Que nous apprend la crise du coronavirus sur nous-mêmes, la Nature et le monde ? Comment interpréter l’épidémie du Covid-19 sur le plan de la philosophie et de la spiritualité ?
La crise du coronavirus bouleverse nos vies et nos esprits. Arrêt de l’économie, mouvements de panique, dérèglement des habitudes, incertitude sur l’avenir : la crise pandémique révèle la non-maîtrise de ce que nous pensions maîtriser.
L’être humain, animal sans prédateur, redécouvre qu’il peut être menacé à grande échelle par un virus, forme vivante qui utilise les cellules d’autres vivants pour se nourrir et se répliquer.
L’apparition du coronavirus montre l’étendue de la crise spirituelle que traverse aveuglément notre société. Au milieu de l’effroi, le rôle du philosophe est de montrer un nouveau chemin de pensée et d’action face à une épreuve de grande envergure. En effet, le combat se mène aussi dans l’intimité de notre psychisme.
La « crise » du coronavirus nous amène à nous interroger sur nous-mêmes, sur le sens de la vie et celui de l’humanité.
Tentons une approche philosophique et spirituelle de cette pandémie.
Lire aussi notre article : Coronavirus et privation de liberté.
Le coronavirus et la peur.
La première réaction face à l’arrivée du coronavirus est la peur, largement véhiculée et amplifiée par les médias. Ces derniers répètent en boucle des informations alarmantes, comme le ferait un cerveau touché par un syndrome de stress post-traumatique.
La peur s’installe donc : peur de la maladie, de la mort, peur de voir tout remis en cause, peur de perdre son travail, ses économies, ses habitudes, ses proches.
La peur est une réaction normale, liée au désir primaire de sécurité. L’instinct de survie (un des constituants du « ça » de Freud) est ancré dans notre cerveau reptilien. Il nous pousse à voir le virus comme le mal, comme l’ennemi absolu. Il nous amène à prendre des mesures individuelles drastiques : repli, constitution de réserves, méfiance vis-à-vis des autres, rejet de tout ce qui peut constituer un risque d’être infecté.
La peur n’est pas mauvaise en soi ; elle est l’un des éléments qui peuvent nous sauver. Mais l’homme moderne est plus qu’un agrégat d’instincts et de conditionnements automatiques ; sa conscience le pousse à voir plus loin.
Rééquilibrage et recentrage.
Justement, tentons de prendre un peu de recul.
La crise du coronavirus a cela d’intéressant qu’elle s’inscrit en dehors des concepts de bien et de mal. En effet, le coronavirus n’a pas de morale, pas de projet politique, pas d’intention maléfique. Il est simplement une forme vivante qui cherche un chemin pour se développer.
Les virus sont d’ailleurs présents en nombre dans notre organisme : pour la plupart inoffensifs, ils se développent par milliards pour infecter les bactéries présentes dans notre tube digestif, favorisant l’équilibre général de nos fonctions vitales. Autrement dit, les virus jouent un rôle crucial dans notre écosystème interne.
On estime en outre qu’environ 8% de notre génome dérive de virus et de rétrovirus, ce qui signifie que nous sommes d’une certaine manière apparentés aux virus, ou encore que les virus ont largement participé à notre évolution, de très nombreux virus pathogènes étant devenus « collaboratifs ».
Les virus sont, comme nous, des êtres vivants d’abord agressifs puis ayant tendance à devenir collaboratifs. Ils décrivent le mystérieux mécanisme de la vie, ce phénomène qui se nourrit de ses propres luttes intestines pour favoriser son développement et son épanouissement global.
La vie se nourrit de sa propre mort pour conquérir de nouveaux territoires.
La vraie nature de la « crise » du coronavirus.
Nous commençons à comprendre que la crise n’est pas celle du coronavirus, mais bien celle de l’humanité, dans le sens où l’homme développe un rapport biaisé à la Nature et au monde, donc à lui-même.
La panique démontre que nous vivons dans l’illusion : illusion de la permanence des choses, illusion du savoir et de la maîtrise, illusion de l’immortalité, illusion de la liberté, illusion de notre supériorité par rapport au reste du vivant.
C’est bien de nous dont il est question, de notre conscience, de notre rapport à la réalité.
Oubliant qu’il est un être vivant parmi d’autres, l’homme a trop longtemps considéré qu’il pouvait tout comprendre et tout maîtriser. Il a effacé Dieu (défini en tant que « loi universelle ») de sa mémoire, il l’a remplacé pour fixer ses propres règles.
Il a oublié sa nature profonde : celle d’un être vivant évoluant dans un écosystème complexe, où tout est connecté, où tout évolue sans cesse, où la vie se nourrit d’elle-même.
Ainsi, la crise du coronavirus nous incite à nous recentrer pour redécouvrir l’essentiel : le mécanisme de la vie, notre condition d’être vivant égal aux autres espèces, ainsi que les grandes lois de la Nature.
L’essentiel est certainement d’accepter l’évolution, l’épreuve, le jeu.
L’acceptation est un chemin d’amour, de sérénité et de bonheur. C’est la reconnaissance que les choses sont telles qu’elles doivent être. C’est le renoncement à tout juger en bien ou en mal. C’est l’abandon de nos fausses ambitions. C’est le lâcher-prise. C’est aussi une incitation à espérer, à aider et à être solidaire.
Le coronavirus, la vie et la mort.
Pour l’homme, le coronavirus est synonyme de mort, vue sur le plan physique comme un événement dramatique et négatif.
Or, nous l’avons vu, la mort est avant tout un moyen pour la vie d’aller plus loin. Au-delà des drames personnels et familiaux, le coronavirus annonce un renouvellement, un monde nouveau.
Il ne s’agit pas seulement de l’effet de la loi de la sélection naturelle, mais bien d’une « renaissance » de l’humanité. En effet, la crise pourrait bien changer les comportements, amener de nouveaux questionnements, de nouvelles perspectives, de nouvelles idées humanistes.
Sur un plan plus intime, le virus nous permet de mieux nous connaître. Notre être profond se révèle au-delà des illusions. Mentalement, il nous faudra aussi mourir de plusieurs morts pour enfin voir la réalité : il s’agit de la mort à nos illusions.
Il y a certainement beaucoup à apprendre et à comprendre de la crise du coronavirus.
L’essentiel est de s’extirper de toute forme de dualisme bien-mal. La crise du coronavirus comporte du bon et du mauvais, des drames et des découvertes, des larmes et des joies futures.
Elle permettra peut-être à l’humanité de se recentrer pour aller plus loin, en harmonie avec la Nature.
Lire aussi notre article sur le sens de la vie.
Modif. le 16 novembre 2020