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Le bonheur : définition philosophique

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Le bonheur : définition philosophique. Comment aborder le bonheur en philosophie et en spiritualité ? Quelles sont les conditions du bonheur ? Comment être heureux ?

Thème central en philosophie, le bonheur peut être assimilé au bien-vivre, ou à « l’art de vivre » : c’est une morale, une éthique et un état d’esprit.

C’est aussi et surtout une quête commune à tous les hommes. Or le bonheur a ceci de paradoxal que plus on cherche à l’atteindre, plus on prend le risque d’être déçu et de souffrir.

Cultiver le bonheur est une chose complexe, tant il semble impossible d’atteindre un état de félicité stable et durable : la souffrance finit toujours par revenir.

A ce titre, le sage s’écartera de la recherche des plaisirs éphémères et de la jouissance immédiate, qui annoncent toujours des lendemains douloureux. Le bonheur est autre chose qu’une consommation de moments « sensuels » ; il ne peut se résumer à une accumulation hédoniste.

Au contraire, le but du philosophe sera d’atteindre un état durable de tranquillité d’âme, de paix, de sérénité et de foi en l’avenir. Un état d’autant plus difficile à obtenir que deux importants obstacles se dressent sur son chemin : la certitude de la mort et l’impermanence.

En effet, rien ne dure : ni la vie, ni les causes du bonheur. C’est la raison pour laquelle la recherche du bonheur pose aussi la question du savoir-mourir.

Lire aussi notre article : Quel est le sens de la vie ? (philosophie, spiritualité)

Entrons dans la définition philosophique du bonheur.

Le bonheur : définition philosophique

Dans le langage courant, le bonheur est un état de satisfaction et de joie, ponctuel ou durable. Il peut aussi être défini, par défaut, comme une absence de souffrance physique ou morale.

A l’origine, bonheur (« heur bon » ou « bon augure ») est synonyme de bonne fortune, de chance, de hasard favorable et bienvenu. Le bonheur aurait donc des causes extérieures : l’homme heureux serait avant tout un homme chanceux.

Le philosophe, lui, adoptera une autre définition. Voici donc une tentative de définition du bonheur.

Définition philosophique du bonheur : Le bonheur est un état global d’équilibre, de plénitude et de satisfaction raisonnée, dont les conditions sont avant tout intérieures.

Ainsi, le philosophe pourra raisonnablement se trouver heureux même si ses conditions de vie sont défavorables. Le bonheur est un bien à cultiver quelles que soient les circonstances.

En résumé, il y a donc un petit bonheur (bien décrit par l’expression « au petit bonheur la chance ») et un grand bonheur, stable et durable, issu de la raison du philosophe (parfois appelé eudémonisme).

Le bonheur chez les philosophes de la Grèce antique

La plupart des philosophes antiques définissent le bonheur comme la tranquillité de l’âme, ou ataraxie. Mais tous les courants philosophiques ne font pas état du même chemin pour y parvenir.

Le bonheur et sa définition chez les « idéalistes »

Pour Platon, le bonheur réside dans le monde des idées et des idéaux : c’est le Bien, le Beau, le Vrai, le Juste. C’est le fait de reconnaître et de tendre au respect de ces valeurs qui rend heureux.

Dans cette vision idéaliste, le bonheur consiste à cultiver, non pas les biens du corps, mais les biens de l’âme. Ainsi, seule la compréhension des valeurs de beauté, de vérité et de justice peut satisfaire l’âme de manière durable.

Lire aussi : L’allégorie de la caverne de Platon : interprétation

Le bonheur : définition philosophique chez les sceptiques

Chez les sceptiques, le bonheur (défini comme la tranquillité d’âme, la sérénité) peut être atteint par la suspension du jugement. En effet, selon les sceptiques, toute thèse peut être réfutée : il est donc vain de s’attacher à quelque raisonnement que ce soit.

C’est une invitation au doute, à l’humilité et à la prudence : une véritable éthique de vie.

Chez les cyniques

Pour les cyniques, le bonheur consiste à épouser le cours naturel des choses, en se détachant des normes sociales, des conventions, des superstitions, des postures et des raisonnements artificiels. C’est une éthique de vie radicale, presque anarchiste.

