjà évoqué la légende celtique du chaudron magique de Bran, qui a le pouvoir de ressusciter les morts. Ce chaudron semble être, pour les auteurs du Moyen-Age, l’ancêtre du Graal.

De même, dans la mythologie irlandaise, Dagda est le dieu des druides, du sacré et de la science ; parmi ses talismans, il y a le chaudron d’abondance (symbole de prospérité, de nourriture inépuisable mais aussi de connaissance sans limite) ainsi que la massue qui tue et relève les morts.

On trouve aussi dans la littérature celtique un troisième type de chaudron : c’est le chaudron sacrificiel, dans lequel le roi déchu se noie (dans le vin ou la bière) en même temps qu’on met le feu à son palais lors de la dernière fête de Samain de son règne.

Bien sûr, ces trois chaudrons évoquent directement le symbolisme du Graal.

De manière générale, boire dans ce récipient, c’est bénéficier de pouvoirs supérieurs, notamment la guérison, la force et la vie éternelle. Comment ne pas penser à la potion magique d’Astérix et Obélix ?

A présent, tentons d’approfondir le sens caché du Graal.

Le Graal et sa signification ésotérique : interprétation

Au-delà de la légende et des traditions, le Graal peut faire l’objet d’une interprétation ésotérique qui ouvrirait à la gnose, ou « connaissance parfaite ».

On trouvera sans doute là la signification la plus profonde du Graal.

Voici quelques pistes d’analyse.

Le Graal : un objet à caractère passif ?

En tant que récipient, le Graal est un objet à caractère passif, puisque destiné à recevoir quelque chose. Ce peut être un liquide, ou une hostie qui réactive son pouvoir (Wolfram), ou encore l’intention, la plus pure possible, de celui qui le tient entre ses mains.

Dans les écrits médiévaux de Robert de Boron, le Graal ne brille que si celui qui le tient en main (en l’occurrence Joseph d’Arimathie) a foi en Dieu. La clarté émane donc de celui qui se montre digne de posséder le Graal.

Le caractère passif ou féminin du Graal s’exprime encore à travers la légende de Marie-Madeleine, la supposée femme de Jésus et mère de ses enfants.

Ainsi, le Graal est yin : il exprime le principe passif de la création, la force vitale chaotique, désorganisée et inconsciente qui a vocation à être ordonnée par le yang, le principe masculin, symbolisant le message de Jésus compris, la conscience pleine et entière, la clairvoyance, la révélation, etc. Le Graal serait donc un réservoir de conscience enfouie, qui ne demande qu’à être activée.

Lire aussi notre article sur le symbolisme du yin et du yang.

Le symbolisme de la coupe

Le Graal est bien sûr indissociable du symbolisme de la coupe.

La coupe peut évoquer :

  • la demi-sphère : elle peut être associée au croissant de Lune, principe féminin et passif (voir schéma plus bas) qui reçoit par le haut l’influence active du Ciel. La sphère complète peut quant à elle évoquer l’œuf du monde qui contient tout,
  • le cercle (la partie circulaire de la coupe) : symbole du domaine de l’Esprit exempt de toute dualité,
  • le point central : c’est le centre du monde, le coeur, la Grande Source, l’Arbre de vie, ou encore le Saint des saints,
  • la barque : dans les textes médiévaux, le Graal est le veissel, vase ou vaisseau,
  • ou encore la souveraineté : c’est par exemple la coupe royale celtique.

Ainsi, boire dans la coupe du Graal, c’est boire à la Grande Source, c’est s’inscrire dans la tradition, c’est se soumettre à la Loi divine. C’est s’ouvrir à la Connaissance et obtenir la révélation.

Remarque : Dans Matthieu 20, 22, Jésus demande : Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire ?

Le Graal et son symbolisme alchimique

L’analyse alchimique du symbolisme du Graal est particulièrement éclairante à plus d’un titre.

