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Le discours de Ramsay : analyse

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Le discours de Ramsay : analyse. Comment interpréter le célèbre discours de Ramsay de 1736, fondateur de la franc-maçonnerie française ?

Andrew Michael de Ramsay, né en Écosse, le 9 juin 1685, est nommé en 1723 Chevalier de l’Ordre de Saint-Lazare en France, et il se voit délivré un brevet de noblesse, d’où son titre de Chevalier.

Ramsay correspond à l’archétype de l’homme instruit de son époque ; il avait un bagage de littérature classique, de philosophie antique, moderne et chrétienne, et il pouvait se permettre de s’intéresser à presque tous les sujets, y compris aux disciplines qu’aujourd’hui nous nommerions scientifiques ; en référence à l’intérêt de nos rituels pour les sept arts libéraux.

Le fameux discours du Chevalier de Ramsay, daté du 26 décembre 1736 a connu deux versions offrant des variantes assez importantes.

Le discours s’articule en deux parties : la première traite des qualités requises pour devenir franc-maçon, la deuxième des origines et de l’histoire de l’ordre.

Le discours de Ramsay a largement influencé, sinon fondé la tradition maçonnique française, et notamment les Hauts Grades dans leur aspect le plus chevaleresque. Mais surtout, Ramsay a jeté les bases d’une franc-maçonnerie humaniste et universaliste.

Voici donc une analyse du discours de Ramsay.

Voir aussi : Discours de Ramsay : texte complet

Tentons d’analyser les passages les plus marquants du discours de Ramsay, et de les mettre en relation avec le contenu de nos rituels actuels.

Les qualités requises pour devenir franc-maçon

Ramsay, orateur de sa loge, nous indique, dans son discours qui semble être prononcé pour l’acceuil de nouveaux membres, la base intellectuelle et morale de l’admission d’un candidat en loge :

La noble ardeur que vous montrez, Messieurs, pour entrer dans le très noble et très illustre Ordre des francs-maçons, est une preuve certaine que vous possédez déjà toutes les qualités nécessaires pour en devenir les membres, c’est-à-dire : l’humanité, la morale pure, le secret inviolable et le goût des beaux-arts.

Ici, l’amour du prochain est la pierre angulaire d’essence chrétienne, sur laquelle Ramsay fonde l’Ordre. Et c’est le non-respect de ce principe qui fait, d’après lui, défaillir les hommes et les nations.

Le propos universel de Ramsay vise à encourager le développement d’une confraternité entre les hommes de toutes origines. Il appelle à l’unité, malgré la diversité des langages et des nations :

Les Hommes ne sont distincts essentiellement que par la différence des langues qu’ils parlent, des habits qu’ils portent, des pays qu’ils occupent.

Nous voulons réunir tous les Hommes d’un esprit éclairé de mœurs douces et d’une humeur agréable, non seulement par l’amour des Beaux-Arts, mais encore plus par les grands principes de vertu, de science et de religion.

On retrouve ce message dans l’instruction au premier degré du REAA :

Qu’est-ce que le franc Maçonnerie ? C’est une Alliance universelle d’hommes éclairés, groupés pour travailler en commun au perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité.

La valeur individuelle doit s’apprécier en fonction des qualités morales. L’estime ne doit se mesurer que selon la constance et l’énergie que l’homme apporte à la réalisation du Bien.

La tradition chevaleresque

Ramsay déclare :

Ceux sont nos ancêtres, les Croisés, qui rassemblés de toutes les parties de la Chrétienté dans la Terre Sainte voulurent réunir ainsi dans une seule Confraternité les particuliers de toutes les Nations.

Ainsi, d’après Ramsay, les précurseurs de la franc-maçonnerie ne seraient pas les tailleurs de pierre, architectes ou artisans bâtisseurs de cathédrales, mais des chevaliers. L’Ordre serait, par ses origines conquérantes et libératrices, souché sur la noblesse d’épée et la chevalerie française.

