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La colonne et son symbolisme

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La colonne et son symbolisme : quelle signification ? Comment interpréter la colonne sur le plan ésotérique et cosmique ?

Elément architectural fondamental, la colonne soutient la construction : sans colonne, pas d’édifice.

La colonne est l’unité élémentaire dont la duplication permet de composer le Tout. Elle est un microcosme à l’image du macrocosme : comme l’édifice, elle dispose d’une base, d’une hauteur (le fût) et d’un couvert (le chapiteau).

La colonne relie la Terre et le Ciel. Semblant plonger dans l’inframonde, elle s’élève pour soutenir l’entablement, la voûte ou le dôme, lesquels évoquent le ciel étoilé.

Les cannelures (sillons) qui ornent les colonnes renvoient à l’harmonie des êtres qui s’élèvent tous vers la même direction, s’arrachant de la matière par la force de l’énergie vitale.

La colonne est indissociable de l’architecture antique et de ses différents ordres :

5 ordres d'architecture dorique ionique corinthien toscan composite
  • l’ordre dorique est strictement réglementé : colonne sans base, fût orné de vingt cannelures, chapiteau à échine nue,
  • la colonne ionique se caractérise par un chapiteau à double volute,
  • la colonne corinthienne se distingue par son chapiteau orné de feuilles d’acanthe,
  • l’ordre toscan est une forme archaïque du dorique,
  • l’ordre composite est une variante du corinthien intégrant les volutes ioniques.

En réalité, chaque ordre d’architecture correspond à un canon, c’est-à-dire à une unité stylistique qui s’applique non seulement aux colonnes mais à l’édifice tout entier, et notamment à l’entablement, aux architraves, aux frises et aux corniches.

Force et beauté.

La colonne associe le pratique et l’ornemental, le concret et l’idéal, la force et la beauté.

Elément utile, la colonne est aussi un élément symbolique qui se suffit à lui-même, preuve de sa puissance spirituelle. Certaines sculptures ou monuments représentent en effet une seule colonne, ou une série de colonnes qui ne supportent aucun édifice.

Par ailleurs, le symbolisme de la colonne peut renvoyer à celui :

  • de la pierre (unité de base de la construction),
  • de la tour,
  • du cercle,
  • du cylindre,
  • de l’arbre : la base de la colonne correspond aux racines, le fût au tronc et le chapiteau aux branches de l’arbre. Notons que les colonnes égyptiennes représentaient des végétaux (palmier, papyrus…),
  • de l’arbre de vie qui trône au centre du jardin d’Eden,
  • de l’axe du monde, aussi appelé « colonne cosmique » : c’est le pivot universel parfois surmonté de l’étoile polaire,
  • de la vie qui émerge du sol pour s’épanouir à la surface,
  • de l’homme debout, éveillé ou réalisé : la base de la colonne est le pied de l’homme, le fût est son corps et le chapiteau sa tête,
  • du phallus,
  • du cou,
  • du souffle : la colonne d’air,
  • de l’échelle spirituelle qui permet de s’élever vers les régions célestes,
  • de la lumière : la « colonne de feu » symbolise la présence de Dieu qui guide le peuple élu à travers les embûches (Exode, Ancien Testament),
  • du sacrifice : dans certaines traditions, l’animal est sacrifié au sommet de la colonne,
  • du phare qui montre la bonne direction,
  • de la croix,
  • de la lettre hébraïque Samekh (la colonne cosmique),
  • de l’obélisque, qui traduit la puissance de l’énergie solaire,
  • de la colonne vertébrale,
  • ou encore de la kundalini.

Remarque : la colonne est à distinguer du pilier (carré, maçonné) et du pilastre (pilier encastré dans un mur).

Tentons d’approfondir le symbolisme de la colonne.

La colonne et son symbolisme : interprétation.

La colonne évoque trois idées principales :

  • la sagesse : l’art de concevoir, l’architecture, la connaissance des lois de la matière et de la géométrie,
  • la force : la réalisation, la rectitude, la stabilité, l’équilibre, la capacité à soutenir,
  • et la beauté : l’idéal esthétique et philosophique qui sous-tend l’oeuvre.

Elancée et pourtant stable, dynamique mais immobile, la colonne réconcilie la verticalité et l’horizontalité, la beauté et la force. Malgré le poids qu’elle porte, elle affirme sa grandeur, ce qui peut paraître paradoxal. Elle exprime le génie humain ; elle est l’image même de la Connaissance.

Sur la plan spirituel, la colonne traduit une volonté d’élévation, ce qui en fait un objet sacré que l’on retrouve dans les temples et les églises du monde entier. Dans le même esprit, on évoquera les colonnes votives ou celles qui supportent la statue d’un ange ou d’un Dieu.

Triomphe et décadence.

Bien souvent, la colonne est associée au triomphe et à l’immortalité. Les colonnes impériales (cf. la colonne Trajane, la colonne Vendôme ou la colonne de Nelson à Trafalgar square) célèbrent la puissance de ceux qui se sont élevés au niveau des dieux.

Mais la divinisation des grands hommes comporte un risque de dérive et de décentrage. Le goût du pouvoir et de la domination conduit à l’hybris. L’homme oublie que la colonne peut tomber et se briser, entraînant avec elle tout l’édifice.