D’abord, le Graal en tant que chaudron magique peut être associé à l’Athanor (le four alchimique) : soumis au feu de la cuisson, il rappelle le Grand Oeuvre alchimique, processus de transformation intime visant à extraire la quintessence de l’être. Notons qu’en alchimie taoïste, le corps humain est le chaudron où s’élabore l’élixir d’immortalité.

D’autre part, en alchimie, le Graal peut être associé :

  • à l’élément Terre : la Terre (la matière, le corps humain) contient en elle toutes les forces supérieures bien que de manière indissociée et amalgamée. Or le processus alchimique a pour but de libérer les forces contenues dans la Terre, à savoir le principe vital (l’Eau) ainsi que le principe ordonnateur (le Feu divin), avant de les réintégrer pour donner naissance à l’être nouveau,
  • à l’élément Eau, en tant que liquide qui remplit la coupe. L’Eau (le Mercure, l’Eau-vive, le vif-argent) est le symbole de la force vitale spontanée. L’Eau évoque l’innocence, l’inconscience aussi (on peut s’y noyer ou s’y révéler), l’immortalité et la jeunesse éternelle. En alchimie, l’Eau est aussi le Sang dans le sens où cette eau contient le principe supérieur, ordonnateur, à savoir le Feu qu’il conviendra d’identifier et d’extraire.

Ainsi, le Graal est le réceptacle de toutes les forces de l’univers :

Le Graal : symbolisme en alchimie et ésotérisme

D’autre part, il faut évoquer un point de convergence majeur entre la tradition alchimique et la légende du Graal, à savoir la Table d’Emeraude. La Table d’Emeraude est l’un des textes fondateurs de l’alchimie, attribué selon la légende au dieu Hermès Trismégiste. Cet écrit daterait de l’Antiquité gréco-égyptienne et serait arrivé en occident au Xème siècle par l’intermédiaire des Arabes. Selon les alchimistes, ce texte recèle le secret de l’existence : le comprendre, c’est « toucher le Graal ».

Or il se trouve que plusieurs éléments plaident pour une correspondance entre la Table d’Emeraude et le Graal :

  • L’émeraude. Selon la légende, Hermès Trismégiste aurait fait graver son texte sacré sur une tablette d’émeraude (d’où le nom du texte), qu’il aurait déposée dans sa tombe avant de s’élever au ciel. Or l’émeraude est aussi la matière dans laquelle a été taillé le Graal selon certains écrits du cycle arthurien (voir plus haut),
  • Le texte de la Table d’Emeraude parle d’un « telesme », mot traduit de l’arabe signifiant « talisman », autrement dit un objet aux vertus magiques. Cela ne rappelle-t-il pas le Graal ?

Enfin, on peut établir un parallèle entre le Graal et une autre pierre sacrée : la Pierre philosophale (cliquez pour lire l’article).

Parallèle avec le sceau de Salomon

Sur le plan ésotérique, le sceau de Salomon (étoile de David) peut être vu comme la superposition de deux triangles alchimiques :

  • le triangle debout symbolise le Feu : le principe masculin, ordonnateur, actif,
  • le triangle inversé symbolise l’Eau (principe féminin passif).
Sceau de Salomon Eau et Feu

Tentons l’analyse suivante :

  • le triangle du Feu peut évoquer une lame, la Sainte lance, ou la lance perlée de sang telle que décrite par Chrétien de Troyes. Cette lance, principe actif, fait couler le sang : elle est un test pour mesurer la capacité à se sacrifier. Car c’est la mort physique qui pourra ouvrir le Royaume de Dieu,
  • le triangle de l’Eau peut évoquer la forme du calice destiné à recevoir le sang (cette représentation évoque aussi le symbole du coeur, pointe en bas). Ainsi le sang ne coule pas en vain. Il est recueilli et « relevé » pour donner l’entrée effective du Paradis.

Ainsi, l’union des deux triangles évoque une complémentarité décisive, celle de la lance et du Graal.

Par ailleurs, le sceau de Salomon est souvent présenté comme le symbole de la correspondance entre le microcosme (l’homme) et le macrocosme (Dieu, le monde) : le Graal divinise l’homme.

