La béatitude en spiritualité : définition. En quoi consiste la béatitude ? Comment l’atteindre ? Quel rapport avec le Royaume de Dieu ?
En spiritualité, la béatitude (du latin beatitudo : « bonheur ») est synonyme de félicité : c’est un bonheur parfait, calme et durable.
Cette absence de trouble est rendue possible par la disparition de toute forme d’orgueil : l’individu renonce à lui-même, il se met en retrait pour laisser place à plus grand que lui.
Dans le christianisme, la béatitude peut être définie comme la félicité des élus au Royaume de Dieu. Ce « Royaume » représente une réalité accessible uniquement à ceux capables de sacrifier la partie matérielle d’eux-mêmes : ils pénètrent alors un monde fait d’une richesse infinie et inaltérable, où le mal n’existe pas.
On pourrait croire que le Royaume de Dieu est accessible uniquement après la mort. En réalité, Jésus précise que le Royaume est « au-dedans de nous ».
Pour ceux qui ne sont pas encore entrés dans le Royaume, la béatitude est une promesse. Dans les Evangiles, notamment le Sermon sur la montagne, Jésus décrit les moyens d’y accéder. Il incite à regarder le monde avec des yeux d’enfant, avec spontanéité et franchise, avec un cœur pur. Il faudra donc se débarrasser de toutes les postures et de tous les masques qui nous encombrent.
La béatitude est à mettre en lien avec :
- la sérénité,
- la grâce,
- la joie,
- la lucidité,
- l’émerveillement,
- la paix,
- le pardon,
- ou encore l’harmonie.
Voici une définition de la béatitude en spiritualité.
Lire aussi notre article : “Heureux les pauvres en esprit” : interprétation
La béatitude en spiritualité : définition
La béatitude est le bonheur parfait de ceux qui entrent dans le Royaume de Dieu ou, dans une version moins théiste, de ceux qui retrouvent leur véritable place au sein de l’univers. Autrement dit, c’est un état d’alignement avec les lois cosmiques et divines.
Accepter les lois universelles, c’est avoir vaincu toute forme d’illusion. C’est réaliser que nous ne sommes maîtres de rien, que nous n’avons aucun pouvoir, aucune liberté, aucune épaisseur. C’est comprendre que le cosmos tout entier parle à travers nous : nous n’agissons pas, nous sommes agis.
Paradoxalement, ce constat d’absence de liberté nous libère. Nous pouvons alors nous laisser porter par la vie, le destin et l’ordre du monde. Nous éprouvons un sentiment de quiétude, de confiance et de plénitude ; le monde apparaît alors comme un paradis, objet d’émerveillement permanent : c’est la béatitude.
La béatitude est donc une délivrance. S’affranchir implique de soumettre son ego, cet ego qui génère peur, angoisses, regrets, colère, incompréhension, séparation et repli sur soi, autant de sentiments qui nous ferment la porte d’une pensée universelle, d’un esprit libre.
Au final, l’entrée dans l’état de béatitude signifie que les péchés ont été vaincus, notamment l’orgueil, l’avarice, l’envie et la colère, et que les vertus se sont manifestées, notamment l’amour, la foi, l’espérance, la justice, la force et la tempérance.
Les Béatitudes du Sermon sur la montagne
Dans l’Évangile selon Matthieu (chapitre 5), les Béatitudes sont associées au « Sermon sur la montagne » que Jésus livre à ses disciples :
1- Voyant les foules, Jésus gravit la montagne. Il s’assit, et ses disciples s’approchèrent de lui.
2- Alors, ouvrant la bouche, il les enseignait. Il disait :
3- « Heureux les pauvres de cœur, car le royaume des Cieux est à eux.
4- Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés.
5- Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
6- Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.
7- Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
8- Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
9- Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
10- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des Cieux est à eux.
11- Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous persécute et si l’on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
12- Réjouissez-vous, soyez dans l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux ! C’est ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.
(…)
14- Vous êtes la lumière du monde. (…)
Les versets 3 à 10 décrivent les Huit Béatitudes, le verset 11 pouvant se rattacher au verset précédent pour former la même béatitude.
Toutes les béatitudes commencent par « heureux » : voilà donc les clés du bonheur. Jésus montre la direction pour entrer dans le Royaume de Dieu, pour être « béni ».
Analyse des Huit Béatitudes
Parmi les Huit Béatitudes, quatre sont paradoxales en ce qu’elles expriment un bonheur fondé sur un manque (apparent) ou sur une souffrance : il s’agit de la première, de la deuxième, de la quatrième et de la huitième.
