La différence entre libertaire, libertarien et libéral : définition et tentative d’approche. Comment aborder ces différentes visions de la liberté ? De quelle liberté parlons-nous ?
Les termes libertaire (apparu au XIXème siècle), libertarien (XXème siècle) et libéral (XVIIIème siècle) semblent proches et pourtant ne sont pas synonymes.
Tentons les définitions suivantes :
- la philosophie « libertaire » prône la liberté individuelle la plus étendue possible, notamment par la résistance à toute forme d’autorité (l’Etat, mais aussi les grandes entreprises, l’Eglise et toutes les « superstructures »),
- la philosophie « libertarienne » prône une société fondée sur la liberté des individus, lesquels s’organisent et coopèrent comme ils l’entendent selon les principes d’autonomie, de responsabilité et sur la base du contrat privé. Le libertarianisme se fonde aussi sur le droit de propriété, le marché et la libre-entreprise : l’initiative individuelle prime. Le rôle de l’Etat se limite à celui d’arbitre et de protecteur de l’espace de liberté de chacun,
- la philosophie « libérale » est proche du libertarianisme ; elle se fonde sur le contrat, sur la responsabilité de l’individu et sur le respect de ses droits fondamentaux : égalité devant la loi, liberté de conscience et d’expression, droit de vote, droit à la sécurité, droit de propriété, liberté d’entreprendre, etc. Sur le plan économique, le libéralisme prône le retrait de l’Etat, donc la dérèglementation et les privatisations.
Certes, les libertaires, libertariens et libéraux ont en commun le fait qu’ils prônent la réduction du rôle de l’Etat. Mais les libertaires vont plus loin en appelant à limiter toutes les formes de pouvoir et d’autorité : grandes entreprises, religion, école et plus généralement toutes les institutions qui véhiculent les idées « bourgeoises » et « capitalistes ».
Notons que le mouvement libertaire est proche de l’anarchisme : le refus de toute autorité – venant d’en haut ou de l’extérieur – se double d’un appel à l’autogestion et à la démocratie directe.
A ce titre, rappelons qu’anarchisme ne signifie pas « désordre », mais renvoie au contraire à l’existence d’un ordre sans autorité.
Entrons plus en détails dans la différence entre libertaire, libertarien et libéral.
La différence entre libertaire, libertarien et libéral : explication.
Libertaires, libertariens et libéraux peuvent s’accorder sur la question des libertés individuelles : ces trois systèmes de pensée sont en effet favorables à la liberté de conscience, d’opinion et d’expression, à la liberté sexuelle, à la liberté d’émigrer ou d’immigrer, ou encore à la dépénalisation des drogues douces.
En réalité, la principale différence entre libertaire, libertarien et libéral se joue sur le plan économique et concerne la question du droit de propriété.
Les libertaires (anarchistes) considèrent que « la propriété, c’est le vol » (Proudhon) autrement dit, la propriété est la spoliation de ceux qui n’y ont pas accès. Les libertaires s’opposent ainsi à toute possibilité d’accumuler, d’accaparer, de thésauriser ou de monopoliser. Ils rejettent tout système fondé sur la lutte économique et les inégalités sociales.
A l’inverse, les libertariens et les libéraux reconnaissent aux individus la possibilité de posséder voire d’accumuler sans limite des biens qui sont le résultat de leur travail et de leurs efforts.
Libertariens et libéraux s’inscrivent donc dans une logique économique clairement capitaliste, les différences sociales étant vu comme légitimes, puisque fondées sur le travail et le talent de chacun.
La différence entre libertaire, libertarien et libéral : le rapport à l’environnement.
Les philosophies libertarienne et libérale s’inscrivent dans une logique de prédation : les individus se concurrencent pour accéder aux terres, aux ressources et aux biens. Ils se livrent à une course à l’innovation afin d’améliorer les techniques d’extraction, d’exploitation et de production, ce qui conduit à une accumulation de capital toujours plus importante.
Dans la logique libérale, la Nature est vue comme un ensemble de ressources à exploiter. Par conséquent, les libéraux s’opposent à toute tentative de réglementation environnementale, qu’ils voient comme un risque pesant sur leur liberté d’entreprendre.
A l’inverse, la philosophie libertaire prône la coopération entre les individus et l’harmonie avec la Nature. L’innovation sociale et environnementale supplante alors l’innovation technologique.
L’impasse libertarienne ?
On peut voir un certain manque de cohérence dans le système de pensée libertarien. Ce dernier prône en effet une liberté individuelle totale tout en rendant possible la domination économique des uns sur les autres.
Cette domination économique prive de fait une large partie de la population de sa liberté puisque son mode de vie et son mode de pensée se trouvent influencés par la classe dominante, laquelle contrôle de fait le système médiatique, culturel, financier, politique, économique et social.
Précisément, cette situation est rendue possible par l’exercice du droit de propriété et par la possibilité d’accumuler le capital, ce qui se solde par l’apparition de positions dominantes ou de monopoles dans tous les secteurs.
Ainsi, l’harmonie sociale semble plus difficile à obtenir dans une société libertarienne que dans une société libertaire.
Droite, gauche : deux visions différentes de la liberté.
La différence entre libertaire, libertarien et libéral se fonde sur deux visions opposées de la liberté.
Les libertariens et les libéraux voient la liberté comme une sphère à étendre : chacun tente d’élargir son espace de liberté en direction des autres ou de la Nature, certes dans le respect du cadre fixé par la Loi. Ici, la liberté est synonyme de frontières, de limites à repousser ou au contraire à ne pas franchir : elle est un individualisme, que l’on peut classer à droite.
A l’inverse, les libertaires considèrent la liberté non pas comme un système séparateur et individualiste mais comme une valeur collective, base de la fraternité et du vivre-ensemble. La liberté est alors un moyen de se tourner vers les autres, de coopérer, de s’entraider : c’est une valeur de gauche.
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Modif. le 13 mars 2022