Qui sont les fondateurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté ? Quels sont les personnages les plus éminents du R.E.A.A. ? Voici une liste de quelques illustres.
Faire un choix parmi les grands personnages qui ont illustré l’histoire, dense et complexe, du Rite Écossais Ancien et Accepté relève de l’impossible : pourquoi opter pour tel personnage plutôt que pour tel autre ? Qui mérite mieux qu’un autre de figurer dans le panthéon des membres ayant eu un rôle significatif dans la genèse et le développement du R.E.A.A. ?
Il est toutefois possible de citer quelques noms incontournables.
Voici quelques-uns des grands noms et des fondateurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté.
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Les fondateurs lointains du Rite Ecossais Ancien et Accepté
Commençons par les plus lointains fondateurs, indirectement à l’origine du R.E.A.A.
Tout d’abord, il faut citer William Schaw (1550-1602) parmi les précurseurs du R.E.A.A., pour avoir posé les statuts du métier auxquels les maçons actuels peuvent se rattacher et où ils peuvent retrouver leurs racines.
Parmi les « acceptés », nous retiendrons Robert Moray, l’une des grandes figures de l’Angleterre du XVIIe siècle, premier spéculatif avéré admis dans une loge de maçons du métier, et Elias Ashmole, savant, chercheur, alchimiste, avocat et homme de loi, parmi les fondateurs de la Royal Society, qui rendit compte de sa réception comme apprenti.
Les pasteurs Anderson et Desaguliers, bien qu’ils n’eussent aucun lien direct avec le Rite, méritent cependant d’être signalés pour avoir instauré le concept d’obédience, inconnu jusqu’alors, et d’avoir ainsi ouvert la voie à Laurence Dermott (Dublin, 1720 – Londres, 1791) dont l’ouvrage Ahiman Rezon servit de Constitution aux Anciens et permit aux lecteurs français de les connaître ; il servit aussi de base de défense contre les attaques des « Modernes ».
Un personnage important retenu par l’histoire maçonnique, mais que beaucoup ont reconnu à tort comme le « père » de l’écossisme, est le chevalier de Ramsay (Écosse, 1686 – Saint-Germain-en-Laye, 1743), qui introduisit, dans ses fameux « Discours » (1736, 1738), la tradition chevaleresque qui influencera certes grandement le symbolisme et l’esprit du R.E.A.A.
Les fondateurs directs du Rite Ecossais Ancien et Accepté : Morin, Francken, Grasse-Tilly
Étienne Morin (Cahors, vers 1717 – Kingston, 1771) fut admis dès 1748 au sein de la loge de Bordeaux « Les Parfaits Élus ou Anciens Maçons, dits Écossais », connue aussi sous un autre intitulé : « Loge écossaise de Saint-Jean de Jérusalem ». Il commerça entre la France et les Antilles.
En 1761, il obtient une « patente » délivrée par le « Conseil des empereurs d’Orient » et par les maîtres parisiens de la première Grande Loge de France, afin de diffuser les « sublimes degrés français » sur les territoires du Nouveau Monde.
Arrivé à Saint-Domingue en 1763, Morin reçoit les statuts et règles arrêtés par quatorze commissaires de la Grande Loge de France. Il les adapte pour organiser le « Rite du Royal Secret » en 25 degrés.
Etienne Morin figure ainsi parmi les principaux contributeurs de ce qui constitue aujourd’hui le Rite Ecossais Ancien et Accepté.
Le rôle clé de Francken
Henry Francken (d’origine néerlandaise, naturalisé anglais, résident jamaïcain) se voit conférer par Etienne Morin la qualité de député inspecteur. Il recopie les « Grands Statuts et Règlements faits en Prusse et en France », datés du 7 septembre 1762, rédigés par neuf commissaires nommés par le Conseil des Sublimes Princes du Royal Secret au Grand Orient de France (à Paris), ainsi que les rituels que lui avait transmis Morin. Il les diffuse à Kingston, en Jamaïque, puis aux États-Unis et les publie le 30 août 1771, peu de temps avant la mort de Morin.
D’après Alain Bernheim, ces documents sont signalés dans le Livre d’Or de Grasse-Tilly comme ayant été rédigés au Grand Orient de Bordeaux. On notera qu’Albert Mackey (1807-1881), considéré dans son pays comme the best informed Mason in America, voyait en Francken le premier propagateur des hauts grades aux États-Unis.
Grasse-Tilly : le plus éminent
Alexandre François Auguste, comte de Grasse, marquis de Tilly (1765-1845), incarne sans doute le personnage le plus éminent du R.E.A.A. Reçu membre du Suprême Conseil de Charleston (le premier au monde, créé en 1801) en 1802, il obtient patente de celui-ci pour fonder un « Suprême conseil des îles françaises d’Amérique, du Vent et Sous-le-Vent » et l’établit en 1802.
