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Aurions-nous pu faire mieux ?

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Aurions-nous pu faire mieux ? Aurions-nous pu agir autrement, de manière plus efficace ou plus pertinente ? Les regrets ont-ils un sens ? Approche philosophique et psychologique.

Il n’est pas rare de se dire que l’on aurait plus faire mieux, ou de regretter nos paroles, nos choix, nos actes. Nous nous culpabilisons, nous éprouvons des remords, autant de pensées qui peuvent devenir obsédantes voire étouffantes.

Quand ce ne sont pas des reproches à soi-même, les reproches que nous adressent nos proches nous confortent dans cette idée que nous aurions pu faire mieux ou autrement. De même, il nous arrive de formuler des reproches à ceux qui nous entourent ; nous provoquons alors chez eux de la souffrance, de la culpabilité et parfois de la colère.

Face aux regrets, aux remords ou au sentiment de n’avoir pas été à la hauteur, une question se pose : aurions-nous pu vraiment faire mieux ? Cela sert-il à quelque chose que de se dire que l’on aurait pu agir différemment ?

Lire aussi notre article : Les reproches en philosophie

Il est facile, a posteriori, de se dire que nous aurions pu faire mieux, alors même qu’il n’est pas possible de revenir dans le passé pour corriger nos erreurs. Cette idée vient du fait que nous sommes à présent mieux informés des conséquences de nos actes passés : nous pouvons donc émettre un jugement plus précis.

Pourtant, il n’est pas sûr que, sur le moment, nous aurions pu agir de manière plus pertinente ou efficace. En effet, l’être humain adapte en permanence son comportement et ses choix en fonction de ses capacités, de ses ressources, de ses contraintes, des informations dont il dispose et des enjeux qu’il perçoit. Il recherche à tout moment le meilleur choix… il n’aurait aucun intérêt à procéder différemment.

Par conséquent, l’être humain agit toujours au maximum de ses capacités. Si l’on estime qu’il n’a pas été à la hauteur, il est préférable d’en rechercher les causes plutôt que de faire naître en lui de la culpabilité.

Parmi ces causes il peut y avoir, par exemple, les limites cognitives (difficulté à anticiper, à se projeter), le manque d’expérience, l’absence d’information sur les conséquences possibles d’un acte, une perception biaisée (du fait d’un traumatisme, d’une expérience passée…), etc.

Ainsi, remords, regrets et reproches sont vains. Ils nourrissent une souffrance inutile ; ils se fondent sur la non-connaissance de soi, de nos propres limites, et sur la non-connaissance des autres.

On l’a vu, l’être humain est une machine programmée pour agir au mieux. Si l’on souhaite améliorer son comportement et augmenter sa performance, il conviendrait de l’aider plutôt que de lui faire des reproches…

C’est ainsi que la sensibilisation, l’explication, l’analyse et l’éducation sont les seuls moyens efficaces pour aboutir à de meilleurs comportements. Autrement dit, dans une perspective humaniste, on préférera toujours la prévention plutôt que le jugement.

C’est notre système cognitif qui nous amène à nous retourner sans cesse sur nos actes passés, dans le but d’apprendre, en vue de faire toujours mieux. Les regrets, quand ils ne sont pas destructeurs, nous forcent à nous remettre en cause, à nous améliorer ; ils nous préparent à revivre certaines situations dans de meilleures dispositions. La mauvaise conscience et les regrets ne sont donc pas forcément anormaux : ils doivent simplement être relativisés.

D’autre part, c’est le regard des autres qui nous amène à éprouver des remords. Le contrôle social (familial, communautaire, sociétal…) est fondé sur le principe du libre-arbitre : chacun est sensé être responsable de ses actes, chacun doit donc payer le prix et les conséquences de ses décisions.

Pourtant, la notion même de libre-arbitre peut être remise en cause :

La liberté n’est que l’ignorance des causes qui nous déterminent. 
Spinoza

A l’exemple de Spinoza, de nombreux philosophes, de l’Antiquité à nos jours, ont remis en cause la notion de libre-arbitre, tels Nietzsche :

Le « libre arbitre », nous savons trop bien ce que c’est : le tour de passe-passe le plus suspect qu’il y ait, pour rendre l’humanité « responsable ». Je ne fais que donner ici la psychologie de cette tendance à vouloir rendre responsable. Partout où l’on cherche à établir les responsabilités, c’est généralement l’instinct de punir et de juger qui est à l’œuvre. Les hommes ont été considérés comme « libres », pour pouvoir être jugés et punis, pour pouvoir être coupables : par conséquent toute action devait être regardée comme voulue. Aujourd’hui que nous sommes entrés dans le courant contraire, nous autres immoralistes cherchons, de toutes nos forces, à faire disparaître du monde l’idée de culpabilité et de punition.

Lire aussi : Le libre-arbitre, une illusion ?

En conclusion, il n’est pas certain que nous aurions pu faire mieux, même s’il est normal de se retourner sur sa propre action pour formuler un jugement et en tirer des leçons pour tenter, à l’avenir, d’agir de façon plus efficace. Celui qui réalise avoir commis une erreur doit se pardonner à lui-même et se réjouir de pouvoir apprendre de son expérience.

Dans tous les cas, on évitera les reproches autant que l’auto-culpabilisation. Car aucun reproche n’est véritablement fondé. Un individu ne peut être que ce qu’il est à un moment donné. Plutôt que de montrer du doigt, plutôt que de juger, il faudra donc accompagner, aider et aimer.

Le misanthrope est celui qui reproche aux hommes d’être ce qu’ils sont.

Pour aller plus loin :

Couverture les Essentiels de la Spiritualité Adrien Choeur

Qu’est-ce que la spiritualité ? Quel est le but à atteindre ? En quoi consiste la méthode spirituelle ? Quel lien avec la philosophie ?

Ce livre numérique pdf (216 pages) aborde les notions essentielles de la spiritualité à travers 65 textes

Modif. le 10 août 2024

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