Gaïa et Ouranos dans la mythologie : qui sont-ils ? En quoi sont-ils complémentaires ? Comment interpréter ces dieux primordiaux ? Quel symbolisme ?
Dans la mythologie grecque (cf. la théogonie d’Hésiode), Gaïa est la première divinité issue du Chaos primordial.
Gaïa est en quelque sorte la Matière organisée, signe de l’émergence d’une forme de vie et de conscience au sein du néant. Gaïa représente la Nature et la Terre, support stable de notre expérience dans ce monde.
Gaïa enfante toutes les autres divinités et créatures. Elle donne d’abord naissance à Ouranos, le dieu du Ciel étoilé, pour que ce dernier puisse l’envelopper et la féconder. Ouranos représente donc l’Esprit inclus dans la Matière, et qui a tendance à s’extraire de cette Matière.
Puis Gaïa et Ouranos s’unissent incestueusement pour donner naissance aux Titans (dont Cronos), divinités primordiales qui précèdent les dieux de l’Olympe.
L’histoire d’amour entre Gaïa et Ouranos va être marquée par un conflit essentiel. Face au caractère autoritaire et désordonné d’Ouranos, qui déteste ses propres enfants et les ensevelit dans les profondeurs de la Terre, Gaïa s’allie à son fils Cronos dans le but de renverser Ouranos. Elle fabrique une faucille qu’elle confie à Cronos, avec laquelle ce dernier coupe les parties génitales de son père. Ces dernières, en flottant sur les eaux, engendreront la belle Aphrodite (Vénus).
Plus tard, le petit-fils de Gaïa, Zeus, se révoltera lui-même contre son père Cronos, comme si la mythologie grecque était en quête permanente d’un dieu parfait.
Gaïa et Ouranos représentent deux forces cosmiques essentielles, de puissance égale ; à ce titre, ils représentent la dualité de notre monde. Ils éclairent les notions d’amour et de haine, de complémentarité et de conflit.
Tentons d’y voir plus clair.
Gaïa : la Source, la mère.
En tant que divinité première, Gaïa est la Source. Elle est la gardienne de l’ordre cosmique, de l’équilibre universel et donc la source du pouvoir divin.
L’ordre cosmique est inscrit dans la Matière dont Gaïa est faite. Ce qui semble signifier que l’Esprit est inclus dans la Matière, indissociable d’elle. Pour preuve : Ouranos est enfanté par Gaïa.
Alors que l’Esprit ouranien peut paraître désordonné, le Principe gaïen est un rappel à l’ordre permanent : Gaïa contrôle, limite les excès d’Ouranos. C’est elle qui provoque la rébellion de Cronos contre son père, et aussi la révolte de son petit-fils Zeus contre Cronos. Elle dresse aussi les Géants et Typhon contre Zeus. Elle maintient l’équilibre cosmique et réprime toutes les ambitions déplacées.
Ainsi, Gaïa prime sur Ouranos. Pourtant, sans Ouranos, Gaïa serait néant.
Ouranos : la fécondité désordonnée.
Gaïa a besoin d’enfanter Ouranos, lequel la fécondera pour donner naissance à toutes les créatures du monde.
Ouranos représente donc la fécondité. Il est associé au Ciel qui fait pleuvoir, fertilisant la terre en l’arrosant de ses pluies.
Mais Ouranos est aussi le symbole d’une effervescence ou d’une prolifération créatrice qui détruit tout ce qu’elle engendre. En effet, Ouranos tout puissant cherche à anéantir ses propres enfants, qu’il craint et qu’il hait.
Ouranos représente l’instabilité, les cycles de création et de destruction, de vie et de mort. La mutilation d’Ouranos par son fils Cronos met un terme à cette odieuse et incontrôlable fécondité : cet épisode marque un moment d’arrêt permettant le retour à l’équilibre. Le règne de Zeus marquera un nouveau départ, cette fois plus ordonné, plus durable.
Ainsi, la mythologie grecque alterne phases de désordre et d’équilibre, de conflit et de paix, afin de parvenir à un état de stabilité définitif.
Gaïa et Ouranos : la dualité.
Gaïa et Ouranos représentent la dualité fondamentale. La Terre génère le Ciel, car la Terre sans le Ciel n’aurait aucun sens, aucune existence. On l’a compris, pour émerger du Chaos, Gaïa doit obligatoirement donner naissance à Ouranos.
Cette dualité est par définition féconde : elle donne naissance à toute chose manifestée. Mais Gaïa veille à limiter l’ardeur créatrice d’Ouranos afin de ne pas mettre en péril l’équilibre cosmique.
On retrouve deux aspects essentiels de la dualité telle qu’exprimée dans les grandes traditions spirituelles :
- Ouranos est force démiurgique débordante, créatrice, spontanée, anarchique et inconsciente,
- Gaïa est force centrale, organisatrice et limitante.
Ainsi, Gaïa et Ouranos s’enlacent, se complètent, s’aiment, se haïssent et se poursuivent, tels les deux dragons qui s’entrelacent (Chine, Japon).
Ce qui n’est pas sans rappeler d’autres symboles :
- le yin et le yang,
- le soleil et la lune en alchimie,
- l’ouroboros.
Au final, Gaïa et Ouranos sont inséparables. Gaïa a besoin d’Ouranos pour créer le monde. Quant à Ouranos, son côté débordant nécessite d’être canalisé, épuré. Débarrassé de son imagination débordante, l’Esprit ouranien est destiné à évoluer vers la raison ; c’est ainsi qu’il pourra véritablement éclairer la matière.
Lire aussi notre article sur l’ordre et le chaos.
Modif. le 16 octobre 2021