« Etes-vous Maître Secret ? Je m’en glorifie » : voici une planche au 4ème degré REAA. Comment interpréter la glorification au grade de Maître Secret ?
Telle que proposée par le rituel du 4ème degré, la glorification du Maître Secret paraît pour le moins curieuse voire étonnante, tant elle peut faire penser à une forme d’auto-satisfaction.
Le franc-maçon aurait-il perdu son humilité en accédant aux degrés supérieurs ? Rien n’est moins sûr. En réalité, cette glorification possède une signification cachée qu’il convient de rechercher, comme une invitation à saisir le sens profond du 4ème degré.
LE TROIS FOIS PUISSANT MAÎTRE
Frère Premier Inspecteur, êtes-vous Maître Secret ?LE PREMIER INSPECTEUR
Rituel d’ouverture du 4ème degré REAA
Je m’en glorifie.
Voir aussi l’Instruction du Maître Secret :
Demande – Êtes-vous Maître Secret ?
Instruction au grade de Maître Secret
Réponse – Oui, je m’en glorifie.
Le franc-maçon avait déjà rencontré le thème de la glorification au 2ème degré maçonnique avec le puissant « Gloire au travail », invitation à la découverte, au voyage, à l’effort, dans le but de repousser toujours plus loin les frontières de l’illusion et des préjugés.
Mais cette fois, la glorification concerne le franc-maçon lui-même : elle constitue même un signe de reconnaissance.
Voici une interprétation de cette phrase du rituel du 4ème degré : « Etes-vous maître secret ? Je m’en glorifie. »
Voir aussi notre liste de planches au grade de Maître Secret.
Etes-vous Maître Secret ? Je m’en glorifie
Au sens profane, la gloire est un honneur acquis par une action ou un mérite. La gloire est forcément personnelle. Quant à la glorification, elle est le fait de célébrer un individu, un acte, ou d’en faire l’apologie.
Mais le sens de la gloire et de la glorification est quelque peu différent au 4ème degré.
Et pour cause, il n’y a aucune raison, au 4ème degré, de s’auto-glorifier. Rappelons-le, notre exaltation au grade de Maître devait marquer notre couronnement : nous nous attendions ce que l’on nous donne accès aux ultimes secrets, avec les honneurs.
Mais les trois mauvais Compagnons ont surgi et tout s’est effondré : nous n’avons pas été à la hauteur, nous n’avons pas été capables de nous maîtriser nous-mêmes, nous avons manqué de clairvoyance et d’humilité, nous nous sommes illusionnés.
Nous avons échoué, et ce titre de « Maître » que nous avons acquis n’est qu’un titre de papier.
Au 4ème degré, nous nous retrouvons dans le même état : le Temple est inachevé, les travaux sont arrêtés, les murs sont tendus de noir, des larmes d’argent sont partout présentes, la loge est plongée dans le deuil et la tristesse, les trois mauvais Compagnons (qui représentent la partie incontrôlable de nous-même) courent toujours, et nous sommes bien loin de pouvoir accéder à la Vérité.
Nous avons perdu tout espoir, et pourtant, nous nous glorifions d’être Maître Secret. Comment cela est-il possible ?
Continuer le travail d’une autre manière
En perdant tout espoir, nous avons aussi perdu nos faux espoirs, et c’est là l’essentiel. Le drame du 3ème degré a cela de bon qu’il nous a permis de démasquer les trois mauvais Compagnons qui étaient là, tapis dans l’ombre, tirant les ficelles de notre conscience. Certes, l’ignorance, le fanatisme et l’ambition courent toujours, mais nous sommes désormais à leur poursuite.
Autrement dit, nous pouvons nous satisfaire au moins d’une chose : nos dernières illusions sont en train de tomber. Et il a fallu pour cela passer par le deuil, les larmes, le désespoir et l’affliction : il a fallu abandonner quelque chose d’important en nous, d’essentiel pour nous, autrement dit une part de notre ego.
Car il faut le reconnaître, l’ego était jusque-là le moteur de notre quête spirituelle. A présent, il est remplacé par un autre moteur : le Devoir, qui se suffit à lui-même.
Nous sommes prêts, désormais, « à accomplir notre devoir parce qu’il est le Devoir, sans songer à la récompense, et à être satisfaits de l’approbation de notre seule conscience », sachant qu’il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer.
Ainsi, nos seuls guides sont désormais le Devoir et l’Espérance ; ils ont remplacé en cela les passions et les faux espoirs. Et c’est bien ce changement qui nous permettra de remporter les victoires futures, pour lesquelles nous sommes déjà couronnés :
LE TROIS FOIS PUISSANT MAÎTRE
Rituel d’initiation au grade de Maître Secret
Je vous couronne de Laurier et d’Olivier, dans l’espérance de vos succès futurs et de votre ultime victoire.
(…)
Dans cette couronne, le Laurier est l’emblème de la victoire que vous devez remporter sur vos passions ; l’Olivier, celui de la paix et de l’union qui doivent toujours régner entre des Frères.
Par conséquent :
- Je me glorifie d’avoir perçu mes défauts,
- Je me glorifie d’être dans le doute, de reconnaître que je ne sais rien,
- Je me glorifie de continuer le travail, même sans espoir d’accéder un jour à la Vérité,
- Je me glorifie de ne plus attendre aucune gloire pour moi-même (quel paradoxe !),
- Je me glorifie de travailler à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.
Cette dernière proposition est sans doute la plus importante : désormais, nous sommes bien conscients que nous ne travaillons plus pour notre gloire, mais pour la gloire de ce qui nous dépasse. Nous nous mettons au service du Tout et de l’universel, sans rien attendre pour nous-mêmes. Nous sacrifions notre individualité à ce qu’il y a de plus grand, et c’est cela même qui nous grandit.
Celui qui parle de son chef cherche sa propre gloire ; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, celui-là est vrai, et il n’y a point d’injustice en lui.
Jean 7, 18
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 28 planches essentielles pour approfondir les thèmes du quatrième degré REAA.
Il offre des points d’appui pour décrypter les sentences, les décors, les signes et objets symboliques rencontrés par le Maître Secret.
Modif. le 23 mars 2024
