La tempérance est une vertu synonyme de modération, de sobriété et de juste mesure (antonyme : hybris, démesure).
Dans la philosophie de la Grèce antique, la tempérance est l’enkrateia, « le pouvoir sur les choses », rendu possible par la maîtrise de soi, le contrôle de ses propres passions et instincts. Cette notion se retrouve notamment chez Aristote et Platon.
Dans l’Antiquité puis dans le christianisme, la tempérance est, avec la prudence, la force d’âme et la justice, l’une des quatre vertus cardinales. On peut même la voir comme le socle des trois autres vertus. La tempérance implique en effet retenue (donc prudence), maîtrise de soi (donc force d’âme) et équilibre (donc justice).
Par ailleurs, la tempérance est le parfait antidote aux péchés capitaux : elle préserve de l’orgueil, de l’avarice, de la luxure, de l’envie, de la gourmandise, de la colère et de la paresse.
Dans le domaine du comportement, la tempérance est sobriété, retenue et modération. Dans le rapport aux autres, elle est justice. Dans le domaine de la pensée, elle est pondération et équilibre. Dans le domaine de la parole, elle est prudence et tact.
Les allégories de la Tempérance sont nombreuses au Moyen âge et surtout à la Renaissance, période d’intérêt pour les valeurs de l’Antiquité classique.
La Tempérance est parfois symbolisée par une salamandre, animal tempérant puisqu’on dit qu’il nourrit le feu de la sagesse tout en éteignant le feu des passions. La devise de la Salamandre est : « Je me nourris du bon feu et éteins le mauvais ».
Mais, nous allons le voir, la Tempérance est le plus souvent symbolisée sous les traits d’un personnage tenant des jarres et versant ou mélangeant deux liquides.
Voici quelques exemples d’allégories de la tempérance.
Les allégories de la tempérance (quelques exemples)
La Tempérance est souvent représentée sous les traits d’un personnage, souvent une femme, équilibrant deux éléments opposés.
Ci-dessous, une « allégorie du bon gouvernement » (Ambrogio Lorenzetti, vers 1340) dans laquelle une reine semble attentive à l’équilibre des sphères d’un sablier :
Ci-dessous, la Tempérance tient captifs Cupidon (les passions amoureuses) et Cupidité (le goût des richesses). Il s’agit d’une oeuvre de François Demoulins de Rochefort (parchemin, début XVIe siècle) :
Souvent, la Tempérance est représentée sous la forme d’un personnage ailé, versant un liquide d’un vase à un autre.
Ci-dessous, une allégorie de la Tempérance de dos, par Beham et Hans Sebald (1539, gravure). On remarquera les ailes du personnage ainsi que la présence d’une sphère et d’un cube au bas de la gravure, comme une invitation à harmoniser Esprit et matière.
Les ailes de la Tempérance évoquent celles des anges qui vivent près de Dieu. A ce titre, des anges, symboles d’innocence, sont souvent représentés dans les allégories, comme ci-dessous chez Pietro Liberi (première moitié du XVIIe siècle) :
De même dans cette allégorie de Marco Liberi, fils de Pietro Liberi (XVIIe siècle) :
Les anges sont même les acteurs principaux de cette allégorie de Michel Dorigny (1650) :
On aperçoit ici des angelots tirer de l’eau du puits pour la transvaser dans différents récipients, le but étant de couper le vin.
La présence des angelots est parlante : pratiquer la tempérance permet de se rapprocher de Dieu.
« Mettre de l’eau dans son vin »
Souvent, la Tempérance boit de l’eau plutôt que du vin. Dans certaines représentations, elle renverse une jarre de vin et tient une jarre d’eau, comme ci-dessous dans cette sculpture en bois située sous la cuve baptismale de l’église bretonne de Commana :
De nombreuses autres allégories séparent les deux jarres, l’une étant tenue dans les mains, l’autre reposant aux pieds du personnage, ce qui évoque une capacité de discernement.
Mais le plus souvent, la Tempérance préfère mélanger les liquides plutôt que d’en rejeter un. La Tempérance consiste alors à couper le vin avec de l’eau, comme ci-dessous dans cette oeuvre de Théodore Rombouts (vers 1630), où un échanson (officier servant à boire au roi) verse de l’eau dans un verre de vin :
La peinture ci-dessus est en réalité une version modernisée des allégories plus classiques, telles que celle de Piero Pollaiuolo ci-dessous (1470) :
Dans les deux oeuvres ci-dessus, on remarquera la finesse de la courbe décrite par le filet d’eau, lequel prend l’aspect d’un fil reliant deux aspects de l’existence : le haut et le bas, l’Esprit et la matière, l’idéal et le réel, la conscience et les sentiments.
L’allégorie de la Tempérance dans le tarot de Marseille
L’arcane n°14 du Tarot de Marseille est la Tempérance :
On retrouve dans cette version restaurée du tarot du XVe siècle les caractéristiques classiques de la Tempérance : une femme ailée mélangeant les liquides. Sa robe est bicolore.
Interprétation
La tempérance est avant tout un pouvoir exercé sur soi-même. Elle implique maîtrise, humilité et discrétion, ce qui rappelle les qualités des anges. Elle est la voie du discernement et de la sagesse, donc de la sérénité et de la Joie.
La plupart des allégories de la tempérance mettent en avant deux jarres ou deux vases. On pourrait y voir l’opposition entre Apollon (ordre et harmonie) et Dionysos (art et émotion). On pourrait y voir le vase du « mal » et celui du « bien », le vase des passions et celui de la sagesse, mais ce serait là une simplification.
En réalité, les deux récipients symbolisent deux aspects de la vie à réconcilier, à savoir réalité et idéal, ou encore rigueur et miséricorde : une invitation à demeurer à la fois exigeant et compréhensif, c’est-à-dire juste et humain.
Au final, la tempérance est un art de vivre : l’art de concilier les contraires, de dépasser la paradoxes, un chemin sur le fil, une voie d’autant plus difficile que notre monde est excessif.
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Modif. le 23 avril 2025