La justice : définition philosophique. Qu’est-ce que la justice ? D’où viennent les injustices et comment les réparer ? Peut-on arriver à un monde juste ? Voici une approche philosophique et spirituelle de la justice.
La justice est un principe moral, qui touche au bien, aux valeurs sociales et au droit. Mais c’est aussi un sentiment individuel, susceptible de varier fortement d’une personne à l’autre. Le sentiment d’injustice est intimement lié à la souffrance, laquelle peut entrainer un désir de réparation ou de vengeance.
Précisément, la justice en tant qu’institution sociale s’oppose à la vengeance, à la colère et à la haine. Elle cherche au contraire la diminution de la violence : elle favorise la paix et le retour à l’équilibre, au service du vivre-ensemble. A ce titre, la justice « sociale » complète la justice « légale ».
La justice est le socle de nos sociétés. Pourtant, l’injustice est partout, dès la naissance, puis à l’école, au travail, dans tous les aspects de la vie et même jusqu’à la façon dont on meurt. Les inégalités sont terribles, criantes. Les comportements déviants, irrespectueux ou violents ne sont pas toujours sanctionnés. Les lois ne sont pas toujours justes. L’institution judiciaire elle-même commet des erreurs… Bref, la justice n’est pas de ce monde.
En réalité, la justice est un idéal plus qu’une réalité. C’est la raison pour laquelle certains se livrent à une lutte sans fin pour tenter de faire reculer les inégalités, le racisme, le sexisme, l’impérialisme ou encore la prédation économique.
La justice en tant que telle reste inatteignable. Et quand bien même cet idéal serait atteint, il resterait toujours des gens pour estimer qu’ils ont été victimes d’injustice…
Tentons une définition philosophique de la justice.
La justice : définition philosophique.
La justice peut être définie comme la recherche de la conformité au bien, aux valeurs sociales et au droit. La justice est aussi l’institution qui garantit cela en appliquant les lois et en rétablissant l’ordre social, y compris par la sanction.
La justice est donc avant tout un phénomène social, un principe de vivre-ensemble tendant à l’équilibre et à l’harmonie entre les hommes.
Sur un plan plus philosophique, la justice est la recherche du bien, du beau et du vrai : c’est le raisonnement juste, parfait, idéal au sens platonicien. Autrement dit, c’est la recherche de la vérité.
Mais la vérité est-elle atteignable ? Celui qui pense avoir atteint la vérité ne sombre-t-il pas dans l’intolérance, le fanatisme… et donc l’injustice ?
D’où viennent les injustices ?
La justice questionne notre rapport au monde et à nous-même.
Force est de constater que nous voyons l’injustice partout, surtout lorsque nous sommes concernés. Nous jugeons chaque chose en bien et en mal, en permanence. Nous voudrions que les comportements changent, que les choses soient autrement, plus conformes à l’idée que nous nous faisons de la justice et d’une société idéale, comme si nous étions en capacité de régenter le monde tout entier !
Ainsi, le juste et l’injuste, le bien et le mal, sont des notions relatives. Ce qui est considéré comme juste par l’un sera vu comme injuste par l’autre…
Pourtant, tout l’intérêt du concept de justice est précisément de dépasser ce relativisme : la justice tend à l’universel, elle nécessite de dépasser notre propre individualité pour nous ouvrir aux autres afin d’instaurer une société harmonieuse.
Ainsi, la justice implique par exemple de confier à d’autres, par exemple à des représentants ou à un jury, la capacité à décider de manière collective de ce qui est juste. La justice amène chacun à se mettre en retrait et à renoncer à ses intérêts particuliers pour laisser place à l’intérêt général, afin de laisser émerger les valeurs supérieures : la liberté, l’égalité, la fraternité, l’harmonie, l’équité.
Au final, la source des injustices est en nous-même : c’est notre incapacité à nous extraire de notre propre individualité, à prendre recul, à saisir les causes de ce qui advient. C’est notre inaptitude à comprendre les autres, en premier lieu ceux qui nous semblent différents ou que nous n’aimons pas.
C’est donc notre propre intolérance, notre propre haine et notre propre ignorance qui sont à la source des injustices, celles que nous éprouvons et celles que nous créons.
Le Royaume de la Justice.
