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Jakin : interprétation (planche maçonnique)

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Jakin : quel symbolisme en franc-maçonnerie ? Quel est le sens profond de Jakin ? Voici une planche maçonnique au 2ème degré.

Jakin, c’est d’abord le nom de la colonne du temple près de laquelle (avec Boaz) nous nous tenons comme apprentis et compagnons. C’est aussi le lieu du passage du profane au sacré : une porte d’entrée.

Mais c’est aussi le mot sacré que le compagnon ne peut pas prononcer mais seulement épeler…

Voici une planche maçonnique sur Jakin.

Jakin trouve ses origines dans le mythe de la construction du temple de Salomon, telle que décrite dans le Premier livre des rois, chapitre 7. Hiram se voit confier par le roi Salomon la construction du temple de Jérusalem en raison de sa maîtrise de la construction et des métaux. Il place de chaque côté de la porte du temple deux gigantesques colonnes d’airain, Boaz et Jakin, décrites comme surplombées de chapiteaux en forme de fleur de lys et décorées de pommes de grenades.

Au-delà de la fonction utilitaire de ces colonnes creuses dans lesquelles se trouvaient les plans et les outils pour la construction du temple, ces symboles accompagnent notre démarche maçonnique en nous donnant de précieuses indications sur notre travail.

D’abord, les colonnes sont en bronze, alliage formé principalement de cuivre et d’étain :

  • le cuivre est symboliquement la représentation du rouge et du vert, de Mars et de Vénus, dieux amants de la mythologie grecque, le cuivre rouge devenant vert par l’oxydation de l’eau, élément féminin. Loin de s’opposer, l’un complète l’autre et se transforme en l’autre. Mars représente la force primaire, l’énergie de la conquête, le désir brut… Vénus est la déesse de l’amour, de la séduction et de la beauté,
  • l’étain, dont le symbole alchimique est Jupiter, apporte une énergie expansive et de développement de manière organisée, avec une dimension de justice, de loi, de transmission. Dans la mythologie grecque, Jupiter a le visage de Zeus, dieu suprême, protecteur des lois, de la sagesse souveraine et de la justice divine.

D’autre part, les chapiteaux sont décorés de fleurs de lys, qui évoquent dans le monde antique la création universelle, la fécondité divine et la vie elle-même. On peut y voir la beauté et la pureté de l’esprit, dans un rayonnement vers le haut.

Les chapiteaux sont décorés de 400 grenades dont les grains rouges nombreux de couleur rubis symbolisent le sang, la vie, la fécondité ou encore la résurrection. La grenade évoque encore la descente de l’âme dans la matière prison selon le mythe de Perséphone (fille de Déméter, déesse de l’agriculture et de Zeus). Ce mythe renvoie à notre démarche de voyage au centre de la terre, car la grenade symbolise une parcelle du feu chtonien (des profondeurs) que Perséphone volait à Hadès, dieu des Enfers vivant dans les entrailles de la terre, pour le rapporter aux hommes à la surface de la Terre.

Dans la Bible, la grenade est largement citée. Les rabbins lui attribuent 613 graines, soit le nombre des injonctions que Dieu transmit à Moïse. Dans la tradition chrétienne, la grenade symbolise les grains serrés comme le sont les fidèles soudés par une même foi, ce que nous reprenons également en maçonnerie en sachant que lors de la croissance du fruit, les grains à sept faces connaissent une croissance simultanée, évoquant le travail en loge et la fraternité.

Les colonnes Jakin et Boaz sont des éléments d’architecture imposants par leurs dimensions : 9 mètres de haut, plus 2,50 mètres pour les chapiteaux et près de 2 mètres de diamètre.

Mais ces colonnes n’ont pas vocation à soutenir le Temple, car placées à l’extérieur de celui-ci et simplement surmontées d’éléments décoratifs. Dans cette architecture, le chapiteau et les grenades en haut des colonnes sont les seuls symboles visibles de l’objectif à atteindre.