Cette entité jouera un rôle considérable car, en vertu des Grandes Constitutions, elle permettra à la France de créer un second Suprême conseil pour ses possessions d’Amérique. Après maintes tribulations, ce Suprême Conseil, dit d’Amérique, rejoint en 1821 le Suprême Conseil de France que Grasse-Tilly avait déjà fondé en 1804 à partir d’un grand consistoire du 32ème. Ce consistoire avait aussi autorisé la formation d’une Grande Loge symbolique écossaise, qui ne dura que quarante-cinq jours avant de disparaître à la suite du concordat du 5 décembre 1804.
Auguste de Grasse-Tilly fut un grand propagateur du R.E.A.A. ; outre la création des deux Suprêmes conseils ci-dessus, ajoutons à son crédit ceux d’Italie (Milan, 1805), des Deux-Siciles (Naples, 1809), d’Espagne (1811) et des Pays-Bas (Bruxelles, 1817).
Durant cette période, citons les rôles déterminants de Jean-Baptiste Pyron (1750-1818), Grand Secrétaire général, et d’Honoré Muraire (1750-1837), lieutenant Grand Commandeur, pour leur ardeur à défendre le R.E.A.A. contre les prétentions du Grand Orient de France à obtenir la fusion de tous les rites sous son autorité.
Les consolidateurs : Cambacérès, Decazes, Viennet
Jean-Jacques Régis de Cambacérès (1753-1824), duc de Parme, succéde en 1806 à Grasse-Tilly à la tête du Suprême Conseil de France ; en réalité, il préside la plupart des organisations maçonniques sous l’Empire, chose rendue possible par sa proximité avec Napoléon. Malgré ses éminentes fonctions politiques d’archichancelier, qui font de lui le second personnage de l’État, il reste un maçon très actif.
Élie Louis Decazes (1780-1860), duc de Decazes et de Glücksbierg, est largement associé au R.E.A.A. En tant que Grand Commandeur du Suprême Conseil d’Amérique (après Grasse-Tilly), il en facilite, en 1821, la fusion avec le Suprême Conseil de France dont il devient plus tard le Grand Commandeur, de 1838 à 1860.
Il mène une carrière politique de premier plan sous le règne de Louis XVIII, obtient de lui la levée de l’exil des frères qui s’étaient ralliés à Napoléon durant les Cent-Jours, ainsi que l’autorisation aux loges maçonniques de se réunir, à condition qu’elles ne dépassent pas vingt membres conformément à la loi d’association. Cette autorisation marque, indirectement, la première reconnaissance officielle de la franc-maçonnerie en France.
Decazes portera un grand intérêt pour la technique et l’industrie, créa des forges importantes dans le bassin minier de l’Aveyron. La ville de Decazeville porte son nom.
Parmi les fondateurs du Rite Ecossais Ancien et Accepté, il faut aussi citer Jean Pons Guillaume Viennet (1777-1868), homme politique et littérateur, membre de l’Académie française. Il prend la suite de Decazes à la Grande Commanderie du Suprême Conseil de France, de 1860 à 1868. Son nom reste attaché à la fameuse polémique qui l’opposa vigoureusement au maréchal Magnan, nommé par Napoléon III Grand Maître du Grand Orient de France, initié en un jour aux 33 degrés du R.E.A.A. et qui prétendait assujettir le Suprême Conseil de France à son obédience. La vive résistance de Viennet sauvera la juridiction.
Les successeurs
Adolphe Crémieux (1796-1880), avocat, orateur talentueux, connait une grande carrière politique lors de la révolution de 1848, puis comme membre du gouvernement de la Défense nationale, en 1870-1871.
Il est l’auteur du célèbre décret du 24 octobre 1870, dit décret Crémieux, qui confère la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie. D’abord initié au Grand Orient de France, il rejoint en 1868 le Suprême Conseil de France et en devient le Grand Commandeur de 1869 à 1880. Spiritualiste convaincu, il fait front contre les idées positivistes qui agitent les loges et maintient la référence au Grand Architecte de l’Univers. Il appuie la position non dogmatique du Convent de Lausanne (1875) qui préserve la nature spiritualiste du R.E.A.A. et la liberté de conscience des maçons. Il est le rédacteur d’une Déclaration de principes pouvant être considérée comme la charte du R.E.A.A.
Après Crémieux, d’autres Grands Commandeurs manifestent leur forte personnalité dans l’exercice de leur charge au service de l’écossisme. On aurait pu mentionner d’autres figures qui orientèrent directement ou indirectement le Rite vers sa spécificité traditionnelle et spiritualiste, telles qu’Oswald Wirth, Albert Lantoine ou René Guénon.
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Modif. le 20 avril 2025