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Le GADLU : créateur, concepteur, réalisateur ?

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Le GADLU : est-il un principe concepteur ou réalisateur ? Comment définir le Grand Architecte de l’Univers au R.E.A.A. ?

À quoi tout cela sert-il ? Quel est notre destin ? Quel monde préparons-nous à nos enfants ? Quel sens à ma vie ? Autant de questions intimes vieilles comme le monde, des questions que nous nous sommes posées lorsque nous avons décidé d’entrer en franc-maçonnerie. Pour les profanes, religions, cultures, coutumes proposent des réponses toutes prêtes à ces questions, et des normes stables.

Nous travaillons à la recherche de la vérité. Nous sommes des cherchants. Travailler sur la notion de GADLU en général et réfléchir sur la question « le GADLU concepteur ou réalisateur » en particulier, c’est essayer de répondre à ces questions.

Tout d’abord, quelques définitions :

  • concepteur : c’est celui qui conçoit qui crée,
  • réalisateur : c’est celui qui concrétise qui rend réel et effectif une création qui s’accomplit.

Avant d’aborder la question posée, évoquons l’idée du GADLU.

Voir aussi notre liste de planches au 3ème degré REAA

Cette idée est essentielle et fondamentale dans la philosophie maçonnique. C’est même la clé de voûte du R.E.A.A.

Il faut en premier lieu s’interroger sur le contenu et le sens de l’idée d’ « Architecte ». Étymologiquement, le mot grec arkhitecton vient de arkein qui signifie commander, et de tekton qui signifie l’artisan.

L’architecte est celui qui dirige les artisans ; c’est celui qui exerce l’art de bâtir, qui trace les plans, qui donne son sens à la construction. Les artisans sont les maçons qui polissent les pierres et taillent les colonnes.

La première tentation serait d’associer l’idée de GADLU à celle de dieu, au dieu des religions, au dieu des philosophes ou au dieu des savants. De nombreux penseurs l’ont fait. A ce titre, citons seulement Newton :

Ce dieu Architecte, dieu des savants, est aussi celui de la Bible. Il est le dieu de la Nature et aussi celui de l’Histoire. Il gouverne tout, non seulement comme l’âme du monde mais aussi comme le seigneur de toute chose.

De même, dans sa célèbre épître à Newton, Voltaire dit :

Dieu parle, et le chaos se dissipe à sa voix :
Vers un centre commun tout gravite à la fois.
Ce ressort si puissant, l’âme de la nature,
Était enseveli dans une nuit obscure ;
Le compas de Newton, mesurant l’univers,
Lève enfin ce grand voile, et les cieux sont ouverts.

Epître sur la philosophie de Newton, Voltaire

En tant que francs-maçons, il nous faut poursuivre cette quête. Or le R.E.A.A. nous laisse libre d’interpréter l’idée de GADLU.

Notre démarche initiatique nous permet de mieux préciser et d’éclairer notre pensée ; notre conception du GADLU évolue au fur et à mesure de notre progression sur la voie initiatique. Le R.E.A.A. laisse le soin et la liberté à chacun de l’interpréter, selon sa propre complexion, selon sa foi, sa philosophie, sa culture.

A ce sujet, faisons un parallèle avec un passage de l’Ancien Testament qui dit « Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob, … » (Exode 3:6). Pourquoi ne pas dire Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, au lieu de répéter trois fois le mot Dieu ? Peut-être pour marquer que la perception qu’Abraham a de Dieu n’est pas celle d’Isaac ou de Jacob.

Même si on se réfère au même Dieu, aux mêmes valeurs, la perception que chacun en a peut être totalement différente. Ce Dieu pluriel donne le Dieu vivant. De même pourrait-on dire : on peut faire référence à un Dieu unique, mais il y a une perception plurielle de Dieu, comme du monde ou de la vie. En quelque sorte, à chacun son Dieu. Cette conception se rapproche de l’idée maçonnique du GADLU.