Chez les épicuriens

L’épicurisme est une véritable philosophie du bonheur. Pour Épicure, la vision du bien et le mal réside principalement dans la sensation de plaisir et de douleur : il est donc naturel que l’individu recherche le plaisir. Au-delà de ce matérialisme, Épicure appelle à fuir les désirs vains afin d’éviter toute déception. Il est partisan d’un mode de vie sobre, équilibré et raisonnable, loin de la superstition et de la débauche.

Ainsi, Épicure ne confond pas bonheur et hédonisme. Il appelle même à composer avec le malheur et la souffrance.

Lire notre article : Épicurisme et bonheur en philosophie.

Remarque : Le bonheur chez les épicuriens se retrouve aussi dans la formule Carpe diem d’Horace, qui doit être comprise non pas comme une incitation à profiter aveuglément de la vie, mais un appel à ouvrir sa conscience pour saisir l’instant présent et le monde tel qu’il est. Une approche qui rejoint le texte suivant de Barjavel :

Chaque individu croit qu’il sera heureux demain, s’il est plus riche, plus considéré, plus aimé, s’il change de partenaire sexuel, de voiture, de cravate ou de soutien-gorge. Chacun, chacune attend de l’avenir des conditions meilleures, qui lui permettront, enfin, d’atteindre le bonheur. Cette conviction, cette attente, ou le combat que l’homme mène pour un bonheur futur, l’empêchent d’être heureux aujourd’hui. Le bonheur de demain n’existe pas. Le bonheur, c’est tout de suite ou jamais. Ce n’est pas organiser, enrichir, dorer, capitonner la vie, mais savoir la goûter à tout instant. C’est la joie de vivre, quelles que soient l’organisation et les circonstances. C’est la joie de boire l’univers par tous ses sens, de goûter, sentir, entendre, le soleil et la pluie, le vent et le sang, l’air dans les poumons, le sein dans la main, l’outil dans le poing, dans l’œil le ciel et la marguerite. Si tu ne sais pas que tu es vivant, tout cela tourne autour de toi sans que tu y goûtes, la vie te traverse sans que tu retiennes rien des joies ininterrompues qu’elle t’offre.
René Barjavel

Le bonheur : définition philosophique selon les stoïciens

Le bonheur est au coeur de la philosophie stoïcienne.

Pour les stoïciens, tout ce qui arrive est conforme aux lois cosmiques ; tous les événements sont liés, imbriqués et nécessaires ; tout est logique et ordonné. Par conséquent le bonheur consiste à accepter les choses telles qu’elles se présentent.

Il s’agit de ne plus se laisser atteindre par ce qui ne dépend pas de nous. C’est une invitation à abandonner l’illusion que nous pouvons maîtriser les choses. Les stoïciens appellent aussi à se préparer aux difficultés futures.

Le stoïcisme prône la sagesse, la tempérance, l’ataraxie et l’apatheia (« apathie », ici dans le sens d’impassibilité, d’absence de passion) : la maîtrise de soi mène au bonheur.

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions qu’ils en ont.
Epictète

Le bonheur dans le christianisme

Le christianisme est une histoire de souffrance et de libération de cette souffrance.

Dieu envoie Jésus pour libérer les hommes de leur culpabilité et leur donner la possibilité d’accéder à une vie heureuse :
Le royaume de Dieu est au-dedans de vous (Luc 17, 21).

Le royaume de Dieu, lieu de paix et de sérénité, est l’image même du bonheur : c’est le paradis perdu retrouvé, accessible seulement à ceux qui renoncent à eux-mêmes, à leur orgueil et leurs illusions.

Ici, la clé est l’Amour : la compréhension de cette loi divine fondamentale donne accès à la béatitude, à l’éternité et à l’immortalité.

