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La langue des oiseaux (planche maçonnique)

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La langue des oiseaux : planche maçonnique. D’où vient le langage des oiseaux ? En quoi consiste-t-il ? Quel sens ésotérique ? Définition et exemples.

La langue des oiseaux, ou langage des oiseaux, est une pratique ésotérique ancienne qui consiste à détourner le sens des mots par homophonie ou à déceler le sens spirituel caché de certains mots.

Ce serait donc le langage des initiés, notamment celui des alchimistes au Moyen Age et à la Renaissance.

Voici quelques exemples simples de la langue des oiseaux :

  • lunettes : lu net
  • tumeur : tu meurs
  • la matière : l’âme à tiers
  • passage : pas sage
  • apprentissage : apprenti sage
  • la mort : l’âme hors
  • démarche : dé marche (marche inverse)
  • ange : en je
  • commun : comme Un
  • l’incompris : l’un compris
  • satire : ça tire
  • maladie : mal a dit
  • serment : sers m’en
  • terrien : t’es rien
  • etc.

La langue des oiseaux permet aussi une interprétation de certains mots lettre par lettre afin d’en tirer la signification cachée. Par exemple le mot « MORT » :

  • M se prononce « aime »
  • O renvoie à l’élément alchimique Eau,
  • R renvoie à l’élément alchimique Air,
  • T renvoie à l’élément alchimique Terre
  • notons que le Feu est absent, du fait précisément de la Mort…

La langue des oiseaux permet plus généralement d’attribuer un double sens à certains contes ou comptines.

Voici quelques éléments sur l’origine et le sens profond de la langue des oiseaux à travers cette planche maçonnique au 1er degré.

Lire aussi notre article sur la parole perdue

L’origine de la langue des oiseaux n’est pas parfaitement connue, mais il existe des indices à ce sujet.

Maudits ! Maudits ! Vous serez tous maudits jusqu’à la treizième génération de votre race !

C’est la malédiction qu’aurait prononcé sur le bûcher de l’île aux Juifs à Paris, Jacques de Molay, dernier Grand Maître de l’Ordre du Temple, à l’encontre du roi de France Philippe le Bel, du pape Clément V, de Guillaume de Nogaret, conseiller et garde du Sceau.

Le vendredi 13 octobre 1307 (l’opinion gardera en superstition le vendredi 13) voit l’arrestation des templiers sur ordre du roi de France. Le 19 mars 1314, l’Ordre du Temple est définitivement éliminé. Les Maîtres des fraternités de bâtisseurs lancent alors sur l’ensemble des chantiers, ce que la tradition compagnonnique nommera la grande grève des cathédrales. Plus aucune église ou chapelle ne sera construite dans les règles de l’art : le Gothique vrai cesse, il devient l’Ogival, le Flamboyant qui n’est plus qu’un dévoiement dans la virtuosité.

La disparition des Templiers qui avaient protégé les fraternités de constructeurs laissera les adeptes de la vieille science face à leurs impitoyables ennemis.

Pour évoquer la langue des oiseaux, deux périodes sont donc à considérer :

  • avant la grève, avec la langue des oisons, probablement nommée ainsi en raison de la patte d’oie de drap rouge que portaient sur l’épaule gauche encore en 1730 ces constructeurs de cathédrales, les « pattés ». Ces bâtisseurs utilisaient sur les chantiers un jargon permettant de conserver les techniques ancestrales de la « Fabrique »,
  • après la grève, à cause de l’Inquisition, la langue des oisons se mue en langue des oiseaux. Elle entre dans la clandestinité et devient la langue des initiés. Elle gagne en complexité, en subtilité, afin de ne pas attirer la censure et l’anathème du clergé. Alors, les mots se chargent de sens doubles, deviennent plus savants, permettant de diffuser des informations et d’aiguiser les sens tout en les déguisant pour ne pas éveiller de soupçons.

La langue des oiseaux doit probablement son nom à son caractère volatil et aérien autant qu’au symbolisme de l’oiseau considéré de tout temps comme l’intermédiaire entre les hommes et les dieux ; cet oiseau qui siffle des mélodies, des musiques à l’oreille des hommes qui n’en perçoivent pas le sens caché.

Tout comme l’oiseau, cette langue est celle de la liberté de la parole et des sons, liberté de la forme et du sens, la langue de l’ouverture et des jeux de l’esprit.

Elle est, dans les deux acceptions du terme, une langue spirituelle.

Certains auteurs de sensibilité créationniste croient et affirment que la langue des oiseaux fut la langue primordiale que Adam aurait utilisée pour nommer les animaux, définir les caractéristiques des êtres et des choses créées.

Au-delà du mythe, il est probable, qu’à l’origine, le langage ne fut pas articulé. En effet, si l’homme a pu parler, s’il a pu trouver sa voix, c’est aussi parce qu’il s’est redressé, ce qui a eu pour conséquence d’abaisser son larynx dont la position haute ne permet pas la production de phonèmes stables.

