La différence entre anarchie et anarchisme : quelle est-elle ? Ces termes sont-ils synonymes ? Quelle est leur définition précise ?
Dans le langage courant, anarchie et anarchisme sont souvent confondus. Pourtant, les deux mots ont un sens différent, voire opposé.
- L’anarchie est un désordre, une désorganisation et une confusion dans la société.
- L’anarchisme quant à lui est une théorie politique et un système d’organisation sociale qui se fait sans contrôle hiérarchisé, c’est-à-dire sans Etat, sans gouvernement, sans chef, pouvoir ni classe sociale dominante. L’anarchisme est un anti-autoritarisme. On parle aussi de mouvement ou de théorie libertaire.
Les mots anarchie et anarchisme proviennent tous deux du grec anarkhia signifiant « absence d’autorité » ou « absence de pouvoir ».
L’anarchisme comporte en réalité un grand nombre de courants. Si tous refusent l’autorité d’un pouvoir supérieur, ils se distinguent par le niveau d’intégration de l’individu dans le groupe social.
Voici les principaux courants de l’anarchisme, du plus intégrateur au moins intégrateur :
- l’anarchisme communiste : il prône la dictature du prolétariat, qui doit mener à l’extinction progressive du pouvoir étatique central,
- l’anarchisme socialiste : il prône l’abolition de l’Etat, du capitalisme et de la propriété, en vue d’instaurer une société égalitaire et coopérative,
- l’écologie sociale : elle prône un développement humain en harmonie avec la nature, sans domination ni hiérarchie. Ses valeurs sont la diversité, la décentralisation, la citoyenneté, la démocratie réelle et la solidarité. Le travail et la technologie sont mis au service de l’homme,
- l’anarcho-syndicalisme : il se fonde sur les syndicats comme mode d’organisation sociale et productive,
- l’anarchisme fédéraliste (type proudhonien) : il prône l’autogestion, le travail et une certaine forme de démocratie fédérant des collectivités,
- l’anarchisme individualiste : il prône une totale autonomie individuelle, y compris par rapport au groupe social. Cela se traduit par une absence d’obligation et de sanction. La volonté de l’individu prime. La notion de société est rejetée, celle d’association (libre, souple et temporaire) est préférée,
- l’anarchisme primitiviste : il rejette la société productiviste, la division du travail, le progrès technologique et économique car ils mènent à un système (social, culturel, étatique) qui aliène l’homme. C’est donc un rejet de la civilisation tout entière. Le but est le retour à une société de liberté et d’authenticité inspirée des modes de vie primitifs, proches de la nature,
- citons aussi l’anarchisme chrétien, qui consiste en une application des préceptes de Jésus basés sur l’amour et la non-violence. L’anarchisme chrétien prône la vie en communauté et le retour dans le « jardin d’Eden« . Il refuse toute autorité instituée. Il considère Jésus comme son guide spirituel mais rejette le clergé et la morale codifiée de l’Eglise.
On le voit, alors que certaines formes d’anarchisme sous-entendent que l’individu a des obligations (vis-à-vis du groupe social, de la coopérative, de la communauté, de la société…), d’autres formes plus libertaires rejettent toute forme de contrainte.
Dans ce dernier cas, on peut se demander si l’anarchisme ne mène pas forcément au désordre, au chaos social et à la loi du plus fort, chacun tentant d’élargir au maximum son espace de liberté pour satisfaire ses besoins et ses désirs.
Pourtant, nous allons voir que l’esprit de l’anarchisme est incompatible avec ce type de dérive.
Voyons la différence entre anarchie et anarchisme.
La différence entre anarchie et anarchisme
Le terme anarchie sous-entend chaos et désordre. Or l’anarchisme ne prône pas le désordre mais l’absence d’autorité : la nuance est fondamentale.
On peut en effet imaginer une société ordonnée, organisée et harmonieuse, tout en étant dépourvue d’autorité supérieure, d’administration étatique ou de système de contrôle central.
Une telle société serait auto-gérée par ses membres selon des règles et des pratiques vertueuses :
- communication,
- partage,
- respect,
- solidarité,
- altruisme,
- intelligence collective,
- démocratie réelle,
- etc.
Par conséquent, absence de gouvernement ou d’autorité est loin de signifier absence d’ordre.
En définitive, l’anarchisme, dans sa définition pure, est l’ordre sans autorité.
Désordre versus harmonie
Loin de souhaiter le désordre, les anarchistes veulent corriger les désordres de la société actuelle principalement dus au système capitaliste et aux institutions politiques en place, générant inégalités, élitisme dévoyé, frustration et violence.
On l’a vu, les anarchistes dénoncent l’idée que le pouvoir et la domination sont nécessaires pour assurer l’ordre. Le salut ne peut venir que de l’auto-gestion. En prenant leur destin en main, les individus se coordonnent et adoptent des pratiques dans l’intérêt d’eux-mêmes et de tous : c’est l’harmonie.
Au final, l’anarchisme prône à la fois la liberté et la responsabilité. L’écoute, le dialogue et l’intelligence collective sont censés permettre l’avènement d’une société pacifiste, où chacun trouvera sa place et pourra se réaliser.
Ainsi l’épanouissement de l’homme est au coeur de l’anarchisme : il s’agit d’une théorie clairement humaniste, même si certains courants de l’anarchisme ont dérivé vers l’hyper-individualisme, aboutissant à l’inverse de l’effet recherché.
Passer par le désordre pour aller vers l’harmonie ?
Certains mouvements anarchistes prônent l’insurrection. Ils voient la destruction de toutes les institutions politiques et économiques comme un préalable pour instaurer l’anarchisme. On pense en particulier aux black-blocs.
La différence entre anarchie et anarchisme devient alors moins évidente. Mais cette dérive violente, toujours contre-productive puisqu’elle aboutit à légitimer la violence d’Etat en vue de « rétablir l’ordre », est bien loin de l’esprit des fondateurs de l’anarchisme…
Modif. le 8 août 2024