Garder le secret, être obéissant et rester fidèle : voici une planche au 4ème degré REAA. Quels sont les devoirs du Maître Secret ? Comment les interpréter ?
Fraichement initiés francs-maçons, nous avons juré de garder les secrets de la F.M. et d’observer consciencieusement les lois de l’Alliance Maçonnique.
A notre augmentation de salaire, nous avons juré de garder les secrets et les mystères du Second Degré, d’agir comme de vrais et fidèles Compagnon.nes et d’obéir aux ordres.
Lors de l’élévation à la Maîtrise, nous nous sommes engagés formellement à remplir avec fidélité et zèle les obligations imposées par le grade de Maître.
Enfin, l’initiation au 4ème degré nous replace face à trois exigences : « A garder le secret, à être obéissant et à rester fidèle », autrement dit une confirmation des serments précédents. Un ternaire de « bonne conduite » pourrions-nous dire.
Trois concepts que, a priori, nous pourrions aborder comme contraintes et asservissement. En effet, le rituel d’initiation au 4ème degré marque fortement ces obligations lorsque nous prononçons notre serment. De plus, elles sont énoncées à la clôture de chaque tenue pour nous rappeler leur importance.
Ces exigences nous engagent fortement, elles incarnent de hautes valeurs morales et méritent chacune une approche singulière.
« Garder le secret »
A peine introduit.e.s dans le Temple, le signe du Secret est réalisé sur la bouche des récipiendaires. S’en suivra la clôture symbolique des lèvres par le Sceau du Secret. Puis nous avons contracté l’obligation de garder fidèlement les secrets à la lecture du serment :
Je m’engage par serment à ne jamais révéler aucun des secrets de ce degré à aucune personne au monde autre que celles qui y ont droit, et après avoir été dûment autorisée à le faire.
Rituel d’initiation au grade de Maître Secret
Selon la légende du 4ème degré du Rite Ecossais Ancien et Accepté, le Roi Salomon désigne sept Maîtres admis au rang des Lévites pour poursuivre l’œuvre d’Hiram : ils doivent travailler à l’achèvement du Temple et construire le tombeau d’Hiram. Salomon appose à ces Lévites le sceau royal et leur fait jurer le secret en leur rappelant la vertu du silence.
Nous sommes Lévites, tenu.e.s au secret du grade, du rituel, des tenues. Dans ce cadre, nous avons été jugé.e.s dignes et capables de garder de nouveaux secrets. De plus, est exprimé également celui d’appartenance aux Grades de Perfection.
Il est un autre secret dont le Maître Secret porte la clé. C’est le secret de sa conscience. Ce secret est immanent à la condition humaine. Nous possédons au fond de nous-mêmes un espace sacré que nul autre ne peut pénétrer. Ce lieu intime où l’on se parle à soi-même. C’est là que réside la Vérité de l’être.
C’est là, également que réside notre force primordiale. C’est ce que nous pourrions nommer le « mystère ontologique » de notre nature. Nous nous efforçons de percer ce mystère afin d’évoluer en conscience et en sagesse. A travers cette injonction, nous retrouvons bien là notre méthode socratique du « Connais-toi toi-même », notre V.I.T.R.I.O.L. et notre fil à plomb.
Nous portons cette Vérité en nous et nous devons en avoir conscience.
Petit à petit, cet engagement au secret, dans le silence, consolide également nos forces du sacré. J’ai eu plaisir à retrouver ce ternaire : silence-secret-sacré qui me conduit vers la Vérité, quête de toute une vie.
« Etre obéissant »
« Garder le secret, être obéissant et rester fidèle » : penchons-nous sur la seconde exigence, pour le moins surprenante. Il y a quelques années, notre côté libre et rebelle aurait sans doute exprimé sa désapprobation. Alors, pourquoi obéissons-nous ? Et comment ?
La réponse du Maître Secret est sans ambiguïté. Nous avons acquis le discernement, nous sommes responsables de ce choix, libre choix par-dessus tout. Nous sommes la somme des choix que nous faisons.
Cette obéissance est une question de logique et d’honnêteté avec soi-même, pour soi-même. C’est respecter les valeurs intrinsèques et acquises par notre travail. Cette obéissance-là ne va de soi que si nous sommes en accord, en harmonie avec notre conscience.
On nous a retirés la corde du cou : beau geste libérateur à priori mais qui nous enseigne toutefois à marcher de concert avec nos Frères et Sœurs et en harmonie avec la Grande Loi Universelle.
Cependant, il ne peut y avoir d’obéissance maçonnique dans les grades de perfection sans alliance et sans allégeance à la juridiction. Par rapport au serment classique prêté dans les trois premiers degrés du Rituel, l’allégeance donne à l’engagement pris, un caractère « synallagmatique » en ce sens qu’en résultent des obligations très précises, tant pour le Maître Secret qui promet et jure allégeance, que pour la juridiction qui reçoit ce serment : à la question du T.F.P.M : « Comment parviendrez-vous à cette connaissance ? » la réponse est : « Par le concours que vos aînés vous donneront, ici comme dans la loge des trois premiers degrés ».
Nous nous inscrivons dans le « donner et recevoir » d’un contexte d’initiation. Nous avons conclu une alliance avec les Instances supérieures de l’Ordre. Cela implique une confiance renforcée dans le groupe auquel nous reconnaissons la capacité à nous conduire sur le chemin des grands Mystères, vers ce qui nous dépasse.