Lire aussi notre article : Heureux ceux qui pleurent, interprétation

Le bonheur : définition dans le taoïsme

Dans la vision taoïste, la source du malheur et de la souffrance réside dans les pensées subies, c’est-à-dire le mental déréglé :

Les pensées affaiblissent l’esprit.
Les désirs fanent le coeur.
Tao Te King, 12

Pour Lao Tseu, le malheur naît de notre incapacité à nous détacher de nos désirs égoïstes : nos souhaits, nos espoirs et nos envies de succès. Le désir de réussir crée la crainte de l’échec :

Espoir et peur sont des fantômes
qui naissent de la préoccupation de soi.
Tao Te King, 13

Lao-Tseu invite à se détacher de soi :

Quand nous ne voyons pas le soi comme soi,
qu’avons-nous à craindre ?
Vois le monde comme toi-même.

Tao Te King, 13

Lao-Tseu prône l’espérance et la confiance :

Fais confiance à la vie telle qu’elle est.
Aime le monde comme toi-même.
Tao Te King, 13

Le Maître observe le monde
mais fait confiance à sa vision intérieure.
Il laisse les choses aller et venir.
Son coeur est ouvert comme le ciel.
Tao Te King, 12

Lire aussi nos articles :

Le bonheur dans le bouddhisme

La souffrance et le bonheur constituent le fondement-même de la philosophie bouddhiste.

Selon le Bouddha, la souffrance marque la vie des êtres non éveillés. Elle caractérise l’existence conditionnée, c’est-à-dire changeante et prise dans le flux des phénomènes quotidiens.

La souffrance est alimentée par les Trois Poisons que sont l’ignorance (les illusions, la méconnaissance de l’origine et du fonctionnement de la souffrance), l’attachement (la soif ou convoitise) et l’aversion (antipathie, ou haine).

D’autre part, le bouddhisme énonce les Quatre Nobles Vérités : la souffrance, les causes de la souffrance, la possibilité de faire cesser cette souffrance, ainsi que le chemin qui mène à l’extinction de la souffrance.

Ce chemin, le « Noble Sentier Octuple », consiste en des pratiques de réflexion, d’action, de maîtrise de la pensée et de méditation, permettant d’éviter à la fois l’illusion du bonheur et la fatalité du malheur.

Cette « voie du milieu » conduira le méditant à la libération finale : le nirvana. Le nirvana est vacuité, vide de tout regret et de tout espoir : il est une forme de bonheur stable, une saine présence au monde.

Lire notre article sur la souffrance dans le bouddhisme.

Le bonheur : définition philosophique « par défaut »

Dans la droite ligne du bouddhisme, on peut définir le bonheur comme un état dénué de malheur et de souffrance.

Etre heureux consisterait alors en l’extinction des sources de la souffrance physique et psychique. Or, cette souffrance peut être causée par les autres (négligence, oppression…) ou par des éléments naturels non-maîtrisables (maladie incurable, caractère dépressif ou anxieux, trouble psychique…) :

  • Dans le premier cas, le bonheur consisterait en une lutte contre l’oppression, et s’obtiendrait par un engagement politique en faveur de la liberté, de la fraternité et du progrès. « Le bonheur est une idée neuve en Europe », disait le révolutionnaire Saint-Just.
  • Dans le second cas, l’accès au bonheur semble plus difficile puisqu’on ne peut agir sur les causes du malheur. Pourtant, même dans les cas les plus désespérés, la souffrance peut être atténuée, entre autres par le soutien et l’amour des autres.

En réalité, la définition du bonheur « par défaut » a ses limites. Il existe en effet des personnes qui sont heureuses même si elles sont oppressées, handicapées ou si elles souffrent, tout simplement parce qu’elles décident d’être heureuses.

Le bonheur : une perception subie ou choisie ?

Comment être heureux alors que nous souffrons et que les choses vont mal en nous, et/ou autour de nous ? Pour y parvenir, il faudra opérer une transformation profonde au sein même de notre psychisme.

Car bonheur et malheur proviennent avant tout des perceptions de notre cerveau. Ce dernier interprète les différentes situations que nous vivons à travers différents filtres, parmi lesquels nos instincts, nos penchants naturels, nos traits de caractère acquis, nos valeurs, nos intérêts et nos besoins (en particulier, selon Maslow, les besoins physiologiques, de sécurité, d’appartenance, d’estime ou de reconnaissance).

