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Entrons dans les voies qui nous sont tracées (planche)

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Entrons dans les voies qui nous sont tracées : quel chemin la franc-maçonnerie propose-t-elle à l’initié ? Voici une planche au 1er degré.

Lors de l’ouverture des travaux en loge, une formule en particulier fait le lien entre le monde profane et le monde du sacré :

LE VENERABLE MAITRE
Puisque la loge est dûment couverte et que tous les assistants sont apprentis F.M., entrons dans les voies qui nous sont tracées.

Rituel d’ouverture du 1er degré

Et le V. M. de poursuivre le rituel d’ouverture en interrogeant le Premier Surveillant :

LE VENERABLE MAITRE
Qu’avons-nous demandé lors de notre première entrée dans la Loge ?

LE PREMIER SURVEILLANT
La Lumière, Vénérable Maître.

La loge non couverte et dont les frères n’avaient pas encore été reconnus francs-maçons était plongée dans l’obscurité, elle va désormais pouvoir recevoir la lumière.

Cette « lumière » est donc, à l’évidence, la voie qui nous est proposée. Mais qu’est-ce que cette lumière ? Que comporte-t-elle ? Quels sont les chemins qui nous sont offerts et par qui ont-ils été tracés ? Dans quel but ? A-t-on d’autre choix que de les suivre ?

« Entrons dans les voies qui nous sont tracées » : voici donc une planche maçonnique au 1er degré.

Voir aussi notre liste de planches au 1er degré

Une voie est un chemin, une route. Le rituel évoque la présence de plusieurs chemins (« les voies ») dans la progression de l’initié. Y aurait-il plusieurs manières d’arriver à l’objectif ? Et d’ailleurs, quel est cet objectif ? S’agit-il d’atteindre le Graal, le Royaume de Dieu, le nirvana, la Vérité, la sagesse, la pleine conscience, la sérénité, la Connaissance ? S’agit-il de percevoir l’Ordre universel ? S’agit-il de s’élever spirituellement, s’agit-il de construire une société parfaite ?

En fonction de l’objectif retenu, certains emprunteront le chemin de la foi, d’autres celui de la philosophie, celui des sagesses orientales, celui des sciences, de la psychologie ou de l’alchimie : la franc-maçonnerie accepte tous ces chemins, elle s’en nourrit et en produit un syncrétisme.

On peut considérer que notre chemin spirituel est tracé d’avance : on parlera alors de destinée. On peut aussi partir du principe que le chemin dépend de nous, de nos choix. Chacun est alors libre de définir et de suivre sa propre voie.

Chacun pourra se poser la question : sommes-nous entrés en franc-maçonnerie par choix ou parce que c’était notre destin ?

Quoi qu’il en soit, la voie dont nous parlons ici n’est pas toujours claire à notre esprit. Elle vise à atteindre le but que l’on s’est fixé, mais avant tout, la plus grande partie du travail consiste à découvrir la voie elle-même.

Par ailleurs, il se pourrait que, chemin faisant, l’objectif varie, et donc que l’on souhaite changer de route, ou tenter d’autres chemins. Ainsi, la voie est déjà une quête en soi.

Il se pourrait même que l’objectif que nous nous sommes fixés soit l’obstacle sur le chemin. Car se fixer un objectif, c’est s’attacher à une idée préconçue, c’est désirer quelque chose qui relève peut-être de l’illusion.

Autrement dit, le désir d’atteindre le bout du chemin nous plombe : il fait partie du problème plus que de la solution. Paradoxalement, renoncer au but, c’est se donner une chance de l’atteindre ; s’accrocher à l’objectif, c’est risquer d’échouer…

Lire aussi notre article : Le but, c’est le chemin

La quête est donc une ouverture, une découverte plutôt qu’un effort tourné vers un objectif prédéfini. Pourtant, le rituel nous fixe des objectifs assez clairs.

Selon les textes, notre but est de travailler à notre perfectionnement et au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité. Le rituel et les travaux maçonniques sont là pour nous guider dans cette tâche. Chacun essaie, selon ses capacités, de construire un morceau du Temple universel.