C’est la raison pour laquelle de nombreux peintres ont représenté des temples en ruine, représentant la vanité humaine, rappelant que tout empire est voué à disparaître. Les quelques colonnes restées debout illustrent parfaitement ces lois que l’Homme a tendance à oublier : impermanence et entropie.

paysage avec ruine Caspar David Friedrich
Paysage avec ruine de temple, Caspar David Friedrich, 1797

Enfin, selon les croyances anciennes, le monde repose sur des colonnes que Dieu peut à tout moment ébranler, par exemple lors des tremblements de terre.

Les stylites, ermites des colonnes.

Les stylites (du grec stylos : « colonne ») sont des ermites des premiers temps du christianisme. Ces anachorètes (religieux contemplatifs et méditatifs) vivaient au sommet d’une ruine, d’un portique ou d’une colonne pour y pratiquer l’ascèse, sans pouvoir se coucher, simplement ravitaillés à l’aide d’une corde.

siméon le stylite
Siméon le Stylite

Siméon le Stylite (Syrie) fut le premier des stylites. Vivre sur une colonne était pour lui le moyen d’échapper au monde horizontal par la verticale.

Du haut de sa colonne, Siméon priait assis ou debout les bras tendus en forme de croix, devant la foule venue pour le rencontrer.

Exposés au froid et à la chaleur, toujours dans une position inconfortable, les stylites connaissaient une vie de souffrance. Précisément, c’est cette souffrance qui leur permettait de s’élever pour rencontrer Dieu.

La colonne penchée.

Comme la tour penchée, la colonne penchée est la marque d’un déséquilibre ou d’une fragilité. Elle peut aussi symboliser l’effort d’humilité de l’homme qui renonce à la toute-puissance.

A titre d’exemple, le temple d’Adinath à Ranakpur (Inde) est un immense édifice jaïn qui comporte 1444 piliers sculptés, dont un seul a été construit volontairement penché, ceci pour rappeler que seul Dieu peut atteindre la perfection.

Les colonnes d’Hercule.

Les colonnes d’Hercule (ou colonnes d’Héraclès) désignent les montagnes qui bordent le détroit de Gibraltar. Pour les Romains, ces colonnes marquaient la frontière entre le monde civilisé (la Méditerranée) et le monde inconnu de l’Atlantique.

Ainsi, les colonnes peuvent symboliser une frontière, une limite ou une porte. Protectrice, cette porte peut aussi être vue comme une invitation à pénétrer le mystère, malgré les dangers.

Franchir les colonnes, passer le seuil, c’est vaincre sa peur et ses démons intérieurs, c’est oser visiter son inconscient. Cet effort constitue peut-être le moyen d’accéder au Royaume de Dieu.

Le symbolisme de la colonne en franc-maçonnerie.

En franc-maçonnerie, les colonnes sont omniprésentes :

  • la colonne du Septentrion désigne la place les Apprentis, tandis que les Compagnons occupent la colonne du Midi (Rite Ecossais Ancien et Accepté),
  • les franc-maçons se définissent eux-mêmes comme des « colonnes vivantes »,
  • la musique diffusée lors des travaux est appelée « colonne d’harmonie »,
  • tous les temples maçonniques comportent les deux colonnes Boaz et Jakin qui encadraient l’entrée du Temple de Salomon. Leur signification est : « il établira dans la force ». Ces deux colonnes représentent la rencontre des deux polarités de rigueur et d’Amour, de force et de beauté. Ainsi, le Un manifesté s’épanouit dans la dualité, dans la complémentarité. Rappelons enfin que les colonnes du temple de Salomon étaient faites d’airain, métal sacré qui symbolise l’alliance indissoluble entre le ciel et la terre,
  • au centre de la loge se dressent les trois colonnettes Sagesse, Force et Beauté qui président à la construction de l’édifice spirituel :
    • la colonne Sagesse, près du Vénérable Maître, symbolise la puissance créatrice (style ionique),
    • la colonne Force, près du Premier Surveillant, symbolise l’énergie qui soutient l’effort (style dorique),
    • la colonne Beauté, près du Second Surveillant, symbolise l’idéal qui sous-tend l’oeuvre (style corinthien),
    • la quatrième colonne, absente ou invisible, rappelle que l’édifice n’est jamais achevé.
comment devenir franc-maçon
Les trois colonnettes au centre de la loge

Remarque : en loge, les trois colonnettes sont surmontées des « trois petites lumières ». Les colonnes Boaz et Jakin sont quant à elles surmontées de grenades ; au grade de Compagnon, elles supportent les deux sphères terrestre et céleste.

Au 14ème degré du REAA maçonnique, le Temple est détruit et la colonne est représentée brisée.

Conclusion sur le symbolisme de la colonne.

Au final, la colonne symbolise le lien entre le Ciel et la Terre, entre le haut et le bas, entre l’humain et le divin. Elle relie ce qui semblait séparé ou opposé ; elle constitue l’axe du monde.

Comprendre le symbolisme de la colonne, c’est témoigner que la sagesse, la force et la beauté proviennent non pas de l’Homme, mais de Dieu à travers l’Homme. Ainsi, élever une colonne, c’est rendre hommage au divin : c’est en ce sens que la colonne doit être abordée, et c’est en ce sens qu’elle est sacrée.

Modif. le 10 décembre 2023

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