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« Je viens de la Loge de Saint Jean »

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« Je viens de la Loge de Saint Jean » : pourquoi les loges bleues sont-elles appelées « loges de Saint Jean » ? De quel Jean s’agit-il ? Explication.

– From whence came you ?
– From the Holy Lodge of Saint John’s.

Voici ce qui apparaît dans le tuilage maçonnique anglais en 1730.

– D’où venez-vous ?
– De la Loge de Saint-Jean.

Voici ce qui apparaît en France en 1745 et subsiste encore dans notre rituel, en question et réponse traditionnelle à l’accueil d’un visiteur.

En Franc-Maçonnerie, nous appelons Loge de Saint-Jean, ou Loge Bleue les ateliers qui travaillent aux trois premiers degrés d’un rite. Les autres ateliers, dits « supérieurs », ont d’autres noms, mais la Loge de Saint-Jean est bien l’appellation la plus symbolique de toutes.

Parlons d’abord du mot « Loge ». Il désigne un local, celui où se réunissaient les ouvriers sur le chantier, où ils rangeaient leurs outils, conservaient les plans, se réunissaient, aussi, pour traiter de l’avancement ou travailler à leur propre perfectionnement.

Notons cependant que les compagnons opératifs n’utilisent pas le terme de « Loge », mais de « Chambre » ou « Cayenne ».

Puis le mot « Loge » a servi à désigner non plus le lieu, mais la communauté humaine qui s’y réunit, comme le terme « bureau » peut désigner, lui aussi, soit le local, soit la structure administrative. Et, pour le local, nous utilisons maintenant le mot « Temple ».

Notons qu’ « Atelier » est un quasi synonyme de « Loge ». Notons aussi que notre Loge est à la fois temporaire et permanente. Permanente, parce que nous sommes unis en fraternité en tout temps. Temporaire, parce que nous « ouvrons la Loge » et « fermons la Loge » pour chaque Tenue.

Entrons dans la signification de la formule « Je viens de la Loge de Saint Jean ».

Voir aussi notre liste de planches au grade d’apprenti

D’abord, la Loge de Saint-Jean est qualifiée de « respectable ». Ce mot se trouve présent dans le manuscrit Graham en 1726 ; il est donc aussi ancien que la Franc-Maçonnerie « moderne ». Mais pourquoi insister sur ce caractère respectable ? Peut-être parce que les maçons libres, les francs-maçons, unissant le matériel et le spirituel, s’estimaient plus respectables que les membres des corporations, et ont insisté sur la noblesse de leur démarche. De ce fait, nous donnons ce qualificatif à nos Loges, Respectables, par opposition aux anciennes corporations, plus mercantiles.

Autre explication, le terme « Respectable Loge » aurait remplacé le terme « Sainte Loge », utilisé précédemment, dans une perspective d’unité maçonnique au delà des religions pratiquées par ses membres.

Quoi qu’il en soit, nos Loges sont respectables parce que ce que nous y faisons est respectable : travailler au perfectionnement de l’humanité en travaillant à notre propre perfectionnement. En ce sens, le terme de « Respectable Loge » est à rapprocher, symboliquement, de celui de « Loge juste et parfaite ».

De quel Saint Jean parlons-nous ? Il y a, entre autres :

  • Le Baptiste, né quelques années avant Jésus, mort quelques années avant lui.
  • L’Évangéliste, apôtre, né quelques années après Jésus, que l’on appelle aussi « Saint-Jean porte latine », du nom du lieu de son supplice raté à Rome.
  • Saint Jean Chrysostome, en français Saint-Jean Bouche d’Or, au IVème siècle, ainsi nommé pour ses talents oratoires,
  • Saint Jean Climaque, VIème siècle, moine et abbé au Sinaï.
  • ou encore Saint Jean de la Croix, XVIème siècle, mystique et ascète, collaborateur de Sainte Thérèse d’Avila.

Quand nous parlons de Loge de Saint-Jean, nous faisons bien sûr référence aux deux premiers. Ils sont fêtés pour le premier au 24 juin et pour le second au 27 décembre, c’est-à-dire, approximativement, au solstice d’été et au solstice d’hiver. Ils ont souvent été confondus dans l’imaginaire et dans le symbolisme.

Sur l’autel des serments, la première de nos trois grandes lumières, le Volume de la Loi Sacrée, est symbolisée par une Bible ouverte au prologue de l’Évangile selon Jean. Nous connaissons bien ce texte, et nous aimons nous arrêter soit au premier verset, le Verbe, soit au cinquième verset, celui sur la Lumière et les Ténèbres. Dès le sixième verset, l’Évangéliste nous présente le Baptiste, et nous avons donc toujours sous les yeux le texte biblique où les deux Jean sont réunis.

Pourquoi ont-ils été si souvent confondus, pourquoi sont-ils réunis dans notre symbolisme ? Peut-être parce qu’ils sont devenus, avec la christianisation, les successeurs du dieu romain Janus.

Quand nous pensons au panthéon romain, nous pensons « Jupiter », « Mars » ou « Vénus », et donc à l’importation romaine, tardive, du panthéon grec. Mais, bien avant cette acculturation, il y avait Janus, divinité aux deux faces, du passé et de l’avenir, des portes.