Il est bien clair que le GADLU n’est pas un Dieu révélé, mais par sa dénomination d’Architecte, il est porteur d’un plan. Il nous engage dans une voie de spiritualité ; il nous amène à réfléchir et à rechercher la vérité.

Précisons que c’est à chacun de trouver le sens de sa vie ! Ainsi, travailler à la gloire du GADLU ne signifie pas rechercher le sens de la vie ou trouver une définition exacte de la notion de GADLU ; il s’agit tout simplement de trouver le sens de sa propre vie.

N’oublions pas que la notion même de sens de la vie est porteuse de dogmatisme et de totalitarisme. En quelque sorte, le franc-maçon se situe entre le non-sens d’une démarche purement matérialiste, dénuée de toute spiritualité, et le sens imposé d’une démarche dogmatique dépourvue de toute notion de progrès. Ceci rappelle le texte d’Anderson : « un maçon, s’il comprend bien l’Art, ne sera jamais un athée stupide ni un libertin irréligieux ».

A ce niveau, on peut dire que le principe de GADLU est également un symbole de liberté. En laissant à chacun la possibilité d’interpréter ce principe, la franc-maçonnerie refuse toutes les notions qui se referment sur elles-mêmes. En particulier, la comparaison entre le GADLU et un Dieu révélé. Dans le monde profane, le Dieu des uns est supérieur au Dieu des autres ; à l’inverse, le GADLU est porteur d’amour et de tolérance.

Ceci étant posé, le GADLU est-il concepteur ou réalisateur ?

Rappelons d’abord que nous travaillons à la gloire du GADLU et non à la gloire du « grand créateur de l’univers ». Cette remarque renforce l’idée que derrière le GADLU nous retrouvons le géomètre, celui qui met de l’ordre dans la Nature, celui qui ordonne, qui organise suivant un plan, qui le réalise et qui donne un sens à la vie et aux choses.

Cette nuance est importante et nous ne sommes pas obligés de retenir l’idée d’un être qui crée la matière. Le GADLU organise le monde selon l’ordre mais n’est pas le créateur du monde lui-même. L’affirmation et la glorification du GADLU qui ouvre et clôt les travaux à tous les grades est sans doute la reconnaissance d’un principe transcendant organisateur du chaos, et étant à l’origine de la Lumière.

De même que le GADLU a organisé l’univers et l’Homme selon la loi des nombres et de l’harmonie, de même les franc-maçons du Moyen-Age ont édifié les cathédrales, de même le franc-maçon doit être un bâtisseur à partir de pierres polies et vivantes : les hommes.

Tout ceci confirme que l’idée que le GADLU est la clé de voûte du R.E.A.A., idée difficile à appréhender parce que nous avons tendance à essayer de la personnaliser, de l’identifier, de la comparer à Dieu, alors que le GADLU se place à un niveau différent.

Dans cette perspective, le GADLU réalise, met en scène, rend réelle et effective la création.

Il est impossible pour l’esprit humain de saisir le vocable de GADLU. La transcendance de celui-ci ne permet pas à l’Homme de le nommer, de le comprendre parfaitement, de l’enfermer dans un concept.

Nous retrouvons ce fait dans la Bible. En effet, dans le livre de l’Exode, lorsque Moïse interroge Dieu, lui demande de dire son nom, ce dernier répond « je suis qui je suis » ou « je suis celui qui suis » ou « je suis celui que je suis » ou « je suis celui qui est ». Ces différentes traductions affirment l’existence d’un être, ou d’une capacité à être, mais laissent planer le mystère sur sa nature, sur sa réalité et les modalités de son action.

Le franc-maçon peut essayer d’approcher et d’appréhender cette idée de GADLU par la voie du symbole. On peut ainsi comparer par analogie l’univers à un édifice, à un temple. L’univers, comme un édifice, a un plan, un ordre, un sens et une finalité. On peut dire qu’il y a à l’origine de cet ordre un principe recteur et ordonnateur qui est à l’univers ce que l’architecte est à l’édifice.