A l’inverse, les quatre autres sont fondées sur une qualité : douceur, miséricorde, pureté de coeur, capacité à œuvrer pour la paix.
Voici une analyse rapide des Huit Béatitudes :
- Heureux les pauvres de cœur : cette béatitude peut être vue comme une invitation à reconnaître sa propre faiblesse, son manque de coeur et son besoin de Dieu. Ceux qui pensent avoir du coeur, ceux qui sont tournés vers leurs propres qualités se trompent,
- Heureux ceux qui pleurent : cette béatitude est sans doute la plus paradoxale ; elle peut être interprétée comme une invitation à lâcher-prise, à se laisser pénétrer par l’essentiel et à reconnaître la souffrance des autres. Les larmes peuvent constituer un signal positif qui annonce un nouveau chemin,
- Heureux les doux : la félicité appartient aux doux, c’est-à-dire aux humbles, aux généreux et à ceux qui font preuve de bienveillance et de miséricorde. Ceux-là font passer les autres avant eux-mêmes,
- Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : ce n’est pas la faim des biens matériels qui libère, mais la faim de justice pour les autres. Voilà une invitation à abandonner toute envie de se placer au centre,
- Heureux les miséricordieux : l’entrée dans le Royaume de Dieu passe par la compréhension, la compassion, le pardon, la sensibilité au malheur d’autrui,
- Heureux les cœurs purs : cette béatitude fait écho à la première (« Heureux les pauvres de coeur »). La pauvreté de coeur est ici synonyme de pureté de coeur. Un coeur trop riche serait un coeur égoïste, qui s’aime trop. Avoir du coeur, c’est au contraire aimer les autres avant de s’aimer soi-même,
- Heureux les artisans de paix : les artisans de paix sont ceux qui cultivent la paix intérieure, laquelle débouche sur la paix entre les hommes. Il s’agit de tenter de comprendre plutôt que juger, critiquer ou se battre,
- Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : cette béatitude reprend l’exemple de Jésus lui-même, prêt à se laisser persécuter, à se sacrifier pour laisser éclater la Vérité. Cela touche à l’exemplarité.
Les béatitudes dans l’Evangile de Luc
On retrouve les béatitudes sous une forme quelque peu différente dans l’Evangile de Luc, chapitre 6 :
20- Et Jésus, levant les yeux sur ses disciples, déclara : « Heureux, vous les pauvres, car le royaume de Dieu est à vous.
21- Heureux, vous qui avez faim maintenant, car vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez.
22- Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous excluent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme.
23- Ce jour-là, réjouissez-vous, tressaillez de joie, car alors votre récompense est grande dans le ciel ; c’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les prophètes.
24- Mais quel malheur pour vous, les riches, car vous avez votre consolation !
25- Quel malheur pour vous qui êtes repus maintenant, car vous aurez faim ! Quel malheur pour vous qui riez maintenant, car vous serez dans le deuil et vous pleurerez !
26- Quel malheur pour vous lorsque tous les hommes disent du bien de vous ! C’est ainsi, en effet, que leurs pères traitaient les faux prophètes.
Ce passage est suivi d’une invitation de Jésus à aimer même ses ennemis, à donner même aux voleurs, à agir sans rien espérer en retour. C’est bien le total don de soi, l’acceptation sans limite qui donne accès au Royaume de Dieu.
Le mont des béatitudes
Le mont des Béatitudes est une colline située au nord d’Israël, en Galilée, tout près du lac de Tibériade et de l’ancien village de Capharnaüm. C’est là que Jésus aurait prononcé le Sermon sur la montagne. L’église des Béatitudes a été érigée sur cette colline en 1938.
Conclusion
La béatitude au sens spirituel passe par l’abandon de tout attachement, condition indispensable pour atteindre la félicité. La béatitude correspond à un haut niveau de conscience ; elle évoque un état d’illumination qui peut faire penser, entre autres, au nirvana du bouddhisme.
Dans le christianisme, la définition de la béatitude renvoie à celle du Royaume de Dieu. Entrer dans le Royaume nécessite un saut spirituel majeur, l’état de béatitude ne pouvant être atteint que par un dépouillement total, ce qui nécessite d’abandonner y compris ses principes, ses convictions et sa morale…
Pour aller plus loin :
Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?
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Modif. le 1 avril 2025