Les colonnes Boaz et Jakin du Temple de Salomon : quel symbolisme, quelle signification ? Quelle est l’interprétation maçonnique des colonnes B et J ?
Dans la Bible, Boaz et Jakin sont les deux colonnes dressées à l’entrée du Temple de Salomon, sur le parvis.
La description de ces colonnes apparaît dans l’Ancien Testament, Premier Livre des Rois, chapitre 7, versets 15 à 22 :
13) Le roi Salomon fit venir de Tyr Hiram,
14) fils d’une veuve de la tribu de Nephthali, et d’un père Tyrien, qui travaillait sur l’airain. Hiram était rempli de sagesse, d’intelligence, et de savoir pour faire toutes sortes d’ouvrages d’airain. Il arriva auprès du roi Salomon, et il exécuta tous ses ouvrages.
15) Il fit les deux colonnes d’airain. La première avait dix-huit coudées de hauteur, et un fil de douze coudées mesurait la circonférence de la seconde.
16) Il fondit deux chapiteaux d’airain, pour mettre sur les sommets des colonnes ; le premier avait cinq coudées de hauteur, et le second avait cinq coudées de hauteur.
17) Il fit des treillis en forme de réseaux, des festons façonnés en chaînettes, pour les chapiteaux qui étaient sur le sommet des colonnes, sept pour le premier chapiteau, et sept pour le second chapiteau.
18) Il fit deux rangs de grenades autour de l’un des treillis, pour couvrir le chapiteau qui était sur le sommet d’une des colonnes ; il fit de même pour le second chapiteau.
19) Les chapiteaux qui étaient sur le sommet des colonnes, dans le portique, figuraient des lis et avaient quatre coudées.
20) Les chapiteaux placés sur les deux colonnes étaient entourés de deux cents grenades, en haut, près du renflement qui était au delà du treillis ; il y avait aussi deux cents grenades rangées autour du second chapiteau.
21) Il dressa les colonnes dans le portique du temple ; il dressa la colonne de droite, et la nomma Jakin ; puis il dressa la colonne de gauche, et la nomma Boaz.
22) Il y avait sur le sommet des colonnes un travail figurant des lis. Ainsi fut achevé l’ouvrage des colonnes.
Les deux colonnes Boaz et Jakin sont donc faites d’airain, c’est-à-dire de bronze. Particulièrement imposantes (près de 9 mètres de haut), elles bénéficient d’un décor riche et d’ornements très élaborés.
Placées comme deux gardes au niveau du portique du Temple, les colonnes Boaz et Jakin ouvrent l’accès au Saint (première salle) et au Saint des saints (salle du fond, abritant l’Arche d’alliance). Elles semblent avoir une fonction avant tout symbolique et décorative.
Les deux colonnes semblent identiques mais portent des noms différents : elles représentent la dualité, mais aussi la complémentarité.
Tentons de percer le symbolisme des colonnes Boaz et Jakin du Temple de Salomon.
Lire aussi notre article : Le Temple de Salomon, plan et orientation.
Les colonnes Boaz et Jakin du Temple de Salomon : symbolisme.
La signification des colonnes situées à l’entrée du Temple de Salomon réside avant tout dans leur nom :
- Boaz signifie « en lui la force », « en force » ou « dans la force »,
- Jakin signifie « il rend stable », « il établira », « il affermira » ou « il fondera ».
Nous avons certainement là l’expression de qualités divines : Dieu, en lui la force, est celui qui établit toute chose.
Mais nous avons surtout l’expression d’une dualité ou d’une polarité :
- la force (Boaz) est celle de la volonté : nous sommes dans le domaine de l’intention, de l’abstrait, de l’esprit,
- le fait d’établir (Jakin) relève du domaine du concret, de la matière, de l’action.
Nous retrouvons cette dualité dans les couples esprit et matière, beauté et force, conception et réalisation, Ciel et Terre, intérieur et extérieur, etc.
Boaz et Jakin : étymologie.
Boaz, dans la complexité de l’étymologie hébraïque, regroupe les notions de plan d’une maison, d’intérieur, mais aussi de source profonde, de semence et d’œil. Ce qui évoque l’intention divine, ou, sur le plan humain, la descente en soi, l’introspection.
Jakin, colonne de droite, dérive d’un hiéroglyphe représentant un avant-bras actif que prolonge une main, siège du toucher et du façonnage. C’est l’acte de la main qui sent et qui crée, celle-là même qui fonde le monde manifesté dans toute sa perfection. Jakin évoque donc l’action qui définit la mesure du monde et qui agit sur la création.