Il peut encore être vu comme la rencontre de l’immanence (le vase qui contient son principe supérieur en lui-même, et qui ne demande qu’à être révélé) et de la transcendance (le principe supérieur en tant que tel).

D’autre part, pour certains alchimistes, le sceau de Salomon évoque phonétiquement :

  • le « Sel du mont » : le Sel est la force coagulante de la terre. Le Sel du mont est donc la terre figée, mais qui reçoit la force provenant des hauteurs, du Ciel, ce qui rappelle le potentiel d’ouverture du Graal,
  • le « sein du monde » ou le « sang du monde » : on en revient à la thématique du sang contenu dans le Saint Calice.

Enfin, le sceau de Salomon évoque la Maison de David (dans la Bible, le roi Salomon est le fils de David) et donc la lignée de Jésus : on retrouve là encore le sang du Christ.

Lire aussi notre analyse complète du sceau de Salomon.

Le Graal, un trésor spirituel

Saint Calice, pierre ronde, émeraude, Table des pains, Arche d’alliance, livre, évangile secret, généalogie de la descendance de Jésus : les hypothèses sur la nature du Graal sont nombreuses. Reste qu’à l’origine, Graal signifie « vase » ou « récipient » : c’est le sens qu’il faut retenir.

Le Graal est une invitation : une invitation à être « rempli », c’est-à-dire sur le plan symbolique à prendre conscience, à discerner, à sortir des ténèbres et de l’illusion. Le Graal symbolise la recherche de l’absolu, de l’universel : sa demi-sphère ouvre sur le Royaume de Dieu.

Mais le chemin promet d’être long et difficile. Le Graal est une quête de tous les instants, qui invite à une transformation profonde de soi-même et à une renaissance initiatique. La « vision du Graal » sera, comme pour Perceval, l’aboutissement de cette incroyable quête spirituelle.

Toucher le Graal, le voir s’éclairer, c’est entrer dans un nouvel univers, un monde de paix et de joie éternelle. Toutes les blessures, physiques et spirituelles, seront guéries. Un recentrage s’effectuera, scellant une nouvelle alliance avec Dieu.

Une nouvelle alliance avec Dieu

Dans les récits de Chrétien de Troyes et de Wolfram von Eschenbach, Perceval est décrit comme détourné de Dieu, voire en colère contre lui car il ne lui a pas soufflé la question décisive à poser au Roi-pêcheur.

C’est sa rencontre avec l’ermite Trevrizent qui lui fait comprendre que Dieu ne peut accorder sa bonté qu’à ceux qui renoncent à eux-mêmes et se soumettent à lui. L’histoire d’Abel et Caïn est citée comme exemple de la « Chute » et du caractère décentré des hommes. L’ermite libère finalement Perceval de sa haine contre Dieu.

Trouver le Graal, c’est donc choisir la voie de la pénitence en vue de rétablir l’alliance avec Dieu (donc avec soi-même, puisque l’homme est fait à l’image de Dieu). Il s’agit de reprendre sa vraie place au monde en faisant preuve d’humilité et en acceptant son destin.

Là-encore, cette nouvelle alliance avec Dieu rappelle l’Eucharistie : Jésus se livre en sacrifice et propose aux hommes de fusionner avec lui.

A ce titre, le Graal rappelle aussi le symbolisme de l’Arche d’alliance, ce coffre qui contient les Tables de la Loi (dont le respect garantit l’alliance avec Dieu), placé dans le Saint des saints du Temple de Salomon.

D’une certaine manière, le Graal constitue le Saint des saints. Tenir le Graal dans ses mains et boire son liquide, c’est accueillir Dieu en soi, c’est fusionner avec lui.

Retrouver son être originel

La quête du Graal invite à trouver en soi l’homme originel, à l’image de Dieu. Nous l’avons dit, il s’agit d’opérer une transformation intime, qui rappelle entre autres le principe et le but de l’alchimie spirituelle.

L’individu de départ vit dans un monde illusoire, fait de croyances, de passions, de préjugés et de fausses certitudes, dues en particulier à son orgueil.