Les solstices étaient appelés Janus Inferni, la porte des Enfers, la porte des hommes, pour l’été et Janus Cœli, la porte des Cieux, la porte des dieux, pour l’hiver. Janus est le dieu des portes, le dieu des commencements, il est le dieu des initiations, puisque l’initiation est un permanent commencement. Il était donc le dieu des collèges de constructeurs romains, les collegia fabrorum.

Tout naturellement, sur la base, sans doute, de la prononciation des noms, le passage s’est fait de Janus aux deux Jean.

Pourquoi sommes-nous, Francs-Maçons, sensibles aux solstices ? Parce que ce sont des moments privilégiés de l’année, du cycle naturel, des moments privilégiés, pour les bâtisseurs, afin d’orienter la construction, des moments privilégiés pour comprendre le cycle de la vie, de la mort et de la vie, des moments chargés de symbolisme.

Pourquoi sommes-nous, Francs-Maçons, sensibles aux portes ? Parce que ce sont des lieux de passage, comme les gués, comme les ponts, et que nous sommes des voyageurs, cheminant sur la voie de l’initiation, appelés à passer, avec chaque grade, une nouvelle porte.

Voici déjà quelques raisons de nous appeler « Loge de Saint-Jean ».

Au Baptiste, on rattache le feu. Feu du Soleil à son plus haut au solstice d’été, soleil de feu du désert où il a prêché. Ce symbolisme du feu, antérieur au christianisme, puisque présent chez les Celtes, par exemple, existait encore il y a quelques années avec les feux de la Saint-Jean.

A l’Évangéliste, on rattache la lumière, cette lumière dont il parle si bien dans le prologue de son Évangile. La progression du feu à la lumière, c’est la progression du matériel au spirituel, de l’homme au dieu, de l’exotérisme à l’ésotérisme. C’est le chemin que nous tentons de parcourir dans notre initiation.

Rappelons-nous notre passage au premier degré. La dernière épreuve, lors du troisième voyage, a été la purification par le feu. Et, cette purification accomplie, après avoir été avertis une dernière fois, par le scène du parjure, sur la solennité de notre démarche, nous sommes sortis du Temple, par la porte basse, et nous y sommes revenus, par la porte haute, pour y recevoir la Lumière.

Solstice d’été, décroissance du Soleil lumière physique, solstice d’hiver, réapparition de la lumière spirituelle, voici pour le cycle, voici pour les deux portes, pour Janus et les deux Jean.

Revenons sur les deux Jean et le Soleil.

  • Au Baptiste, le coq que nous avons vu dans le cabinet de réflexion, et donc le lever du Soleil, la lumière qui va nous apparaître ensuite en Loge lors de notre initiation au premier degré.
  • A l’Evangéliste, l’aigle, l’oiseau dont on dit qu’il est le seul à pouvoir regarder le Soleil en face. Et nous avons, au troisième degré, quelque chose qui se rapproche du fait de regarder le Soleil en face.

Voici donc une raison de plus d’appeler « Loges de Saint-Jean » les Loges des trois premiers degrés.

En outre :

  • Au Baptiste, on rattache le désert, l’ascétisme, c’est-à-dire l’effort sur soi-même.
  • A l’Évangéliste, on rattache l’écriture, la prédication, c’est-à-dire l’effort vers les autres.

Le Baptiste, qui a initié Jésus par le baptême de l’eau, est celui qui disait « Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur ».

L’Évangéliste est celui qui a annoncé la bonne nouvelle à tous les hommes, par son Évangile que le caractère ésotérique distingue des trois autres, et par son Apocalypse, révélation finale.

C’est toute notre démarche qui consiste à nous perfectionner ici et à apporter au dehors ce que nous avons acquis dans le Temple. C’est tout notre chemin, de notre seconde naissance, choisie et voulue, par l’initiation à notre passage, inéluctable et que, à ce titre, nous devons vouloir aussi, à l’Orient éternel, et c’est ce chemin que nous faisons en Loge.

Toute Loge des trois premiers degrés s’appelle « Loge de Saint-Jean » pour renforcer le caractère universel de la franc-maçonnerie. Dire « Je viens de la Loge de Saint Jean » est à ce titre un signe de reconnaissance.

Les décors des Maîtres, dans tous les Rites, comportent toujours du bleu, et sont parfois entièrement bleus. Au Rite Écossais Ancien et Accepté, les maîtres portent en cordon le « Ruban Écossais », bleu bordé de rouge.

Pourquoi ce bleu aux trois premiers degrés ? Il suffit de lever le regard. Au zénith de notre Temple, il y a la voute étoilée, que certains rituels nomment « le dais d’azur semé d’étoiles ». Oui, notre Temple est le Monde, et le monde, notre monde, c’est la terre sous le ciel.

Le ciel est bleu le jour, quand la lumière du Soleil l’illumine. Il est étoilé jour et nuit, même si, le jour, une seule étoile, le Soleil, nous empêche de percevoir toutes les autres, perdues dans l’azur diurne.

Dans ce bleu du jour qui nous masque, jusqu’au soir, la beauté des étoiles, il y a, là encore, une illustration intéressante du symbolisme du Rite Écossais Ancien et Accepté.

Nous avons reçu la Lumière dans une Respectable Loge de Saint-Jean, la lumière du premier degré, et cette Lumière, après le cabinet de réflexion, est celle du jour, du jour bleu sous le Soleil.

Pour aller plus loin :

livres maçonniques

Modif. le 28 octobre 2024

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