Ainsi, ce langage aurait évolué, constitué dans un premier temps de consonnes pour se structurer ensuite par l’adjonction de voyelles (toutes contenues dans l’oiseau), que des langues comme l’Hébreu ou l’Arabe n’écrivent pas.

Il semblerait que la langue des oiseaux était pratiquée, dès l’Antiquité, par les devins. Mais c’est surtout au Moyen-âge qu’il prend son envol, circulant grâce aux ménestrels, trouvères et troubadours.

Cette langue s’était déliée aussi du temps des Cathares (les Parfaits), en pays d’oc, région où ce mouvement chrétien médiéval s’amplifia. Ils étaient considérés par l’église catholique romaine comme des hérétiques et subirent, eux aussi, une violente répression armée en 1208 lors de la croisade contre les Albigeois.

C’est donc dans la clandestinité que le catharisme continua de se propager. Posons-nous un instant sur cette terre occitane prédisposée à la libre pensée, à la tolérance et à l’hospitalité, le temps de dire ces quelques vers extraits d’une des plus célèbres chansons au titre mystérieux : Se canto que canto

« Devant ma fenêtre, Il y a un oiseau
Toute la nuit il chante, Il chante ce qu’il chante,
Il ne chante pas pour moi, Il chante pour ma mie
Qui est loin de moi… »

« Dejoust ma fenestra, Y a un aouselou
Touto la neit canto, Se Canto, que canto
Canto pas per yèou, Canto per ma mio
Qu’es al leng de yèou … »

Cette ancienne chanson attribuée à Gaston Phébus, considérée comme l’hymne de l’Occitanie, est un texte codé, un texte dont la clé est livrée dès la deuxième ligne. Il s’agit d’une chanson rédigée en langue des oiseaux, donc une chanson à double sens.

Nous sommes en présence d’un oiseau mystérieux dont on nous dit « qu’il chante ce qu’il chante ». Mais que chante-t-il ? Il est d’autant plus mystérieux qu’ il chante toute la nuit. Or, l’un des rares oiseaux qui se fasse entendre la nuit, est le rossignol dont le chant est aussi mélodieux que son plumage est terne. Autant dire que c’est un oiseau qui cache son jeu.

Cette chanson nous entretient de la nuit noire de la répression. Le rossignol (le troubadour, le trouveur) chante la passion des Cathares persécutés. Il chante d’une manière symbolique de façon à n’être compris que de ceux à qui s’adresse ce texte.

Il chante pour ma mie qui est loin de moi, c’est-à-dire pour la Dame qui se trouve au loin, l’Eglise Cathare en exil.

Ainsi fonctionnait la langue des oiseaux, encore appelé Langue de Dieu, Langue des Anges, Langue verte, Gay Saber, Gay Science ou Cabale phonétique.

Cette langue fut employée par les trouvères, poètes et compositeurs médiévaux issus de la noblesse de langue d’oil et les troubadours (de l’occitan trobador), le « trouveur » étant un compositeur, un poète et un musicien médiéval de langue d’oc.

Ces poètes de la Langue des dieux sont vraisemblablement les héritiers de cette langue sacrée liée à la poésie hermétique d’Hermès, messager des dieux grecs et patron des phénomènes cachés, appelé Mercure dans la mythologie romaine.

D’Hermès à Mercure nous retrouvons les alchimistes qui employaient cette langue des oiseaux ou « Langue verte » pour communiquer entre eux dans un langage codé, évitant ainsi de se faire emprisonner ou tuer par les « bonnes âmes » de l’époque qui les accusaient parfois de pratiques suspectes. Ils ne cultivaient pas le secret par plaisir sachant que la discrétion était indispensable à leur sécurité.

La langue des oiseaux ne s’est pas cantonnée aux seuls alchimistes, bâtisseurs de cathédrales, Cathares ou autres persécutés.

Sa force de communication était telle qu’elle a également pénétré les couches sociales les plus populaires de la société médiévale.

C’est une véritable langue reposant aussi sur la lecture phonétique des rébus et sur la connaissance de l’argot. C’est celle qui permet de déchiffrer les figures symboliques.

Un des exemples les plus classiques de la langue des oiseaux est celui des auberges « Au Lion d’or » ou « Au Cochon d’or »… parce qu’au lit on dort, ou qu’à l’arrêt, « au coche », on dort. Cette pratique ayant trait aux emblèmes tirerait son origine des voyageurs de l’époque qui ne savaient ni lire ni écrire, et qui, afin de savoir où trouver l’auberge, étaient renseignés par la représentation emblématique d’un lion ou d’un cochon doré. Il en était de même pour l’échoppe de l’épicier arborant un « épi scié », pour ne citer que ces exemples.

L’argot est un vocabulaire ou une somme d’habitudes de langage propres à un milieu fermé, dont certains mots passent dans la langue commune.

