Comment interpréter l’assassinat d’Hiram par les trois coups des trois mauvais compagnons ? Voici une planche maçonnique au 3ème degré.
Au cœur de la cérémonie d’élévation au troisième degré, le récipiendaire est confronté à un meurtre symbolique où il est impliqué directement en qualité de substitut de Maître Hiram, et indirectement dans son rapport aux trois mauvais compagnons.
A la lecture du rituel, on peut se poser les questions suivantes. Pourquoi faut-il trois coups pour assassiner Maître Hiram ? Quelle interprétation donner aux coups donnés et aux coups reçus ? Ou encore, en quoi le récipiendaire est-il personnellement impliqué, que représente Maître Hiram et pourquoi les trois principales Lumières de la loge interprètent-elles le rôle des trois mauvais compagnons ?
Voir aussi notre liste de planches au troisième degré
L’assassinat d’Hiram par les trois coups
Sur le plan symbolique, le chiffre 3 est traditionnellement associé aux trois dimensions de l’homme : corporelle, psychique et spirituelle. Ce ternaire, synthèse du 1 et du 2, représente l’achèvement de la manifestation. On peut encore y voir les trois phases de l’existence, la naissance, la croissance et la mort.
Dans la cérémonie d’élévation, les trois coups relatifs à l’assassinat de Maître Hiram font écho à bien des choses. Avant même qu’il soit initié, c’est bien par trois grands coups que le récipiendaire est introduit en loge :
Demandez et vous recevrez (la Lumière), cherchez et vous trouverez (la Vérité), frappez et on vous ouvrira (la porte du Temple).
Puis son parcours initiatique va le confronter consciemment ou inconsciemment à un cycle de construction, déconstruction et reconstruction, chaque fois associé à ce même ternaire :
- le cycle commence par une phase de construction : c’est par trois coups portés sur la tête, l’épaule gauche et l’épaule droite que l’initié est créé, constitué et reçu apprenti,
- le cycle se poursuit par une phase de déconstruction : ce sont les trois coups de l’assassinat d’Hiram,
- enfin, le cycle tend vers la reconstruction : c’est par 3 fois 3 coups portés sur les mêmes parties du corps que le Vénérable Maître confère au compagnon le troisième degré.
Que représentent les trois coups ?
Qu’est-ce qui a été perdu ?
– Les secrets véritables des Maîtres Maçons.Comment ont-ils été perdu ?
– Par trois grands coups qui ont causé la fin tragique de notre Respectable Maître Hiram.
Ces coups ne sont-ils pas représentatifs de nos comportements destructeurs ? Un coup est un choc physique qui divise, qui sépare (« coup » et « couper » on la même racine).
Symboliquement, les trois coups divisent au lieu de rassembler, renforcent la dualité au lieu de l’apprivoiser et de tendre vers l’unité.
Un coup, c’est encore un choc moral, traumatique ; symboliquement, chaque coup porte atteinte à l’une des composantes qui constituent l’être, son corps, ses sentiments, son esprit.
Ces trois grands coups ne représentent-ils pas également la face cachée de tout franc-maçon, celle que le récipiendaire perçoit peut-être dans le miroir le jour de son initiation ?
En fait, le rituel ne met pas en lumière la nature des coups portés par les trois mauvais compagnons, ni la nature des coups reçus par Maître Hiram. Il met plutôt en lumière les outils du meurtre et les parties du corps atteintes.
Les trois outils de l’assassinat d’Hiram
Dans le cadre spécifique de l’assassinat, les mauvais compagnons détournent leurs outils de leurs fonctions initiales, en apparence pour détruire, en réalité pour se détruire. L’outil mal utilisé symbolise ici le manque de maîtrise.
- Le premier coup est porté avec le fil à plomb ou perpendiculaire. Ce symbole de verticalité représente notamment notre capacité à descendre dans notre for intérieur. Ce premier coup nous rappelle notre état de grande ignorance face aux questions existentielles. Le fait de ne pas avoir de réponses peut paralyser notre action.
- Le deuxième coup est porté avec le niveau, symbole d’équité et d’ouverture vis-à-vis des autres, d’équanimité et d’équilibre vis-à-vis de nous-mêmes. Ce deuxième coup nous rappelle le risque que représentent nos certitudes qui, poussées à l’extrême, engendrent le fanatisme, qui entraîne l’homme à ne satisfaire que ses propres croyances sécurisantes et ses sentiments égoïstes.
- Le troisième coup est porté avec le maillet, symbole de l’autorité et de la volonté. Ce troisième coup nous rappelle les risques inhérents au pouvoir et à l’ambition, qui n’ont pour seul objectif que de satisfaire l’ego et de désir de possession.
Ces trois coups nous permettent de relativiser notre désir légitime de progresser : la soif de réponses peut nous entrainer vers le pire. Ils nous rappellent aussi que les imperfections, vices et passions font partie de notre existence. Mais, parce que nous sommes maintenant en capacité d’identifier ces points de faiblesse, nous sommes à même de mieux nous maîtriser.
Ainsi, les trois coups sonnent comme un rappel à l’ordre. Ils symbolisent notre mort mais permettent à Hiram et donc au récipiendaire de renaître pour passer à un autre plan.