Nous le voyons, obéir, dans ce contexte, devient plus aisé puisqu’il s’agit d’une réelle adhésion qui nous rend aptes à recevoir l’influence spirituelle dispensée par le Rite et transmise par nos Frères et Sœurs. Ainsi, le Maître Secret comprend que l’obéissance n’est pas un renoncement à la liberté mais une condition de son épanouissement.
« Rester fidèle »
« Garder le secret, être obéissant et rester fidèle » : penchons-nous sur la dernière exigence de ce triptyque.
L’élévation à la Maîtrise nous montre un exemple évident de fidélité à travers le sacrifice de Maître Hiram. Nous en avons hérité l’esprit, et à travers nous la fidélité à cet esprit doit rester vivante. Nous avons FOI, du latin fides, dans le sens de confiance en cette transmission. Ainsi, nous donnons l’assurance d’être fidèle à notre parole, à notre promesse.
Cela signifie aussi que nous devons toujours revenir à notre projet initial pour rester fidèle au chemin parcouru et éviter les dérives. Cette fidélité nous permet de garder le cap et d’accomplir nos devoirs tant à l’intérieur du Temple qu’à l’extérieur.
La fidélité traduit la constance nécessaire au respect de nos engagements. Il s’agit de respecter notre ligne de conduite et les principes qui sous-tendent l’Institution dans laquelle nous nous sommes engagé.e.s. La fidélité engage notre conscience morale, elle implique la loyauté envers soi-même et envers nos Frères et Sœurs. Nous ne devons pas couper le fil spirituel qui nous relie.
Rester fidèle tant à notre esprit maçonnique qu’à nos valeurs humaines, c’est entrer dans un cercle de vie harmonieux.
Seulement, en nous substituant à Hiram, nous sommes prédestiné.e.s à rencontrer les mêmes obstacles que lui et à sacrifier quelque chose de nous : se sacrifier, c’est accepter de mourir symboliquement. C’est renoncer à avoir raison, à posséder, à décider. C’est mettre de côté son ego. C’est se remettre en cause, tolérer, pardonner. C’est reconnaître le parfait ordre des choses. Ce sacrifice marque un recentrage, un retour à l’unité. C’est d’abord et avant tout un chemin intérieur, une résistance intérieure à nos propres convictions et certitudes.
C’est lutter contre l’ignorance, le fanatisme et l’ambition que représentent les trois mauvais compagnons. C’est une voie qui mène à la paix et à l’amour, et qui passe donc par l’autre.
Le sacrifice est rarement exempt de souffrance : mais paradoxalement, c’est une souffrance qui épanouit, une soumission qui libère.
Sacrifier c’est « faire sacré », c’est dans ce cas donner une dimension plus élevée à notre effort, à notre dépassement.
Garder le secret, être obéissant et rester fidèle : conclusion
En passant de l’équerre au compas, de la matière à l’esprit, sur le chemin des grands mystères, le Maître Secret a changé de dimension. Il commence à s’élever au-dessus de la terre et à pénétrer dans les hautes régions de la Connaissance spirituelle. Il aura accès à la clé d’ivoire pour franchir la balustrade à condition qu’il porte en lui un niveau de conscience suffisant.
Même si les trois obligations abordées ne représentent en rien un cadenas, elles exigent du M.S. de travailler dans le secret, l’obéissance et la fidélité. Il peut ainsi dépasser la contrainte générée par l’accomplissement de son Devoir en toute liberté. Il a la volonté d’accueillir cette Lumière qui chassera les ténèbres (« Ordo ab Chaos »).
Le Maître Secret a pour devoir de respecter la Loi Universelle. C’est une Loi d’Ordre, d’harmonie et de Justice qui exprime à la fois notre liberté et un principe transcendant : le Grand Architecte de l’Univers.
La grande loi de la Franc-Maçonnerie est le Devoir complet avec un grand D, « Inflexible comme la Fatalité, exigeant comme la nécessité, impératif comme la destinée ». « Cette Connaissance du Devoir complet, c’est la Parole Perdue que nous nous efforçons de retrouver ».
Mais nous ne sommes pas seul.e.s sur ce chemin du Devoir. Nos Frères et Sœurs ainé.e.s nous aident à « ne pas nous attarder dans les sentiers et à nous hâter de gravir les pentes de la montagne ».
En appliquant, sincèrement, ces trois exigences pour lesquelles il s’est engagé par serment, en se perfectionnant par son travail, le Maître Secret espère progresser, retrouver la Parole Perdue et atteindre le Saint des Saints en toute lucidité.
Notre quête n’est jamais terminée, nous œuvrons avec tout notre cœur car l’Amour véritable donne et n’attend rien en retour. C’est l’Agapè grecque.
« L’éclat du jour a chassé les ténèbres et la grande lumière commence à paraître » : nouvel horizon, espoir d’une aube de tous les matins du monde.
Voir aussi notre liste de planches au 4ème degré REAA
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 28 planches essentielles pour approfondir les thèmes du quatrième degré REAA.
Il offre des points d’appui pour décrypter les sentences, les décors, les signes et objets symboliques rencontrés par le Maître Secret.
Modif. le 23 mars 2024