Le GADLU représente le principe qui donne à la Nature forme et organisation et qui la fait passer du chaos initial à l’ordre, à un univers ordonné. En quelque sorte, il fait passer du monde des ténèbres à la Lumière. En travaillant à la gloire du GADLU, le franc-maçon peut réfléchir sur la nature et l’essence de ce principe, mais surtout, il doit essayer de réaliser une œuvre et de mener sa vie en conformité avec les lois de la sagesse et de l’amour.

En travaillant à la gloire du GADLU, le franc-maçon manifeste son attachement à l’idée d’un univers où le sens l’emporte sur le non-sens, l’ordre sur le chaos, l’amour sur la haine et la Lumière sur les ténèbres. En référence au GADLU, le franc-maçon s’efforce de toute sa volonté et de tout son courage de faire triompher dans un monde qui trop souvent les méconnaît et les rejette, ces valeurs d’amour et de tolérance.

A l’opposé, l’obscurantisme représente l’état d’un individu qui se positionne et agit dans le monde sans référence à un principe supérieur ; il croit donc, par ses propres facultés, pouvoir être le maître de ses actions et de son destin. C’est pour éviter cette dérive que tous nos travaux commencent par l’invocation du GADLU.

Le GADLU ordonne le monde en se basant sur la géométrie et sur une harmonie des divines valeurs que sont la Sagesse, la Force et la Beauté. Pour le franc-maçon, la contemplation de cet univers lui permet d’avoir un modèle pour son comportement moral et social, un plan pour la construction de son propre temple et un moyen pour s’élever vers des réalités invisibles. Cette construction personnelle est nécessaire pour travailler efficacement pour le bien de l’humanité.

Le GADLU a-t-il également tracé le plan du temple que bâtissent les franc-maçons ? Si oui, l’œuvre commune des franc-maçons est donc la réalisation d’un projet divin suivant le plan tracé par le GADLU. L’ordre symbolique de la loge, le respect du rite, l’étude des symboles sont des supports proposés aux franc-maçons, qui doivent leur permettre de travailler sur la construction de leurs propres temples en respectant le plan du GADLU.

En fait, ce plan divin, le franc-maçon comme tout homme le porte en lui. Le franc-maçon a bien en lui tout ce qui est nécessaire pour construire ce temple. L’initiation peut alors être considérée comme le commencement de cette connaissance que chacun a au fond de lui, obscurcie et voilée par les ténèbres de notre condition présente.

Au final, le GADLU est-il un concepteur ? Est-il le créateur de toute chose ? S’il est créateur, cette création est-elle première ou est-elle de toute éternité ? Est-elle consciente ou spontanée ? Le monde aurait-il pu être autrement ? La vie, au sens biologique et psychique ne serait-elle pas la matière en quête du sens d’elle-même ?

Au final, le GADLU n’a pas grand chose à voir avec le Dieu des religions ; il représente une entité qui existe par le travail des franc-maçons, car celui-ci s’inspire d’un idéal propulseur et d’une formidable énergie. Une force supérieure à eux-mêmes les fait agir et coordonne leurs efforts avec une intelligence et une cohérence qu’ils sont loin de posséder individuellement. Que chacun l’interprète à sa façon.

Chacun doit continuer à travailler, à chercher, à réfléchir sur cette notion de GADLU non pas pour découvrir une vérité ou un théorème, mais tout simplement pour se construire, pour trouver le sens de sa propre vie.

Dans un sens, le GADLU est sans doute concepteur et réalisateur, mais encore faudrait-il définir clairement ces mots.

Un texte d’Eglise dit : « Dieu est le concepteur, Jésus est le réalisateur et le Saint Esprit est l’expérimentateur… »

Quoi qu’il en soit, nous sommes à la fois concepteurs et réalisateurs de notre temple intérieur, même s’il faut laisser toute sa part au mystère.

L’homme ne se construit qu’en poursuivant ce qui le dépasse.

André Malraux

Pour aller plus loin :

Les essentiels du troisième degré maçonnique Adrien Choeur

Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.

Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.

Modif. le 1 juillet 2024

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