Ramsay donne ainsi des origines de notre Ordre une explication opposée à celle des Constitutions d’Anderson qui constituent pourtant la charte de la maçonnerie anglaise.

En réalité, il existe bien une initiation « guerrière », comme il existe une initiation artisanale et sacerdotale. Traditionnellement, les sociétés sont fondées et organisées sur un ternaire de fonction : l’artisan, le guerrier, le prêtre. Ainsi, l’homme complet, parti à la recherche de la Trinité ou du Ternaire doit vivre ces trois formes d’initiation, à la poursuite de l’unité en lui.

Ramsay assure ainsi la complétude de notre démarche initiatique en insistant sur la voie chevaleresque et les valeurs associées.

Il existe d’ailleurs des similitudes entre la veillée nocturne de l’écuyer novice, préalablement à son élévation en tant que chevalier, et le cabinet de réflexion, situations toutes deux comparables à la célèbre caverne de Platon.

Le néophyte ne reçoit-il pas, genou en terre, un véritable adoubement du Vénérable Maitre qui frappe la tête puis les épaules ?

Ainsi, l’homme doit réunir en lui ce qui est épars et le sépare de son essence. Séparer vient du grec diabolein, le symbolein exprimant quant à lui la réunion avec cet autre (autre lui-même) plus grand que lui : c’est le chemin à parcourir.

Nous avons ici une chevalerie de l’esprit, chevalerie de l’action sur soi et dans le monde : il s’agit d’agir, tout d’abord sur soi, pour pouvoir agir ensuite vertueusement dans le monde. Il s’agit ainsi d’une chevalerie du Travail, de même que la voie opérative artisanale est qualifiée de religion ou « école du travail ».

La saine morale

La saine morale est la seconde disposition requise d’après Ramsay :

Les Ordres religieux furent établis, pour rendre les hommes Chrétiens parfaits ; les Ordres militaires, pour inspirer l’amour de la vraie gloire, et l’Ordre des Francs-Maçons pour former des Hommes et des Hommes aimables, de bons citoyens, de bons sujets, inviolables dans leurs promesses, fidèles adorateurs du Dieu de l’Amitié, plus amateurs de la Vertu que des récompenses.

Et Ramsay de nous indiquer la progression graduelle initiatique classique :

Nous avons parmi nous : des novices ou des Apprentis, des Compagnons ou des Profès, des Maîtres ou des Parfaits. On explique aux premiers les vertus morales, aux seconds les vertus héroïques, et aux derniers les vertus chrétiennes.

Ces thèmes maçonniques sont toujours travaillés dans les loges symboliques et traditionnelles, le plus important étant l’intelligence du cœur, du mérite et du travail glorifiant l’homme dans son progrès sur lui-même pour l’élever jusqu’à entrevoir la Lumière.

« Bâtir des cachots pour les vices et élever des temples à la vertu » sont les deux objectifs de l’apprenti entrant en franc-maçonnerie, selon Ramsay.

Le goût du secret

Le gout du secret est la troisième disposition requise.

Nous avons des secrets, ce sont des signes figuratifs et des paroles sacrées, qui composent un langage tantôt muet, tantôt très éloquent pour le communiquer à la plus grande distance et pour reconnaître nos Confrères de quelque langue qu’ils soient.

Il s’agit ici des signes et mots de reconnaissance qui permettent aux francs-maçons de se reconnaître, et Ramsay de préciser :

C’étaient des mots de guerre que les Croisés se donnaient les uns aux autres pour se garantir des surprises des Sarrasins.

Ramsay exclut encore une fois l’origine opérative artisanale de l’ordre : le maniement de l’épée prévaut sur le maillet et le ciseau. D’autre part, il indique :

Les esprits les plus légers, les plus indiscrets, les moins instruits à se taire, apprennent à se taire, à taire ces secrets inviolables.