Auto-centrés, nous croyons détenir la vérité, nous nous pensons libres et autonomes. Cette illusion est principalement due à notre attachement à la matière (le corps, l’ego).

Or, la quête du Graal consiste à faire le deuil de cette partie de nous qui fait écran à la partie universelle, illimitée et éternelle de notre être.

Ainsi, le péché originel d’Adam et Eve doit être corrigé (c’est d’ailleurs la raison de la venue de Jésus sur Terre) : il faudra retrouver notre état primordial, innocent, spontané, heureux, tout en étant consciemment uni à Dieu. Alors s’ouvrira le Royaume de Dieu, qui ne doit pas être vu comme un Paradis lointain et inaccessible, mais comme un Paradis qui existe « au-dedans de nous » (Luc, 17, 20-24).

Partir à la quête du Graal, c’est donc tenter de retrouver le Paradis perdu qui existe en nous.

Le sens du devoir. L’Amour

Perceval, en s’abstenant de poser la question essentielle au Roi-pêcheur, interprète mal son devoir. Il croit bien faire en gardant le silence, mais il passe à côté de l’essentiel. Il aurait dû écouter son coeur et s’intéresser à la souffrance de ses hôtes.

Comprendre son devoir, c’est là encore instaurer un juste rapport à Dieu. Conscience et clairvoyance seront nécessaires.

Quel est notre devoir ? C’est celui d’aimer, d’écouter la souffrance, de se sacrifier (de verser son sang) pour les autres. Le sacrifice consiste à renoncer à soi-même : c’est franchir le mur de feu comme Jésus a osé le faire. L’Eucharistie nous le rappelle.

Ainsi, l’accomplissement du devoir, qui passe aussi par le fait d’accepter son destin, ouvre le chemin de la vie éternelle.

C’est dire que le Graal est peut-être tout simplement le chemin du coeur.

Approfondissez vos connaissances sur la légende du Graal avec les ouvrages suivants :

  • Perceval ou le Conte du Graal, de Chrétien de Troyes. Célèbre conte du Moyen-Age, premier écrit à évoquer le Graal et ses mystères.
  • Merlin, de Robert de Boron. Ce roman médiéval (autour de 1200) éclaire l’origine de la Table ronde, après l’arrivée du Graal en occident. Merlin l’Enchanteur est le prophète du Graal.
  • Les Cathares et le Graal, de Michel Roquebert. Une plongée dans le catharisme et ses possibles liens avec le Graal.
  • Croisade contre le Graal, d’Otto Rahn. Cet ouvrage du sulfureux écrivain et archéologue nazi Otto Rahn évoque les liens supposés entre les Cathares et le mystère du Graal.
  • Dictionnaire des symbolesde Gheerbrant et Chevalier. Avec ses 1600 articles, cet ouvrage est une référence dans l’étude des symboles. Voir les articles « coupe » et « chaudron ».
  • Da Vinci Code, de Dan Brown. Un best-seller incontournable pour sa célèbre thèse sur Marie-Madeleine et la descendance de Jésus.

Une autre énigme : les reliques de la Croix de Jésus

Parmi les énigmes les plus passionnantes de l’histoire, il y a celle des reliques de la Croix de Jésus.

La Croix, qui a été découverte sur les lieux du Saint-Sépulcre en l’an 326 par l’impératrice romaine Hélène, a été divisée en différents fragments, dont les principaux se sont perdus au fil des siècles, en particulier lors de la bataille de Hattîn (1187) et lors de la Révolution française (1794).

Dans son roman Esther Jones et les 7 secrets de la Croix, Adrien Choeur évoque l’énigme des reliques de la Croix.

Voir Esther Jones et les 7 secrets de la Croix, d’Adrien Choeur.

Texte complet de cet article à retrouver sur :

Le Graal Adrien Choeur

Découvrez ou redécouvrez l’histoire du Graal, sa mythologie, sa signification et son symbolisme.

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Modif. le 10 octobre 2024

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