Les colonnes sont aussi pour nous les symboles de la verticalité et le support de tous nos rites de passage, les témoins de nos sorties et entrées en loge, de notre passage du temps profane au temps sacré, sans oublier le lieu de lecture de nos travaux d’apprenti et de compagnon.

La colonne Jakin symbolise la solidité, la stabilité qui s’établit peu à peu chez le compagnon qui chemine à la recherche de la vérité. Le travail permet progressivement de s’ouvrir à une face cachée et profonde de soi-même. C’est d’un côté la tête dans le ciel en étant à l’écoute de notre Génie, de notre créativité et de notre sensibilité, et de l’autre les pieds sur terre, enracinés dans les profondeurs de soi-même, vivant pleinement par nos cinq sens dans la matérialité.

Jakin traduit bien cette démarche consistant à construire une base solide par l’élimination des croyances inutiles et faciles, de certaines illusions, des postures de l’ego, en déposant nos métaux, en trouvant l’humilité et la joie du cœur, et en libérant nos énergies positives pour prendre appui avant de nous élever dans la verticalité, vers la beauté et la pureté du lys, vers l’amour de la grenade.

La colonne Jakin n’existe que par sa résonnance avec la colonne Boaz. Les colonnes sont inséparables et complémentaires. C’est bien le passage entre les deux colonnes qui est porteur d’une force symbolique dont nous nourrissons nos travaux.

En nous plaçant entre les colonnes, nos rituels nous positionnent comme le troisième élément complémentaire ou synthèse de la dualité. C’est donc aussi un passage du binaire au ternaire dans lequel nous sommes mobilisés par notre travail maçonnique, et auquel aspire le compagnon.

C’est en s’appuyant sur ces deux colonnes que le franc-maçon trouve l’alchimie ou la force de la formule « Il établira en force » pour s’élever vers la spiritualité vivante, non coupée de la Terre. L’initié devient précisément un canal vivant entre le Ciel et la Terre, entre transcendance et immanence.

Cette position entre les colonnes traduit encore l’alliance du Soleil (Jakin) et de la Lune (Boaz), de l’actif et du passif, de l’esprit et de la matière, de l’intériorité et de l’extériorité, de la verticalité de l’apprenti et de l’horizontalité du compagnon.

Il nomma la première Boaz qui signifie « Dans la force » et la seconde Jakin qui signifie « Il établira ».

Jakin, « Il établira », est donc indissociable de « En Force ».

Nous devons nous interroger sur l’identité du « Il ». S’agit-il de l’architecte Hiram ? ou du Grand Architecte de l’Univers ? ou de nous-même ?

Et quelle est cette force, cette intention ? Pourrait-il s’agir de la lumière de l’étoile flamboyante et de ses branches (Géométrie, Génération, Gravitation, Gnose et Génie), sorte de présence lointaine et en même temps intérieure ?

Vivre en conscience le « Il » de « Il établira » correspond à cette démarche d’éveil, de maîtrise de soi- même, d’activation des connaissances acquises lors de nos voyages et spécifiquement au travers des cinq voyages du compagnon.

« Il » prend alors un sens sacré. Il « Etablira » quoi ? un nouvel ordre, une nouvelle société, un temple intérieur ? qui sera construit avec des pierres taillées, fruit de notre travail spirituel et concret ?

Il « Etablira » comment ? par la démarche maçonnique en se nourrissant, en s’inspirant, en s’enrichissant de ses voyages, de ses découvertes humaines et de son travail pour se changer et se transformer intérieurement…

Jakin est la combinaison de la force des symboles qui constituent la colonne, la puissance d’un élément d’architecture qui nous invite à passer du 2 au 3. C’est un appel au sacré qui nous habite et que nous devons révéler.

Jakin est bien une étape dans le cheminement vers une appropriation, vers un nouvel ordre intérieur (il établira) qui conduit le franc-maçon à rejoindre la synthèse issue du passage du 2 au 3, du binaire au ternaire.

Pour aller plus loin :

Les essentiels du deuxième degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (100 pages) comporte 27 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du second degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 12 novembre 2024

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