Mais quelle est précisément la nature de ces secrets ? Etait-ce des signes et paroles de reconnaissance destinés à garder des enceintes militaires ? N’est-il pas plus intérieur, ce secret, dans le sens de quelque chose que nous ne pouvons que taire car indicible ?

Le goût des sciences et des arts libéraux

La quatrième qualité requise pour notre Ordre selon Ramsay est le goût des sciences (utiles) et des arts libéraux :

L’Ordre exige de chacun de vous de contribuer par sa protection, par sa libéralité ou par son travail, à un vaste Ouvrage auquel nulle Académie, et nulle Université ne peuvent suffire. Tous les Grands Maîtres exhortent tous les Savants et tous les Artistes de la Confraternité de s’unir pour fournir les matériaux d’un Dictionnaire Universel des Arts Libéraux et des Sciences utiles, la Théologie et la Politique seules exceptées.

Il s’agit, par son travail, de conquérir un statut d’homme, d’homme vrai. Ce statut n’est pas social mais initiatique.

Même si dans sa présentation, l’approche de ces qualités semble relever de savoirs à accumuler, il s’agit en réalité bien d’une conquête ésotérique de notre être intérieur qui nous est proposée par Ramsay.

Il s’agit de sortir de la caverne pour accéder à la Lumière, selon une méthodologie conquérante, tant externe (tous les savoirs pourraient être réunis dans une encyclopédie) qu’interne par l’acquisition d’une Connaissance qui n’est pas une quantité mais bien la recherche de qualités ou de facultés qui nous permettront d’entrer en résonnance avec des vérités ontologiques.

Origine et histoire de l’Ordre : le rôle des Croisés

C’est du temps des guerres saintes dans la Palestine, que plusieurs Princes, Seigneurs et Citoyens entrèrent en Société, firent vœux de rétablir les temples des Chrétiens dans la Terre Sainte, et s’engagèrent par serment à employer leurs talents et leurs biens pour ramener l’Architecture à primitive institution.

Pour Ramsay, le terme d’Architecture possède donc un double sens, opératif et universel. Il s’agit d’établir des temples en hommage au divin, mais aussi de refonder la société, en s’inspirant de la conquête chevaleresque en Terre sainte. Il s’agit bien sûr d’une image, car ce sont les cœurs qu’il faut désormais conquérir.

La loge maçonnique serait ainsi le produit de la tradition des bâtisseurs tout autant que de la chevalerie. Dans cette optique, c’est l’ancienne alliance entre l’Écosse et la France qui va permettre le foisonnement de « l’écossisme » dans notre pays, autrement dit, c’est par l’Écosse que reviendrait en France une tradition oubliée, d’inspiration chevaleresque.

La France, la nation la plus spirituelle de l’Europe deviendra le centre de l’Ordre ; elle répandra sur nos Ouvrages, nos Statuts et nos mœurs, les grâces, la délicatesse et le bon goût, qualités essentielles dans un Ordre, dont la base est la sagesse, la force et la beauté.

Le véritable enseignement du discours du Chevalier de Ramsay est initiatique, il n’est pas historique.

Les souvenirs historiques contribuent certes à l’édification initiatique de l’individu dans un vaste ensemble qui le dépasse. Mais de l’aveu même de Ramsay, « chaque famille, chaque République, et chaque Empire dont l’origine est perdue dans une antiquité obscure, a sa fable et a sa vérité, sa légende et son histoire, sa fiction et sa réalité ». Il ne faut donc pas s’attacher aux faits historiques de l’époque des croisades, mais à l’esprit qu’ils véhiculent.

Ce que Ramsay nous suggère, c’est la mise en œuvre d’une chevalerie de l’esprit, c’est-à-dire la recherche de qualités, de facultés, de vertus que le novice écuyer doit conquérir pour devenir un parfait chevalier, à l’image du compagnon franc-maçon opératif qui doit lui-aussi vaincre ses passions, son animalité, soumettre sa volonté en vue de rétablir l’unité en lui.

Voir aussi :

Les essentiels du premier degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.

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Modif. le 7 juin 2024

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