Hiram et Jésus : similitudes et différences. En quoi la légende d’Hiram rappelle-t-elle le récit christique ? En quoi s’en éloigne-t-elle ?
Le thème de la mort et de la renaissance est présent dans un grand nombre de légendes et de traditions, à toutes les époques et dans toutes les civilisations.
On pense aux mythes solaires, au rites chamaniques, à la légende du Phénix, au mythe d’Isis et Osiris, aux prophètes et héros sauvés des eaux (Noé, Moïse, Ulysse) ou traversant la mort (Orphée, Héraclès), ou encore aux dieux de la régénération (Tammuz chez les Babyloniens, Dionysos chez les Grecs…).
Ces légendes nous amènent à nous interroger sur les cycles, l’éternel retour, le progrès, la transmission, la vie, notre rapport au divin, ou encore la transformation de soi.
La mort est le plus souvent abordée comme une épreuve à traverser pour accéder à un autre monde, ou à une autre manière de voir le monde.
De même, le thème de la mort et de la renaissance est central dans le Nouveau Testament à travers la vie de Jésus, sacrifié pour sauver l’humanité. Jésus ressuscité triomphe de la mort et montre le chemin de la vie véritable.
Un récit qui rappelle directement le personnage d’Hiram, central dans la légende maçonnique. Hiram est l’architecte en chef du Temple de Salomon. Sage, il connaît les secrets de la construction. Il fait l’objet d’un complot fomenté par les trois mauvais compagnons, représentant l’ignorance, le fanatisme et l’ambition. Les mauvais compagnons ne réussissant pas à obtenir les secrets, ils assassinent Hiram. Le cadavre de ce dernier sera retrouvé sous une branche d’acacia.
Voyons donc les similitudes et les différences qui existent entre la légende d’Hiram et le récit christique.
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Hiram et Jésus : similitudes
Hiram et Jésus peuvent tous deux être qualifiés de « Grands Initiés ». Ils représentent la sagesse, la Connaissance et se distinguent par leur exemplarité. Leur comportement face au mal montre la voie à suivre.
Les similitudes entre la mort d’Hiram et celle de Jésus sont nombreuses :
- Hiram et Jésus sont tous deux victimes d’une injustice,
- ils sont confrontés à la corruption, au crime et à l’ignorance,
- ils sont l’objet d’une trahison : Hiram tombe sous les coups de ses propres ouvriers, Jésus est dénoncé par son disciple Judas,
- leur calvaire comporte plusieurs étapes : 3 pour Hiram, 14 pour Jésus (cf. les quatorze stations du chemin de croix),
- Hiram comme Jésus sont atteints physiquement : Hiram par trois coups sur l’épaule droite, l’épaule gauche et le front (formant ainsi un triangle), Jésus par trois clous transperçant ses mains et ses pieds (formant un triangle inversé),
- après avoir été enterrés, leur corps disparu fait l’objet d’une quête.
Notons qu’Hiram comme Jésus se laissent traverser par le mal : ils lui permettent de s’exprimer, de se montrer, seul moyen de le démasquer, donc de le dissoudre. Ils ne tentent pas de résister (Hiram refuse cependant de livrer les secrets). Au contraire, ils se sacrifient pour accomplir leur destin.
Car résister serait employer les mêmes armes que le mal lui-même : ce serait rester prisonnier de la matière. Au contraire, renoncer à combattre le mal permet de l’embrasser, de l’aimer pour le désarmer. Voilà la force du pardon et de la rédemption, voilà le chemin à suivre.
Ne donne au mal rien à quoi s’opposer
et il disparaîtra de lui-même.
Tao Te King, 60
Jésus et Hiram symbolisent l’abandon du corps-matière. Ils renoncent à leur ego et acceptent leur dissolution corporelle : « la chair quitte les os », « tout se désunit ». Quant au corps du Christ, il disparaît littéralement, et le tombeau reste vide.
Dans les deux cas, la mort physique annonce l’entrée dans un nouveau monde, dans une vie nouvelle, fondée non plus sur la matière mais sur l’Esprit : le Christ est ressuscité, Hiram renaît « plus radieux que jamais » à travers la personne du nouvel Initié.
La dissolution physique annonce donc le retour à l’unité de l’être : le corps réapparaît, lumineux, spiritualisé.
Hiram et Jésus : principales différences
Il existe toutefois des différences importantes entre la légende d’Hiram et la vie de Jésus. La principale tient à la distinction entre résurrection et relèvement :
- Jésus est le fils de Dieu (Dieu incarné) : si son corps est mortel, son Esprit reste éternel, et la résurrection relève du suprahumain,
- à l’inverse, Hiram n’a pas de caractère divin. Son relèvement, symbolique, ne peut se faire qu’à travers la personne d’un nouvel initié. Hiram ne ressuscite pas lui-même, il ne renaît pas à proprement parler. Si quelque chose de lui survit, c’est son exemple et sa mémoire, dans une logique de transmission et de progrès initiatique.
Ainsi, la croyance en la résurrection du Christ relève de la foi, alors que le relèvement d’Hiram relève de l’initiation. Autrement dit, la Résurrection constitue un dogme exotérique, alors que le relèvement du Maître consiste en une expérience ésotérique.
On notera aussi un rapport bien différent à la vérité : la vérité de Jésus est révélée, alors que la vérité d’Hiram relève du secret, secret qui a été perdu avec la mort du Maître. Les paroles du Christ sont connues, alors que la parole d’Hiram semble oubliée à jamais.
Il est résulte deux voies spirituelles bien différentes :
- la première consiste à accéder au Royaume de Dieu par la croyance en Jésus et en sa résurrection, une foi qui permettra notre salut dans l’au-delà,
- la seconde consiste à se transformer spirituellement dès cette vie-ci, pour accéder à une forme de vie heureuse fondée sur l’éveil de conscience, la sagesse et la sérénité. La mort symbolique, dans le sens de l’abandon de nos attachements et de nos fausses croyances, est la condition de cette transformation.
C’est ainsi que la démarche initiatique s’éloigne du récit biblique. Mais rien n’empêche le franc-maçon de s’affranchir du dogme pour aborder la Bible dans sa dimension symbolique, voire initiatique, afin de progresser toujours plus sur le chemin de la Connaissance. Si l’approche diffère, l’objectif reste le même : le centre du cercle correspond bien au centre de la croix chrétienne.
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Modif. le 26 juin 2024