Traverser la dualité pour atteindre le Saint des saints.
Pour entrer dans le Temple, il faut passer entre les colonnes, c’est-à-dire dépasser la dualité. Ainsi, pénétrer dans l’espace sacré consiste à réconcilier les contraires pour marcher vers l’unité.
Une unité qui prendra tout son sens dans le Saint des saints : c’est l’espace suprême où se fait l’union entre l’Esprit et la matière, entre Dieu et l’Homme.
Rappelons que l’intérieur du temple est composé de deux pièces : le Saint et le Saint des saints (ayant la forme d’un cube). Or le Saint a deux fois la longueur du Saint des saints. Il faut passer par le Saint pour pouvoir accéder au Saint des saints, autrement dit passer par le double pour aller vers l’unique…
Les deux colonnes Boaz et Jakin dans l’arbre de vie séphirotique.
L’arbre de vie séphirotique est une représentation du cosmos selon la mystique juive, la Kabbale. Cet arbre comporte 10 Sephiroth (centres énergétiques) qui éclairent les rapports entre Dieu et la création, entre l’esprit et la matière.
L’arbre de vie comporte 3 colonnes :
- la colonne de gauche (qui peut être associée à Boaz) est le pilier de la miséricorde,
- la colonne de droite (Jakin) est le pilier de la rigueur,
- la colonne du centre est celle de l’initié lui-même, elle représente la conscience et l’équilibre.
Les colonnes B et J en franc-maçonnerie.
En franc-maçonnerie, les colonnes Boaz et Jakin sont physiquement présentes en loge :
- au Rite Ecossais Ancien et Accepté, Boaz est à gauche en entrant en loge (colonne des Apprentis) et Jakin à droite (colonne des Compagnons),
- au Rite français, Boaz est à droite et Jakin à gauche.
D’autre part, les mots « Boaz » et « Jakin » correspondent aux Mots Sacrés tels que communiqués aux grades d’Apprenti et de Compagnon.
Boaz peut être associé au fil à plomb de l’Apprenti : c’est un appel à descendre en soi, à se dépouiller de ses préjugés, à tailler sa pierre brute en vue de parvenir à la perfection spirituelle. Boaz est une quête intérieure, qui passe par l’effort. Cette volonté agissante, c’est la force d’âme qui, bien loin de la force brute, nous guide sur la Voie.
Jakin sonne l’heure du retour à la matière. L’esprit purifié par Boaz réintègre le Tout : la pierre du Compagnon s’insère parfaitement dans l’édifice humain. Jakin est le signe d’un nouveau rapport au monde, un rapport sain.
Cette analyse confirme que Boaz désigne le domaine de la pensée et Jakin celui de l’action. En quelque sorte, quand Boaz nous demande de descendre en nous-mêmes, Jakin nous incite à concrétiser par l’action le fruit de cette recherche intérieure. Boaz transmet son énergie vitale, le souffle de sa pensée à Jakin, afin d’établir dans la matière la force de la volonté juste.
Boaz, Jakin et les solstices.
Un parallèle symbolique permet de voir en Boaz et Jakin les deux portes solsticiales :
- Boaz pour le solstice d’hiver, associé à Jean l’Evangéliste,
- Jakin pour le solstice d’été, associé à Jean le Baptiste.
En effet, le cycle de la lumière solaire traduit la progression de l’initié :
- La phase de déclin du soleil (entre le solstice d’été et le solstice d’hiver, ou entre midi et minuit) correspond à un effacement progressif du monde extérieur, de la matière et de l’ego. C’est le moment du travail sur soi,
- Le solstice d’hiver marque l’aboutissement de ce travail : l’être s’est purifié et spiritualisé ; voilà Boaz,
- La phase d’ascension solaire qui suit (entre le solstice d’hiver et le solstice d’été) annonce une réintégration de l’Esprit à la matière, de l’âme au corps : l’être nouveau s’épanouit désormais sur tous les plans,
- Le solstice d’été marque l’apogée de cet être : voilà Jakin.
Au final, Boaz et Jakin forment une sorte de porte initiatique : entrer, c’est accéder aux secrets. Les colonnes B et J représentent l’alternance des énergies spirituelles et la conciliation des oppositions apparentes. L’ouverture au monde n’est possible qu’à travers une plongée en soi-même, la lumière ne peut émerger que des ténèbres. Ainsi, Boaz et Jakin sont inséparables : de leur fusion découle la compréhension de toute chose.
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Modif. le 20 avril 2024