L’apprentissage de la parole au grade de compagnon : en quoi consiste le « bien parler » en loge ? Voici une planche au 2ème degré.
Une des grandes nouveautés au grade de compagnon est la possibilité de demander la parole et de s’exprimer en loge. Mais dans les premiers temps, on peut avoir du mal à abandonner le silence de l’apprenti et le confort du septentrion, tant la pratique de l’art oratoire est difficile.
Prendre la parole, c’est prendre des risques et s’exposer. Mais, ayant pris place sur la colonne du midi, ne sommes-nous pas désormais dans la lumière ?
Lors de son deuxième voyage initiatique, le compagnon découvre le cartouche des sept arts libéraux, parmi lesquels les trois arts de la parole ou trivium :
- la grammaire consiste à parler et écrire correctement,
- la dialectique comprend l’ensemble des moyens visant à raisonner, démontrer, réfuter ou persuader,
- la rhétorique, synonyme d’éloquence, est l’art de parler et de discourir.
Les trois arts du trivium allient sagesse, force et beauté dans la manière de parler. Mais nous allons voir que cet art nécessite d’autres qualités.
Voyons plus précisément en quoi consiste la parole au grade de compagnon.
L’apprentissage de la parole au grade de compagnon
Au premier degré, le franc-maçon apprend le silence : à l’ordre, il pose sa main sur la gorge, comme pour réprimer le son prêt à sortir de ses cordes vocales. Au second degré, il réapprend à parler, main droite sur le coeur.
La signification de cette évolution est claire : la parole doit se fonder sur le silence, sur l’écoute, et sur un nécessaire temps de recentrage.
Le silence a permis à l’apprenti de mieux se connaître, d’identifier ses passions, ses préjugés et ses limites. Il sait désormais que ses perceptions sont fausses ou partielles. Il sait que la plupart des idées qui peuplent son mental sont subies et influencées.
Lire aussi notre article : Qui parle quand je parle ?
C’est la raison pour laquelle le franc-maçon, lorsqu’il retrouve la parole, la pratique d’une manière inédite. Ses mots, qui étaient autrefois empreints de jugement, d’intolérance et d’incompréhension, se font plus mesurés, tempérés.
Lucide, le compagnon se méfie de lui-même, s’arme de prudence et s’efforce de prendre toujours plus de recul sur ses propos. Il réfléchit avant de parler, s’abstient lorsqu’il doute, donne la priorité à ceux qui ont mieux à dire, s’excuse lorsque ses propos dépassent sa pensée. Il s’exprime non pas pour lui-même, mais au service des autres et dans le but d’apporter humblement sa pierre à l’édifice. Il ne se met pas en avant, mais vient encourager et compléter la parole de ses pairs.
Maîtrisée, la parole se fait aussi plus universelle : elle vise, autant que faire se peut, à l’atteinte des idées vraies, au sens platonicien. Elle s’appuie sur l’intuition, toujours validée par la raison.
Enfin, on pourrait dire que la parole juste est synonyme de Lumière : elle éclaire l’assistance, aide, guide et élève.
Parler en loge : les règles
La prise de parole en loge se fonde sur des règles strictes qui concernent :
- la demande de la parole : elle se fait par un signe discret, aux seuls moments où la parole circule,
- l’obtention de la parole : elle se fait selon le principe de la triangulation,
- la prise de parole : elle se fait à l’ordre, dans une position qui traduit de bonnes dispositions mentales et un alignement intérieur favorable,
- à la fin de l’intervention, la formule « j’ai dit » permet de signifier que l’on s’efface pour laisser la parole aux autres.
Cette codification encourage le compagnon maîtriser ses paroles et à contenir toute forme d’excès, autant sur le fond que sur la forme (longueur de l’intervention, langage corporel…).
Retrouver la parole perdue
Le compagnon est en quête de la parole perdue, autrement dit en recherche de la vérité. Pour cela, il doit renoncer à ses illusions, dépasser ses désirs égoïstes, bref déchirer tous les voiles pour accéder à la réalité telle qu’elle est.
S’il est sans doute impossible d’accéder à la vérité, il est possible de s’exprimer avec justesse et équilibre en loge comme dans le monde profane. Les mots nourrissent alors une intelligence collective qui doit permettre à chacun de progresser dans sa vie.
Voir aussi notre liste de planches au grade de compagnon
Pour aller plus loin :
Ce livre numérique pdf (100 pages) comporte 27 planches essentielles pour approfondir les thèmes et symboles du second degré maçonnique.
Il offre des points d’appui dans le labyrinthe des objets et concepts à décrypter.
Modif. le 26 février 2024