Les points d’impact
L’épaule droite reçoit le premier coup : elle symbolise le corps, le siège de la force physique et de la puissance de réalisation (Boaz, « dans la force »). Hiram reçoit ce premier coup à la porte du midi, là où le Soleil est à son apogée. Ce premier choc fait tomber Hiram sur le genou droit : l’ego impose sa volonté en nous faisant plier le genou.
L’épaule gauche reçoit le deuxième coup : elle symbolise le psychisme de l’homme, sa capacité à se penser au sein de l’univers (Jakin, « il établira »). Hiram reçoit ce coup à la porte de l’occident, là où le Soleil décline. Sous la violence de ce coup, Hiram tombe sur le genou gauche. Une nouvelle fois, l’ego impose sa volonté et nous fait plier.
Touchés par l’ignorance et le fanatisme, nous tombons donc à genoux : au lieu de nous soumettre au Grand Architecte de l’Univers, nous nous sommes soumis à nous-mêmes.
Enfin, le front reçoit le dernier coup : il symbolise l’Esprit de l’homme. Hiram reçoit ce coup au seuil de la porte de l’orient, symbole d’une lumière nouvelle et donc de la renaissance.
L’assassinat d’Hiram : interprétation
Dans ce drame, le récipiendaire peut s’identifier à tous les acteurs : une partie de lui est Maître Hiram, l’autre partie s’incarne en les trois mauvais compagnons.
Mais qui était Maître Hiram ? L’instruction nous le décrit ainsi :
Un homme célèbre dans la connaissance de l’Architecture et dans l’Art de fondre et de façonner les métaux. (…) Hiram est le symbole de l’homme de valeur qui, malgré les tentations et les persécutions, remporte la victoire sur ses faiblesses et ses passions et se rapproche de la perfection humaine.
Selon la Bible, « Hiram était rempli de Sagesse, d’intelligence et de science » ou « d’habilité, d’adresse et de savoir » (I Rois, VII, 14).
Hiram incarne tout simplement la Sagesse, la Force et la Beauté, vertus qui doivent fonder notre temple intérieur.
Les trois mauvais compagnons incarnés par les trois Lumières de la loge
Faute d’avoir mal assimilé l’enseignement des deux premiers degrés, les trois mauvais compagnons veulent s’approprier par la force les secrets du troisième degré et tuent symboliquement celui qui représente la Connaissance.
Ainsi, le Second Surveillant, l’instructeur des apprentis, représenté par le pilier Beauté, peut pêcher par ignorance (manque de connaissance),le Premier Surveillant, l’instructeur des compagnons, représenté par le pilier Force, peut pêcher par fanatisme (excès de certitude) et le Vénérable Maître, l’instructeur des maîtres, représenté par le pilier Sagesse, peut pêcher par ambition (manque d’humilité).
Ainsi, les trois mauvais compagnons représentent l’antithèse des trois vertus incarnées par Maître Hiram. A l’esprit de sagesse et de discernement, s’opposent l’irréflexion et l’impulsivité ; à l’esprit de conseil et de force, s’opposent la paresse et l’égocentrisme ; à l’esprit de connaissance s’opposent la vanité et l’orgueil. La prise de conscience de cette dualité va fonder le nouveau chemin d’élévation du franc-maçon, désormais en lutte permanente contre ses mauvais penchants.
Conclusion
L’assassinat d’Hiram nous parle de la perpétuelle destruction et reconstruction de notre Temple intérieur. Nous sommes à la fois les ouvriers et les saboteurs de notre chemin spirituel.
En réalité, dès l’entrée dans le cabinet de réflexion, le rituel nous alerte par le mot « vigilance ». Un peu plus tard, au cours de l’initiation, le miroir nous révèlera que la présence de l’ennemi en nous-même.
Par ailleurs, le rituel d’initiation au troisième degré nous incite au recul, au retournement : « Contemplez l’Etoile Flamboyante qui vous fait face … C’est avec les lumières du passé qu’on se dirige dans l’obscurité de l’avenir ! »
Le rituel insiste encore sur le devoir de lutter contre l’ignorance, le fanatisme et l’ambition :
Ceux qui œuvrent pour le progrès de l’humanité, ont des adversaires et doivent résister à leurs menaces. Ce meurtre apprend aux francs-maçons qui édifient le Temple de la Fraternité humaine, que leur travail comporte une lutte continuelle contre l’Ignorance, le Fanatisme et l’Ambition que représentent les trois mauvais compagnons.
Or, nous ne luttons pas seul. Dès l’initiation, à l’issue du premier voyage, face aux bruits qui « figurent les passions », le Vénérable Maître rappelle au récipiendaire que « sans le secours de nos frères, la chute aurait pu être mortelle ».
Enfin, pour dompter l’ignorance, le fanatisme et l’ambition qui représentent nos comportements destructeurs, nous devons cultiver les vertus Sagesse, Force et Beauté.
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (98 pages) comporte 26 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du troisième degré maçonnique.
Il offre des points d’appui pour qui souhaite pénétrer plus profondément l’esprit et le sens de ce degré.
Modif. le 11 janvier 2025