L’Homme déconstruit en philosophie : définition et signification. Qu’est-ce que l’Homme déconstruit ? Quelle démarche intellectuelle et quel sens politique ?
En philosophie, la déconstruction a le sens d’analyse critique. C’est notamment le mot utilisé par le philosophe français Jacques Derrida pour expliquer la démarche philosophique d’Heidegger qui consistait à « démonter » l’Etre (et non pas à le détruire) en vue de l’analyser et de lui offrir précisément une nouvelle possibilité d’être.
Le concept de déconstruction est passé à la sociologie, puis a été repris par le mouvement féministe dans le but de critiquer et démonter les stéréotypes relatifs au genre, à l’orientation sexuelle ou à la « race ».
L’expression « homme déconstruit » a surgi dans la sphère politique française en septembre 2021 à l’occasion de la primaire écologiste : Sandrine Rousseau a utilisé cette formule, déclenchant une pluie de critiques mais invitant chacun à se positionner sur ce nouveau terrain de la philosophie politique.
Entrons dans la définition philosophique de l’Homme déconstruit dans la perspective du débat sur le genre.
L’Homme déconstruit : définition en philosophie politique.
Pour les féministes, la déconstruction désigne le processus introspectif par lequel les hommes s’interrogent sur leur rapport aux femmes, et remettent en cause leurs stéréotypes.
Ce processus long s’accompagne d’une prise de conscience du caractère sexiste de notre société, et aboutit à un changement de comportement vis-à-vis des femmes, ou plus généralement vis-à-vis des minorités.
Au sens large, déconstruire, c’est donc interroger sa façon de penser et de se comporter. C’est analyser, disséquer, décomposer, démonter ce qui nous semble naturel et évident. C’est comprendre de quoi nous sommes faits.
L’intérêt de la déconstruction.
Au quotidien, nous avons l’impression que nous sommes des êtres éveillés, libres et autonomes. Nous exerçons en permanence notre libre arbitre, jugeant chaque chose en bien ou en mal.
Nous oublions que nous sommes des êtres déterminés, influencés par une foule de facteurs que nous ne maîtrisons pas, parmi lesquels les gènes, la culture, l’éducation reçue, les modèles transmis mais aussi notre histoire personnelle, notre psychologie ou l’influence de nos proches.
Ces influences créent chez nous des habitudes, des réflexes et des stéréotypes : nous voyons les choses à travers un prisme déformant qui régit entièrement notre rapport au monde.
Incapables de prendre du recul sur ce que nous sommes, ayant oublié les causes de nos pensées et de nos actes, nous cultivons une forme d’ignorance teintée d’orgueil.
Précisément, se déconstruire, c’est faire l’effort de s’interroger sur soi-même, c’est identifier nos propres biais perceptifs et cognitifs, c’est décortiquer nos propres réactions. Autrement dit, la déconstruction est le chemin de la connaissance de soi, qui consiste à éclairer notre personnalité de la lumière de la conscience et de la raison.
L’effort de connaissance de soi, fondement de la philosophie.
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L’homme déconstruit tente de porter un regard objectif sur lui-même. A ce titre, notons que la déconstruction ne doit pas aboutir à la honte, ni à la culpabilisation, ni même au rejet de ce que nous étions. Il ne s’agit pas de renier notre héritage culturel et social mais de l’éclairer, de le comprendre : si nos comportements doivent évoluer, cela se fera de manière naturelle.
Se déconstruire, ce n’est donc pas lutter contre ce que nous sommes, mais comprendre les causes de ce que nous sommes. C’est savoir ce qui fonde réellement notre personnalité et notre être. C’est visiter notre subconscient, c’est-à-dire nos automatismes psychiques. C’est mesurer ce qui en nous relève de l’instinct, des pulsions, des envies, des normes sociales ou des habitudes. C’est ne plus réagir mais réfléchir, « se réfléchir ».
L’homme déconstruit est donc celui qui n’est plus dupe de ses pensées et comportements. En réalité, la déconstruction est le fondement même de la démarche philosophique, selon laquelle on ne peut raisonner correctement qu’à condition de se connaître soi-même : c’est la définition de la sagesse.
L’Homme déconstruit avec ou sans majuscule ?
Avec une majuscule, la formule « Homme déconstruit » s’applique à tous les individus, quel que soit leur sexe. C’est le sens profond de la démarche du philosophe.
Sans majuscule, la même formule renvoie à l’effort que les hommes devraient faire pour interroger leur rapport aux femmes : c’est la vision spécifiquement féministe.
Bien entendu, la déconstruction doit concerner tous les êtres humains. Mais sur le plan sociologique, c’est bien la déconstruction masculine qui comporte le plus d’enjeu puisque nous vivons dans une société patriarcale, dominée par les hommes.
Toutefois, on aurait tort de penser que les habitudes et les stéréotypes n’existent que dans l’esprit des hommes…
Déconstruction et « wokisme ».
« Wokisme » (de l’anglais woke : « éveillé ») est un autre terme qui s’est imposé dans la vie politique. Il vient du mouvement Black Lives Matter (Etats-Unis).
Le wokisme concerne la capacité des individus à prendre conscience des enjeux liés aux minorités et à la justice sociale. Le wokisme invite chacun à s’interroger sur son statut, son rôle, son pouvoir et son comportement vis-à-vis des minorités : femmes, LGBT, immigrés, personnes de couleur, etc.
Le wokisme invite donc à l’éveil des consciences, un éveil qui passe là encore par la déconstruction de soi.
Conclusion sur l’Homme déconstruit.
La déconstruction nous extirpe de nos illusions et de nos préjugés : la lumière de la raison déchire le voile de nos certitudes ; elle nous délivre de nos automatismes, elle nous libère des fausses évidences.
Ainsi, la déconstruction nous permet de renaître et de nous reconstruire : elle est le chemin de l’éveil.
Sur le plan du genre, la déconstruction n’a pas pour objectif d’effacer les différences entre hommes et femmes, mais simplement d’introduire respect et égalité dans la manière de vivre ces différences, au service d’une plus grande harmonie sociale.
Au final, la déconstruction mène à une meilleure compréhension de l’autre autant que de soi-même : nous tenons peut-être là la clé du bonheur.
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Modif. le 2 octobre 2021