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Le banquet d’ordre (planche maçonnique)

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Le banquet d’ordre au R.E.A.A. : que symbolise-t-il ? En quoi permet-il de fêter la saint Jean d’Hiver ? Voici une planche maçonnique au premier degré.

Le rituel du banquet d’ordre est très riche. Essayons d’en explorer la structure, la formulation et d’en questionner le sens ou l’Esprit qui peut en émerger.

Pourquoi, pour fêter Jean l’évangéliste, faut-il s’adonner à un banquet ? Certes, il y a dans la notion de banquet un coté festif. Faire bombance est toujours réjouissant et c’est un bon moyen de manifester sa joie. Se réunir côte à côte autour d’une table est une belle façon d’exprimer et de vivre notre fraternité, dans et par le partage. Mais « faire la fête » ne peut être pour nous, franc-maçon, un but en soi.

Posons d’abord clairement les choses : il ne s’agit pas ici d’une frairie, une fête de village. Il ne s’agit pas non plus de gueuletonner ; ni de transformer cette soirée en ribote ou en beuverie !

Nos anciens n’ont sans doute pas choisi le titre de banquet d’ordre au hasard… On pourrait même y voir là une malice… Banquet d’ordre : un oxymore ?

Entrons dans la signification symbolique du banquet d’ordre.

Voir aussi :

Le déroulement du banquet d’ordre est très particulier. Aux coups de maillet, à chaque santé, il s’agit de se reconnecter instantanément au fil du rituel, d’interrompre ipso facto toute conversation, mastication ou autre dégustation de poudre forte.

Les trois temps du retour à l’ordre nous y aident :

  • le premier temps nous assure que nous pouvons reprendre nos travaux en toute sécurité. Nous sommes à couvert ; nous avons écarté le profane, entendez… le profane qui s’agitait en nous,
  • dans un deuxième temps, il nous faut remettre un peu d’ordre sur la table et surtout… nous ordonner nous-même. Les canons sont alignés, nos drapeaux arrangés selon notre grade et la main droite dûment positionnée en équerre au bord de la table. Cela s’appelle « être en ordre de table »,
  • le troisième temps plus classique, debout, nous fait retrouver notre verticalité. Une mise à l’ordre qui est propre à ce rituel et va nous permettre de rendre les honneurs qui nous sont proposés par le Vénérable Maître ou par l’un des officiers. Buvons !

L’ouverture rituelle du banquet d’ordre se déroule de façon assez classique et nous amène dans un espace-temps consacré où vont se déployer des travaux durant lesquels reviendront, en demi-teinte, des éléments profanes.

L’ouverture de cette tenue d’obligation suit, comme à l’accoutumée, une progression. Il est intéressant de souligner la variation des expressions utilisées. On peut relever ces différents termes :

  • … nous allons ouvrir les Travaux du Banquet Rituel
  • … quel est notre premier devoir avant d’ouvrir la Loge de Table ?
  • … nous nous réunissons aujourd’hui en Banquet d’Ordre
  • Les Flambeaux, qui brillerons durant nos Agapes Fraternelles
  • … veuillez vous joindre à moi pour ouvrir ces Travaux rituels de Table
  • Je déclare ouverts les Travaux de Table

Il faut porter attention à cette variation des formules employées pour désigner ce banquet d’ordre de la saint Jean d’hiver. Voilà une approche multiple qui reflète la richesse symbolique des différents aspects de cette fête.

Penchons-nous sur un instant singulier que l’on peut relier à la notion d’agapé : le partage du pain et la présentation de la coupe.

Juste avant l’invocation au GADLU, en fin d’ouverture des travaux, le Vénérable Maître rompt le pain et présente la coupe de vin, introduisant ainsi les Travaux de Table.

Le pain, « nourriture matérielle indispensable au maintien de la vie humaine, réconforte notre corps et éveille notre intelligence ». Le vin « réchauffe nos cœurs et inspire notre amour fraternel ». « Les sages le nommaient le breuvage des Dieux, un breuvage Sacré qui représente symboliquement la véritable nourriture spirituelle initiatrice de la connaissance et de l’immortalité. »

Ainsi, le pain et le vin « témoignent de l’indispensable activité de l’Esprit sur la Matière. »

Ce moment hautement symbolique « du pain et du vin » est peut-être le cœur de ces travaux rituels de table. Ce symbole est profondément ancré dans la Tradition et il est nécessaire d’en méditer le sens initiatique et spirituel, en regard précisément de Jean l’évangéliste que nous célébrons.

Explorons un autre aspect qui structure ces travaux de table : le fait de tirer des santés.

Notre travail d’apprenti consiste à tailler notre pierre en vue de construire notre édifice. Le bruit de la carrière, nécessaire à l’efficacité de la taille, ne doit aucunement altérer le silence intérieur indispensable à la recherche de la vérité.

En cette tenue de la saint Jean d’hiver, l’alternance des bruits et du silence nous rappelle que la spiritualité à laquelle nous aspirons ne peut s’affranchir de la réalité du monde dans lequel nous vivons.

Ceci nous renvoie à notre devoir d’ensemencer chacune de nos journées avec nos valeurs, notamment par une exemplarité sans tâche.

Les santés que nous tirons, ponctuées d’un « Buvons ! » sonore et volontaire – affirmation collective d’un idéal partagé – nous amènent à prendre conscience de notre interdépendance avec notre environnement. Cela nous invite à apprécier cet environnement à sa juste valeur pour ce qu’il nous permet au quotidien.

Qu’il s’agisse des institutions républicaines ou maçonniques, de notre Loge et de nos frères dans leurs différentes charges, de notre environnement professionnel, de nos familles, prenons conscience que la Liberté et le cadre qu’elle nous offre font de nous des privilégiés sur notre chemin de vie.

La Liberté ? Liberté d’association, Liberté d’expression, Liberté de déplacement pour ne citer que celles- ci. Ces libertés nous semblent naturelles, comme la paix, mais l’état du monde nous rappelle que rien n’est acquis définitivement et qu’il incombe à chacun de nous de défendre ces libertés sans lesquelles nous ne pourrions travailler en toute quiétude.

Notre Devoir est de porter au plus haut nos valeurs qu’on pourrait désigner par « un humanisme éclairé », où l’exclusion de nos frères en humanité n’est en aucun cas une option, où la fraternité et la justice doivent présider à nos choix, quels qu’ils soient, surtout lorsque ceux-ci nous demandent une certaine abnégation voire un sacrifice, signe suprême de l’Amour. Le cœur n’a pas de frontière ! La franc-maçonnerie est universelle.

Soyons attentif à la septième et dernière santé :

Souhaitons à ceux qui sont heureux et puissants, la Sagesse et la modération dans l’usage des biens de ce monde ! Souhaitons à ceux qui sont malades, ou malheureux, la santé et le retour du bonheur ! Enfin si le destin devait nous frapper, souhaitons-nous courage, force et sérénité au moment du passage à l’Orient Éternel !

Cette dernière santé nous espère en sérénité. Cette sérénité ne sera présente que si nous avons le sentiment d’avoir accompli notre devoir.

L’harmonie est aussi une condition de notre sérénité. Il nous faut rechercher sans répit l’harmonie au sein de notre Loge, dans nos familles, et pourquoi pas… dans notre pays et dans le monde.

Pour aller plus loin :

Les essentiels du premier degré maçonnique couverture

Ce livre numérique pdf (114 pages) comporte 33 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du premier degré maçonnique.

Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.

Modif. le 11 décembre 2024

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