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Le dépouillement spirituel : définition et principe

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Le dépouillement spirituel : définition. Que faut-il abandonner pour s’élever ? Pourquoi et comment pratiquer le dépouillement ou la dépossession ?

Par quel moyen as-tu obtenu la connaissance ?
Par un moi nu et un ventre vide.

Bayazid Bistami

La progression spirituelle passe par le dépouillement, au sens de détachement, de renoncement et de purification. Il s’agit d’abandonner le superflu, de rompre certains attachements, de se séparer de pensées ou d’éléments qui font obstacle à la spiritualité. C’est aussi l’idée qu’il faut s’abaisser pour s’élever.

La notion de dépouillement est présente dans la plupart des religions et traditions spirituelles :

  • Dans le christianisme, il s’agit de se délivrer des péchés (orgueil, avarice, luxure, gourmandise, envie…), de faire vœu de pauvreté ou de chasteté, ou encore de mener une vie ascétique tournée vers Dieu.
  • Dans l’Islam, le dépouillement passe par le don de sa propre personne à Dieu ou l’extinction de soi en Dieu (fana’).
  • Dans le bouddhisme, notamment le courant zen, il s’agit de mener une vie simple, sobre, épurée, tournée vers l’essentiel.
  • Dans l’hindouisme, les mystiques pratiquent le dépouillement extérieur et intérieur pour accéder au nirvana.
  • En alchimie spirituelle, il s’agit d’abandonner le corps-matière et tous ses attachements (Œuvre au noir) pour libérer l’âme et atteindre un niveau de conscience plus élevé.
  • En franc-maçonnerie, on parle de laisser ses métaux à la porte du temple, une « séparation » qui rappelle les principes de l’alchimie spirituelle.

Le dépouillement serait donc le chemin de la sagesse, de la vertu et de Dieu. Mais de quoi faut-il se séparer précisément ? et pourquoi ?

Voyons la définition et les principes du dépouillement spirituel.

Au sens spirituel, le dépouillement se mène sur plusieurs plans : il concerne autant les biens matériels que les pensées. On parle de dépouillement extérieur et intérieur.

La possession ou la convoitise des biens inutiles fait obstacle à la vie spirituelle : ils polluent notre existence par les sentiments illusoires et éphémères qu’ils véhiculent, jouissance, sécurité, bonheur.

En réalité, celui qui possède a peur de perdre, celui qui convoite a peur de manquer, celui qui recherche n’est jamais rassasié : voilà la marque de la soumission à la matière, qui nous éloigne de nous-mêmes et des autres, et qui nous plonge dans la souffrance.

Dans le bouddhisme en particulier, la soif (raga : avidité, désir, passion, attachement) est l’un des trois Poisons ; elle est directement issue de l’ignorance ; elle est illusion et cause le mauvais karma.

Au contraire, l’effort de dépouillement vise à nous détacher de tout ce qui nous est cher ou de tout ce qui brille d’un éclat trompeur. Il s’agit de se satisfaire de ce qui nous est donné par la providence, de cesser de vouloir mieux ou différent, d’accepter l’ordre des choses. Il s’agit encore de se déposséder, de donner à ceux qui ont plus besoin que nous.

Ce comportement conduit à l’ouverture de la conscience : notre ego s’estompe et laisse la place à la partie « universelle » de notre être, connectée au Tout, compatissante et reconnaissante.

Celui qui ne se préoccupe jamais de l’acquisition de biens inutiles connaît la signification de la vie.
Yoga sutras, 2-39

Le dépouillement intérieur est intimement lié au dépouillement extérieur. Il vise à renoncer à nos pensées, c’est-à-dire à ce que nous voulons, souhaitons, espérons, mais aussi à ce qui nous inquiète ou nous fait peur. Il s’agit encore de se détacher de nos opinions, préjugés, théories ou raisonnements.

Parmi ces pensées issues du mental, il y a tout ce qui relève des volitions, des projections, mais aussi des regrets, des remords ou de la culpabilité.

Chez les philosophes de l’Antiquité, épicuriens, stoïciens et sceptiques, l’ataraxie (du grec ataraxia, « absence de trouble ») est un état de quiétude et de calme intérieur. C’est l’état de celui qui est parvenu à vaincre le trouble dû à ses pensées non maîtrisées. La souffrance psychique tend alors à disparaître.