Et le rituel nous aide à avancer sur cette voie. Il nous fournit sans cesse de nouveaux outils symboliques et suggère de nouveaux usages aux outils que l’on pensait déjà connaître. Il nous propose une progression par degrés. Il ordonne le chantier, le définit, l’organise.

Mais le rituel ne vit pas par lui-même : ce sont des hommes, des francs-maçons qui le font vivre, dans une logique de transmission perpétuelle. Les francs-maçons ont tracé des voies, nous léguant leurs institutions, leurs travaux, leurs valeurs, leur exemple.

« Entrons dans les voies qui nous sont tracées » signifie peut-être que nous devons poursuivre leur route, reprendre leurs outils pour continuer le travail qu’ils ont commencé.

En ce sens, la « voie » serait donc basée sur la tradition, sur l’héritage de tous ceux qui ont participé à construire notre Ordre.

Le rituel, s’il fixe des objectifs de progression individuelle et collective, reste assez flou sur plusieurs aspects de la recherche à mener. Il offre avant tout un point d’appui à une quête qui ne pourra être que personnelle.

L’apprenti travaille à dégrossir sa pierre brute à l’aide du maillet, du ciseau et de la règle à 24 divisions : que doit-il trouver, que va-t-il trouver concrètement ? Rien n’est dit dans les textes, qui s’emploient d’ailleurs à ne pas exposer l’initié à une trop grande lumière…

Le rituel est un simple guide qui structure la volonté et l’action. Mais sans volonté et sans action, le rituel n’est rien, il ne sert à rien.

Certes, grâce au rituel , l’apprenti n’est pas perdu ; il bénéficie de balises, de repères, de jalons. Le rituel indique aussi les différents états profanes et sacrés, et le passage des uns aux autres ; il incite à porter attention sur des choses que nous ne verrions pas…

Le rituel nous enseigne à laisser nos métaux à la porte du Temple afin de nous détourner de tout ce qui brille d’un éclat trompeur. Il nous invite au travail. Mais il ne donne aucune clé, aucune réponse, il ne résout aucune énigme…

L’initié n’est pas seul pour polir sa pierre brute : il peut s’appuyer sur ses frères et bénéficier de leurs lumières. Chacun pourra s’ouvrir et partager sa vision des choses, éclairant ainsi un bout du chemin.

Chacun va travailler sur lui-même et tous vont travailler ensemble, pour au final former une même voie, faite de diversité et de complémentarité, pour marcher vers une même Lumière libératrice.

En franc-maçonnerie, tout est voie, tout est signe pour éclairer les aveugles que nous sommes. Un rite, un rituel, une obédience, une loge, une tenue, un degré, un frère, une planche, une référence, une réflexion : autant de voies que nous pouvons emprunter pour avancer.

L’initié voyage, se nourrit de différentes traditions, de différents points de vue, de différentes sources, de différentes sensibilités, mettant ses pas dans ceux de ses aînés.

Toutes ces voies ont un point commun : elles n’imposent rien, ni obligation, ni doctrine, ni dogme. Elles reposent sur une méthode elle-même fondée sur l’ouverture et la raison. La seule certitude, c’est que nous ne savons rien, en tous cas rien de définitif : cela constitue notre voie, la seule qui compte.

Lorsque le V.M. nous invite à entrer dans les voies qui nous sont tracées, il annonce en réalité l’ouverture des travaux, l’ouverture de l’espace sacré selon un formalisme qui respecte une tradition séculaire. Il ouvre la voie, la voie des anciens. Les trois piliers s’éclairent, le frère Expert fait apparaître les trois grandes Lumières, le mot de passe circule, enfin le V.M. déclare les travaux ouverts.

Cette voie de Lumière, c’est certainement la voie du coeur : tout nous appelle à nous ouvrir, à nous laisser traverser par la Vérité.

Pour aller plus loin :

livres maçonniques

Modif. le 7 août 2024

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