Nous l’avons dit, l’injustice nous semble partout présente. Quant aux injustices que nous produisons, nous avons tendance à nous en laver les mains comme Ponce Pilate.
C’est ainsi que Jésus déclare :
Mon royaume n’est pas de ce monde.
Jean, 18- 36
La justice véritable se situerait donc sur un autre plan, à un autre niveau de conscience. La justice se fait alors spirituelle ; elle devient synonyme de compréhension, d’acceptation et de pardon. Elle correspond à la paix de l’âme, à la sérénité ou ataraxie : un état au-delà de toute impression d’injustice, au-delà de toute souffrance, de tout sentiment négatif.
Ainsi, l’entrée dans le monde de la Justice se fait par l’abandon de soi : il s’agit de renoncer à ses jugements, à ses opinions, à ses préjugés pour s’ouvrir à l’autre et à ses raisons, pour s’ouvrir au monde et à son fonctionnement.
La justice au sens spirituel est le constat que tout est en ordre, que chaque chose est à sa place. La justice n’est rien d’autre que la force du destin qui se déploie, autrement dit la réalité telle qu’elle se présente à nous, sans qu’il soit besoin de l’interpréter.
C’est ainsi que l’histoire du monde et de l’humanité expriment l’ordre et la justice :
L’histoire du monde est le jugement du monde.
Johann Christoph Friedrich von Schiller
On l’a compris, la Justice véritable n’est accessible que par l’Esprit, lequel s’exonère alors de tout ce qui peut le relier à la matière : instincts, passions, attachement, ressentiment, colère, regrets, culpabilité, culpabilisation, faux espoirs…
Le monde de la justice évoque dès lors le nirvana de l’hindouisme ou du bouddhisme (la réalité telle qu’elle est, la fin des illusions), tout autant que le Royaume de Dieu du christianisme :
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
Matthieu 5, 6
La justice est aussi la Voie du milieu du taoïsme, autrement dit le tao lui-même :
Si tu fermes ton esprit par des jugements
et te livres à tes désirs,
ton coeur sera troublé.
Si tu apprends à ne pas juger
et n’es pas mené par tes sens,
ton coeur trouvera la paix.
Tao Te King, 52
La Justice est encore l’Amour universel, le principe qui relie toutes les choses, dépassant les oppositions apparentes, réconciliant les contraires supposés.
La justice en philosophie et spiritualité : conclusion.
Il convient de distinguer justice des hommes et justice spirituelle ou « divine ».
La justice des hommes est certes imparfaite, en particulier aux yeux de ceux qui se sentent opprimés ou incompris. L’institution judiciaire tente cependant de répondre à un idéal de vivre-ensemble, d’équité et d’harmonie.
La justice spirituelle consiste quant à elle à accepter la réalité telle qu’elle est, en dépassant tout sentiment individuel pour se fondre dans l’ordre universel, lequel ne peut connaître aucun mal, aucune injustice.
Il existe cependant un point de rencontre entre justice des hommes et justice spirituelle. C’est ainsi que « le bon juge s’applique à condamner le crime sans condamner le criminel » (Sénèque).
La justice en philosophie : parallèles symboliques.
La justice renvoie au symbolisme suivant :
- l’épée : elle symbolise l’arme qui rétablit la paix et la justice de manière tranchante, puissante, définitive. L’épée rend équitable : sa fine lame symbolise la voie juste, la voie du milieu. L’épée exprime aussi le verbe divin, la Vérité,
- la main de justice : symbole du pouvoir judiciaire des capétiens, elle figure une main droite d’ivoire avec deux doigts fermés et trois doigts ouverts. La trinité des doigts ouverts peut représenter l’équilibre ; le pouce était associé au roi, l’index à la raison et le médius à la charité, la Vérité se trouvant sans doute au carrefour des trois,
- la balance : elle représente l’équilibre, la voie juste,
- le bandeau : il exprime l’impartialité,
- la colonne : elle relie le bas (la réalité) et le haut (l’idéal).
Dans la mythologie grecque, la Justice était représentée par la déesse Thémis (ou sa fille Astrée) tenant une balance et un glaive dans les mains, les yeux bandés. Une allégorie largement reprise en Europe à partir de la Renaissance.
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Modif. le 1 juin 2024