« J’ai vu le tombeau de notre Respectable Maître Hiram et j’ai versé des larmes sur ce tombeau avec mes Frères et le plus puissant des Rois » : quelle est la signification de cette phrase au 4ème degré du REAA ?
Au 4ème degré, la loge déplore la mort d’Hiram. Elle est tendue de noir et parsemée de larmes d’argent.
Le rituel du 4ème degré REAA dit :
Le Trois Fois Puissant Maître : Comment avez-vous été reçu Maître Secret ?
Le Premier Inspecteur : J’ai été reçu sous le Laurier et l’Olivier, en passant de l’Équerre au Compas. J’ai vu le tombeau de notre respectable Maître Hiram et j’ai versé des larmes sur ce tombeau avec mes Frères et le plus puissant des Rois.
Pour comprendre cette dernière phrase, il convient de rappeler les circonstances de la découverte du tombeau de Maître Hiram telles que décrites dans le rituel d’élévation au 3ème degré.
Après l’assassinat d’Hiram, sept frères partent à la recherche de sa dépouille, en décrivant trois cercles. Le tombeau est découvert à l’ombre d’un acacia, près d’une équerre et d’un compas. La terre semble fraîchement retournée. Trois frères sont laissés sur place, les autres partent alerter le Vénérable Maître. Ce dernier se rend sur les lieux. Il retire le tablier qui recouvre le visage du mort et s’écrit « ô ciel, c’est lui, c’est l’Architecte », puis « Ah Seigneur Mon Dieu ». Il écarte ensuite le drap pour découvrir la totalité du corps d’Hiram. Puis le corps est transporté dans l’enceinte du Temple en vue de lui donner une sépulture digne.
A ce moment de la cérémonie, le récipiendaire est relevé par les cinq points parfaits de la maîtrise : le Maître est retrouvé et il reparaît aussi radieux que jamais, il renaît en la personne du nouvel initié.
Voyons ce que peut signifier la phrase : « J’ai vu le tombeau de notre Respectable Maître Hiram et j’ai versé des larmes sur ce tombeau avec mes Frères et le plus puissant des Rois ».
« J’ai vu le tombeau de notre Respectable Maître Hiram… »
La première partie de l’énoncé sonne comme une prise de conscience. Prise de conscience de la mort d’Hiram bien sûr, mais sur un plan plus intérieur, prise de conscience de notre erreur.
Car l’analyse ne doit pas séparer Hiram, les trois mauvais compagnons, et les autres compagnons. Il s’agit bien d’une seule et même personne : nous-même.
- Hiram était ce qu’il y avait de pur et authentique en nous,
- les trois mauvais compagnons représentent notre ignorance, notre fanatisme et notre ambition, c’est-à-dire nos plus bas instincts (ce pourrait être le « ça » de Freud),
- les autres compagnons pourraient représenter la part de notre psychisme qui navigue entre notre être pur et nos instincts (ce pourrait être le « moi » de Freud).
Voir le tombeau d’Hiram, c’est donc réaliser la présence en nous des trois mauvais compagnons, et nous rendre compte des conséquences auxquelles a abouti le fait de les « laisser faire ».
La libération des bas instincts (l’envie, la possession, l’orgueil…) renvoie directement au mythe du fruit défendu : Adam et Eve ont voulu croquer le fruit de la connaissance de l’arbre du bien et du mal, pour eux-mêmes, dans leur intérêt, pour prendre la place de Dieu.
Qu’il s’agisse de la Genèse ou de la légende d’Hiram, le résultat est dramatique : en agissant de manière égoïste, nous avons perdu notre innocence et notre authenticité primordiale. Par ce décentrage, nous nous sommes nous-mêmes condamnés à la honte et au travail.
« J’ai versé des larmes sur ce tombeau… »
Le tombeau représente la séparation, la perte. Mais il peut aussi symboliser la métamorphose de l’être, le passage d’un monde à un autre.
Les larmes qui coulent sont celles de celui qui pleure la perte de l’essentiel. En effet, l’alliance avec le divin a été rompue par l’assassinat d’Hiram, l’être pur en nous. Nous nous sommes menti, trahi, abandonné.
Mais ces larmes sont aussi la preuve de la prise de conscience évoquée plus haut : elles témoignent de l’ouverture progressive de notre esprit. Elles sont synonymes de regret, de contrition, et bientôt de repentance. Elles sont porteuses d’espérance.
Les larmes coulent sur le tombeau ; elles s’infiltrent dans la terre comme pour régénérer ce qui est mort. L’acacia s’en nourrira : symbolisant l’axe du monde, il annonce notre recentrage, il incarne le chemin de la sagesse et de la vérité.
« … avec mes Frères et le plus puissant des Rois »
Nous ne sommes pas seul à pleurer sur le tombeau de Maître Hiram : nous nous trouvons dans la même situation que nos frères présents à nos côtés.
La fraternité nous aide à faire face. L’autre est le miroir de nous-même, il nous aide à mieux nous connaître ; il nous fait progresser et grandir. Il travaille sur le même chantier que nous et partage son point de vue, ce qui augmente notre discernement.
Quant au « plus puissant des Rois », on ne sait clairement de qui il s’agit.
Il peut être :
- le roi Salomon, qui pleure l’arrêt du chantier,
- le Grand Architecte de l’Univers, qui pleure la rupture de l’alliance avec l’Homme,
- ou encore notre conscience, qui pleure en portant un regard lucide sur nos pensées et sur nos actes.
Notre conscience, si elle est pure, est notre seul juge ; elle se confond avec l’oeil du Grand Architecte de l’Univers. Les larmes qui coulent sont le signe de la présence en nous de cette énergie profonde et vraie, ce trait de lumière qui constitue la Voie.
La conscience qui s’ouvre est le chemin de la sagesse, de la vérité et du bonheur : « Heureux ceux qui pleurent.«
Il nous faut mourir à nos illusions, faire le deuil de nos ambitions, abandonner nos mensonges intimes pour nous laisser pénétrer par l’évidence. Alors seulement Hiram revivra en nous.
Lire aussi : Liste de planches au grade de Maître Secret
Pour aller plus loin :
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Il offre des points d’appui pour décrypter les sentences, les décors, les signes et objets symboliques rencontrés par le Maître Secret.
Modif. le 23 mars 2024