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont.
Epictète

De même, dans la Bible, Jésus appelle à purifier notre mental :

Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux !
Matthieu 5, 3

Ici, la « pauvreté en esprit » est la capacité à instaurer le principe de dépouillement et de pauvreté dans son esprit ; ce n’est pas une « pauvreté d’esprit ».

Dans le taoïsme, Lao Tseu invite à se détacher de tout phénomène mental :

Arrête de penser, finis-en avec tes problèmes.
Tao Te King, 20

On retrouve la même idée dans l’hindouisme en général, et le yoga en particulier :

1.1. Maintenant, le Yoga va nous être enseigné, dans la continuité d’une transmission sans interruption.
1.2. Le Yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental.
1.3. Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même.
Yoga sutras

En ce sens, la prière et la méditation constituent les voies privilégiées du dépouillement intérieur.

Dans diverses traditions spirituelles ou religieuses, le dépouillement trouve une traduction très concrète dans le renoncement au monde, le retrait de la société ou la conduite d’une vie ascétique.

En Europe, c’était le cas des ermites, des cénobites ou encore des membres des communautés monastiques, par exemple les chartreux. En Inde, les sages se retiraient dans des ashrams, lieu de paix et de tranquillité au milieu de la Nature. On pourrait multiplier les exemples…

Pourtant, le dépouillement ne passe pas forcément par le retrait du monde. Il s’agit plus généralement d’opter pour une vie simple qui amène à redécouvrir le sens et les vertus de l’humilité.

Qu’il soit recherché dans le monde ou en dehors de la société, le dépouillement peut aller jusqu’à l’abandon de soi, dans le sens du don de soi à Dieu, ou du sacrifice pour les autres, sacrifice qui peut aller jusqu’à la mort. Le dépouillement prend alors le sens d’un total dépassement de soi, de notre condition humaine : il s’agit de couper définitivement le lien avec la matière, de dépasser l’idée même de la mort.

Dans le Nouveau Testament, Jésus montre la voie du sacrifice et de la mort au service des autres : c’est le franchissement du « mur de Feu », qui donne accès à l’immortalité :

Alors Jésus dit à ses disciples : « Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la trouvera ».
Matthieu 16, 24-25

Au-delà des références classiques, le dépouillement est un état d’esprit que chacun peut cultiver au quotidien. C’est le plus souvent une démarche progressive, évolutive, sans qu’il soit nécessaire d’en passer par une résolution catégorique et définitive… Car trop de radicalité pourrait en réalité traduire la présence de l’ego.

Le dépouillement peut prendre bien des formes : il peut s’agir de se désencombrer, de jeter de vieux documents, de renoncer à une mauvaise habitude, d’éteindre la télévision, de prendre du recul ou de lâcher prise par rapport à une situation, de s’accorder quelques jours de vacances en solitaire, de prendre de la distance par rapport aux réseaux sociaux, de méditer, d’écrire, de se faire oublier, de renoncer à vouloir changer une situation…

Ces pratiques doivent permettre de créer un nouvel espace en soi, libre car non soumis à l’ego, favorable au développement de l’intuition. Renonçant à tout maîtriser, l’individu en voie de dépouillement se laisse traverser par ce qu’il ne connaît pas ; il s’ouvre aussi à ce qui le dépasse.

Sur le chemin du Tao,
chaque jour quelque chose est abandonné.

Tao Te King, 48

Toute Connaissance passe par une phase de dépouillement. Il s’agit de mettre nos passions à nu, d’affamer nos envies, de sacrifier nos attentes, de renoncer à nos certitudes. Cette mort symbolique annonce une renaissance spirituelle.

Au final, l’esprit du dépouillement est assez proche de celui de la méditation, même s’il peut se traduire par des actes concrets ou des résolutions menant à un nouveau style de vie, plus doux. C’est comprendre que nous ne possédons rien en ce monde, que rien ne nous est définitivement acquis puisque tout passe, puisque rien ne dure selon la grande loi de l’impermanence.

Se dépouiller, c’est donc rompre toutes les illusions dues à notre individualité.

Le dépouillement débouche sur la paix intérieure, la patience et la sagesse, mais aussi sur des rapports humains plus sains et plus harmonieux.

Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers ; et votre Père céleste les nourrit.
Matthieu 6, 26

Pour aller plus loin :

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

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Modif. le 7 décembre 2024

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