Dans son sens commun, le bonheur peut donc donc être défini comme la constatation par notre cerveau (notre mental) que la situation vécue est conforme à ses attentes. L’optimum étant atteint, cela provoque un sentiment de satisfaction immédiate. Mais pour combien de temps ?

Dans les faits, l’optimum est rarement atteint. Il est rare qu’un individu soit satisfait sur tous les plans de son existence, et même s’il l’était, il éprouverait toujours la crainte que cette situation ne dure pas.

Le bonheur stable est donc à rechercher ailleurs.

Le bonheur : une quête de soi-même

Nous l’avons vu, notre psychisme porte un jugement spontané sur la situation vécue à l’instant T : c’est ainsi que nous pouvons expérimenter un état de plénitude (souvent éphémère) ou au contraire un sentiment de manque, de mal-être, de colère ou de désespoir.

Pour être heureux, il faut donc se libérer de nos jugements spontanés et subis, principalement dus à notre mental et à notre ego.

L’ego est ce qui porte les intérêts de l’individu : il constitue un mécanisme de survie indispensable. L’ego n’est donc pas à rejeter en tant que tel. Mais de fait, il est un obstacle au bonheur.

En effet, l’ego (dominé par les instincts et les règles sociales intériorisées, c’est-à-dire le ça et le surmoi de Freud) est source d’exigence, de peur, d’anxiété, de désir (ou « soif »), de rejet, de haine et de colère, autant de sentiments qui barrent le chemin du bonheur.

Pour être heureux, il faudra donc obligatoirement dépasser son ego.

Dès lors, le bonheur réside en un lâcher-prise qui consiste le plus souvent à prendre le contre-pied de nos penchants égoïstes ; ainsi :

  • le jugement fait place à l’acceptation,
  • la culpabilité fait place à l’amour de soi,
  • la peur et les faux espoirs font place à l’espérance,
  • la colère fait place à la tempérance et au pardon,
  • le rejet fait place à la compréhension, à la tolérance et à l’amour,
  • le désir fait place à la sobriété,
  • et de manière générale, les pensées subies font place à la raison, dans une tentative d’approcher la « Connaissance ».

Une véritable éthique de vie se dessine alors, qui permet à l’individu de sortir de l’illusion qu’il est le centre du monde. En considérant l’autre comme son égal, en acceptant l’ordre des choses, il abandonne toute ambition déréglée. Il reprend sa place dans le monde, toute sa place mais rien que sa place. Il accepte son destin et se place en recul, heureux de participer au grand mouvement cosmique, sans rien attendre ni espérer pour lui-même.

On retrouve ici l’ataraxie des philosophes antiques, les vertus catholiques, ou encore l’appel des religions et philosophies orientales à ne pas se laisser entraîner par son mental.

La connaissance de soi rend heureux

C’est par la connaissance de lui-même que le philosophe peut atteindre le bonheur.

En effet, l’individu heureux est celui qui réussit à identifier les causes de ses pensées négatives. Loin de se culpabiliser à leur propos, il comprend le mécanisme de son ego. Et, par un exercice de méditation ou simplement un recul suffisant sur lui-même, il laisse passer ses pensées spontanées sans s’y attacher.

Il se détache de son mental pour atteindre un nouvel espace, cette fois sans limite. Son être perd toute épaisseur, mais entre en fusion avec le Tout : il retrouve sa véritable nature, celle de l’être universel, qui n’a plus peur ni de la souffrance, ni de la mort ni du changement.

L’espérance : l’autre définition philosophique du bonheur

Nous l’avons dit plus haut, l’atteinte d’un bonheur stable et durable passe par l’acceptation du monde tel qu’il est.

C’est l’idée que le monde est, malgré les apparences, parfaitement ordonné, et que s’il y a désordre, il n’existe que dans notre esprit. C’est bien notre incapacité à comprendre qui fait obstacle à l’expérience du bonheur.

A ce titre, l’espérance est une valeur essentielle : loin de tout pessimisme, l’espérance est la confiance sincère et raisonnée dans l’ordre du monde et le mouvement universel.

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Pour aller plus loin :

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

Ce livre numérique pdf (216 pages) aborde les notions essentielles de la spiritualité à travers 65 textes parus sur JePense.org

Modif. le 9 juin 2024

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