S’appuyant sur la loi phonétique, l’auteur du Mystère des Cathédrales (ouvrage traitant d’alchimie), parfois appelé par ses disciples « le Volcan » – un pseudonyme forgé selon certains à partir de Vulcain – Fulcanelli affirme que l’ « art gothique » n’est qu’une déformation orthographique de « argotique » et que la cathédrale est une œuvre d’argot, un langage propre aux initiés sans être compris des autres à moins qu’ils puissent être initiés à leur tour.

Les francs-maçons ont eux-aussi un langage propre, secret, qui ne doit pas rester exposé au regard des profanes. La langue des oiseaux ne serait-elle pas au cœur des rituels maçonniques ?

André Isaac, plus connu sous le nom de Pierre Dac, initié franc-maçon en 1946 était le pur produit d’un langage populaire, d’un jargon, l’argot, dont l’existence est attestée dès le XIIIe siècle. Pierre Dac était aussi le fondateur de « L’os à moelle », publication humoristique au nom inspiré de François Rabelais, subtil adepte de la langue des oiseaux. C’est sous le pseudonyme anagrammatique de Alcofribas Nasier qu’il publia Pantagruel, ouvrage dans lequel il écrivit ceci :

Seul celui qui connaît la Langue des Oiseaux pourra comprendre mes livres comme le chien cassera l’os pour en trouver la substantifique moelle.

L’auteur de Gargantua – « …que grand tu as le gosier » – était passé maître dans l’art d’éclater les mots, de les disséquer. Homme de lettres talentueux, il aimait jouer avec elles à telle enseigne que dans Pantagruel, les personnages de Grand Gousier, Gargame, Gargantua tiraient leurs initiales de la lettre « G », peut-être un lien avec la Gnose qualifiée de conscience par l’auteur de Pantagruel.

Nombreux sont les auteurs qui se sont aussi exprimés dans cette langue des oiseaux pour masquer la dimension ésotérique de leurs œuvres.

La langue des oiseaux recouvre aussi un ensemble de procédés qui permettent d’entendre autrement les sons, les mots et les expressions afin d’en faire émerger le sens secret.

Traits d’esprit et jeux de mots égayaient les salons de la société française du XIXe et du début du XXe siècle. Ces divertissements utilisaient les homonymes, les anagrammes, les palindromes, ces mots renversants tels que ressasser ou rêver qui se lisent et se comprennent indifféremment de droite à gauche ou de gauche à droite.

Mais aussi les mots de Janus, ces mots à « deux visages », l’un tourné vers l’arrière, l’autre vers l’avant, comme : « sucer » et « reçus » ou encore « casser » et « ressac » qui, eux, n’ont pas la même signification.

Sachons aussi qu’au XXe siècle, la langue des oiseaux acquiert une dimension psychologique, avec les travaux de Carl Gustav Jung ou de Jacques Lacan, qui y voient un codage inconscient permettant d’amplifier le sens des mots et des idées.

Ce dernier a démontré que sous les jeux de mots s’exprime l’inconscient qui choisit de passer des messages, ce que l’on pourrait traduire par cette formule : « quand le message se crée (secret) ».

La langue des oiseaux c’est aussi celle de la métaphore et de la ressemblance quand elle nous renvoie aux oiseaux migrateurs. Ainsi, les oies sauvages, au vol typique en « V », en formation « Delta », offrent un spectacle qui suscite à la fois contemplation et questionnement. Ces oiseaux bénéficieraient selon certains, d’un repérage cosmique par rapport aux étoiles.

Sachons aussi que l’oye rappelle ce jeu d’initié en forme de spirale qui s’apparente au chemin de Compostelle, aussi un jeu de mots pour signifier l’ouïe, le fait d’écouter, d’entendre, dans le silence de l’apprenti… sage.

Voilà qui nous conduit, clopin-clopant, dans une marche hésitante au pas de l’oie dont le nom commun est la claudication. On pense à la boiterie de la marche du postulant, un pied bien chaussé et l’autre en pantoufle. On peut aussi s’interroger sur cette marche à trois pas de l’Apprenti qui le renvoie au trépas (par les trois pas) du « vieil homme », au « bien naître » (bien-être) de l’homme nouveau.

De la marche de l’apprenti à celle que nous avons effectuée jadis « à cloche-pied » en cour de récréation, il n’y a que quelques pas à franchir. L’enfant, qui après avoir tracé à la craie, sur le sol, un tableau qui ressemble étrangement au plan d’une église (signe d’un itinéraire spirituel) doit partir de la Terre et atteindre le Ciel (en évitant l’enfer), en passant par sept cases numérotées, au moyen d’un caillou qu’il doit lancer dans chaque case et récupérer à chaque étape.

Ce jeu, c’est la marelle, qui, en langue des oiseaux, désigne la mère de Dieu : Mare El.

Le caillou qui permet d’évoluer dans ce parcours initiatique, pourrait bien être la pierre philosophale des alchimistes ou encore la pierre brute

Pour aller plus loin :

livres maçonniques

Modif. le 9 septembre 2024

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